Une collision entre un Boeing d’Air Austral et un Airbus de Yemenia évitée de justesse (Le Point)

Ce qui s’est passé dimanche dans la nuit au-dessus du canal du Mozambique aurait pu être, il y a vingt ans, un drame avec cinq cents morts. En effet, deux avions de ligne gros porteurs se sont, sinon frôlés, du moins croisés à une distance inférieure aux normes de la sécurité aérienne. Heureusement, des alarmes installées depuis quelques années dans les cockpits évitent les accidents, les transforment en incidents sans conséquence immédiate mais qui sont néanmoins strictement analysés.

Le Boeing 777-200 d’Air Austral (vol UU 972) ralliait Lyon à Saint-Denis de La Réunion, cap au sud-est, volant au niveau de croisière 350 (environ 11.600 mètres). Juste au-dessus, au niveau 360, l’Airbus A 330 de Yemenia (vol IY 628) venant de Sanaa se dirigeait vers Moroni, capitale des Comores, naviguant sensiblement au cap sud. Cette présence de deux avions de ligne progressant à près de 900 km/h et séparés en altitude de 1.000 pieds (300 mètres) est classique. Regardez par le hublot, par exemple pendant une traversée transatlantique, et vous pourrez apercevoir des appareils, semblant proches, en route parallèle, pendant des heures. C’est parfaitement réglementaire. Ce qui l’est moins, c’est la décision prise par le pilote de l’A330 de Yemenia de débuter la descente vers Moroni sans demander l’autorisation au centre de contrôle d’Antananarivo, à Madagascar, qui gère la zone.

Un filet de sécurité

Les deux avions se sont alors rapprochés suffisamment pour qu’à bord du 777 d’Air Austral retentisse une alarme générée par le TCAS (Traffic Collision Avoidance System). Cette alerte RA (Resolution Advisory), visuelle et audio, indique au pilote la manoeuvre à effectuer pour éviter la collision. Elle a retenti aussi dans l’autre avion. "Le pilote d’Air Austral a fait le nécessaire quand l’alarme de bord s’est déclenchée. Il n’a pas été surpris, et cela n’a pas causé de problème particulier. Les quelque 360 passagers à bord ne se sont rendu compte de rien", confirme Alain Abadie, secrétaire général d’Air Austral.

Ce type d’incident ne dégénère plus en drame grâce au système de détection de trafic TCAS. Mais c’est un filet de sécurité, pas un moyen de navigation. Le TCAS révèle que les règles de l’air n’ont pas été respectées. L’enquête, si elle réussit à avoir lieu, montrera pourquoi l’équipage du Yemenia n’a pas respecté l’altitude du plan de vol, celle qui a été confirmée par le contrôle de Tana. "I am going to file a report against you", a annoncé à la radio HF le contrôleur malgache, manifestant ainsi au pilote de Yemenia son intention de relever une infraction. Il a également remercié le pilote d’Air Austral. Ce dernier, à l’issue du vol, a déposé un Airprox (compte rendu de proximité d’aéronef), qui vise plus à une analyse des incidents pour éviter qu’ils ne se reproduisent qu’à une recherche de sanction.

La compagnie Yemenia se prêtera-t-elle à une enquête prévue par l’aviation civile internationale ? On peut en douter, car celle-ci, par l’Union des Comores interposée, maintient toujours une chape de plomb sur les causes de l’accident de son A310, tombé à la mer en juin 2009 avec de nombreux passagers français à bord. Devant la justice française, ses avocats tergiversent pour indemniser les victimes, tentant notamment de renvoyer les procès devant le tribunal de Moroni.

Par Thierry Vigoureux, Le Point

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