Un procureur et ses preneurs d’otages tués à Istanbul

Un procureur turc et les deux hommes armés, issus d’un groupe d’extrême gauche, qui l’avaient retenu en otage pendant plusieurs heures dans un tribunal d’Istanbul, sont morts mardi à l’issue de l’opération lancée par la police pour libérer le magistrat.

Atteint par balles à la tête et à la poitrine lors de cette intervention, le procureur Mehmet Selim Kiraz est décédé de ses blessures moins de deux heures après son hospitalisation, ont indiqué ses médecins.

M. Kiraz a été pris en otage en début d’après-midi dans le palais de justice de Caglayan, dans la partie européenne d’Istanbul, par deux hommes armés se réclamant d’un groupe marxiste clandestin, le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C).

Lors d’une visite officielle en Roumanie, le président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan a précisé que les deux militants, âgés de 28 et 24 ans, étaient entrés au tribunal "revêtus d’une robe" de magistrat ou d’avocat.

Le procureur Kiraz enquêtait sur les circonstances de la mort de Berkin Elvan, un adolescent décédé le 11 mars 2014 après 269 jours d’un coma provoqué par le tir d’une grenade lacrymogène de la police lors d’une manifestation à Istanbul en juin 2013.

Le groupuscule marxiste, connu pour ses nombreux attentats commis en Turquie depuis les années 1990, a publié sur les réseaux sociaux une photo montrant son otage assis dans un fauteuil et un pistolet braqué sur la tempe.

Dans une déclaration publiée sur un site internet qui en est proche, le DHKP-C avait menacé de tuer le magistrat s’il ne satisfaisait pas un certain nombre de revendications.

Après plus de six heures de négociations vaines, les unités d’intervention de la police ont mis fin mardi soir à la prise d’otage, tuant les deux militants du DHKP-C.

Plusieurs explosions et au moins une vingtaine de coups de feu ont été entendus lors de cette opération, ont constaté des journalistes de l’AFP.

"Nous avons fait tout ce qui était possible" pour obtenir la reddition des deux assaillants, a expliqué devant la presse le chef de la police stambouliote, Selami Altinok, qui a précisé que la police était intervenue "quand des coups de feu ont été tirés" dans la pièce où ils s’étaient retranchés.

"Cette opération a largement atteint son objectif", a commenté mardi soir le Premier ministre Ahmet Davutoglu.

– Cas emblématique –

"Nous considérons que cette attaque ne visait pas seulement le procureur Mehmet Selim Kiraz mais aussi la justice, la démocratie et tous les citoyens de Turquie", a-t-il ajouté, "personne ne doit douter que nous continuerons à combattre le terrorisme avec détermination et par tous les moyens".

"Ce qui s’est passé n’est pas à prendre à la légère (…) c’est un incident auquel nous devons prêter la plus extrême attention", a de son côté estimé M. Erdogan.

Selon les médias turcs, le commando exigeait que les policiers à ses yeux responsables de la mort de Berkin fassent une "confession publique" et qu’ils soient traduits devant un "tribunal du peuple".

Le père de la victime, Sami Elvan, a lancé un appel aux ravisseurs pour qu’ils relâchent leur otage. "Mon fils est mort, mais je ne veux pas que quelqu’un d’autre meure", a-t-il déclaré lors d’une conversation téléphonique avec un député de l’opposition.

Aucun policier n’a pour l’heure été formellement mis en cause dans l’enquête ouverte il y a quatre mois par le procureur Kiraz.

En mars 2014, l’annonce de décès de Berkin Elvan, âgé de 15 ans à peine, avait fait spontanément descendre des centaines de milliers de personnes dans les rues de Turquie. De nombreux manifestants ont encore commémoré sa disparition le 11 mars dernier dans tout le pays.

Le cas de Berkin Elvan est devenu un symbole de la violente répression exercée par le pouvoir en 2013 et de la dérive autoritaire que lui reprochent ses détracteurs. M. Erdogan l’avait publiquement qualifié de "terroriste".

Au moins huit personnes ont été tuées, plus de 8.000 blessées et des milliers d’autres arrêtées, selon les bilans des ONG de défense des droits de l’Homme.

Le 1er janvier dernier, le DHKP-C avait revendiqué un attentat manqué contre des policiers en faction devant la palais impérial de Dolmabahçe, à Istanbul, en indiquant avoir agi pour venger la mort de Berkin Elvan.

Des incidents ont éclaté mardi soir entre militants proches du DHKP-C et les forces de l’ordre dans plusieurs quartiers d’Istanbul, ont rapporté les médias turcs.

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