Tunisie: les tractations sur le nom du futur premier ministre suspendues faute d’accord

Les pourparlers entre le parti au pouvoir, Ennahda, et l’opposition pour nommer un nouveau Premier ministre sont suspendus sine die faute d’accord, a indiqué lundi soir le médiateur de la crise, le syndicat UGTT.
Des débats houleux ont émaillé les tractations entre les islamistes d’Ennahda et ses alliés au gouvernement, et l’opposition. Ennahda s’accroche à son candidat, Ahmed Mistiri, 88 ans, alors que l’opposition soutient Mohamed Ennaceur, 79 ans.

"Nous avons décidé de suspendre le dialogue national jusqu’à ce qu’il y ait un terrain favorable à sa réussite", a déclaré le secrétaire général de l’UGTT, Houcine Abassi.

"Nous ne sommes pas arrivés à un consensus sur la personnalité qui dirigera le gouvernement, nous avons essayé de résoudre les difficultés mais il n’y a pas eu de consensus", a dit M. Abassi.

La classe politique aurait dû, selon le calendrier initial des négociations, s’accorder samedi sur l’identité d’un Premier ministre indépendant appelé à succéder à Ali Larayedh.

Mais les négociateurs ne sont pas parvenus à départager deux candidats: Mohamed Ennaceur, 79 ans, soutenu par l’opposition et Ahmed Mestiri, 88 ans, soutenu par le parti au pouvoir, Ennahda, et ses alliés.

L’opposition commençait à se montrer pessimiste quant aux chances de compromis. "S’il n’y a pas de consensus aujourd’hui, ce sera l’échec" des négociations, a estimé Samir Bettaïeb, du parti Al Massar.

Interrogé sur les ondes d’Express FM dans la matinée du 4 novembre 2013, Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, a déclaré que si la troïka s’entêtait à défendre Ahmed Mestiri et à gagner du temps, il serait préférable de garder Ali Laârayedh.

Hamma Hammami a également rappelé l’âge avancé d’Ahmed Mestiri qui l’empêcherait, selon lui, de travailler pendant des heures chaque jour et de voyager. Il a également proposé de faire appel à des personnalités autres que celles d’Ahmed Mestiri et de Mohamed Ennaceur. Hamma Hammami a assuré que les partis de la troïka s’arrogent le droit de choisir le prochain chef du gouvernement car ce sont eux qui vont laisser le pouvoir.

Le Premier ministre indépendant qui est censé être désigné lors de ce "dialogue national" doit en théorie, selon le calendrier des négociations, former d’ici la mi-novembre un cabinet apolitique pour remplacer celui d’Ali Larayedh.

Ces pourparlers visent à sortir la Tunisie de la profonde impasse dans laquelle elle est plongée depuis l’assassinat le 25 juillet du député d’opposition Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance jihadiste.

Ali Larayedh a accepté de laisser la place à un gouvernement apolitique à condition que l’ensemble du calendrier de ce dialogue soit respecté. Celui-ci prévoit la mise en place d’une législation et d’un calendrier électoraux ainsi que le lancement de la procédure d’adoption de la Constitution, en cours d’élaboration depuis deux ans.

Mais différents dossiers ont d’ores et déjà pris du retard: les membres de la future commission électorale n’ont pas pu être élus samedi comme prévu en raison d’un problème de procédure et le travail sur la législation régissant les élections, censée être adoptée le 9 novembre, n’a pas commencé.

Dès lors, des journaux s’interrogeaient sur les chances de réussite de ces pourparlers qui interviennent dans un contexte sécuritaire tendu en raison de la multiplication de violences jihadistes.

"Et si la solution tant attendue n’est pas trouvée aujourd’hui, devra-t-on s’attendre à ce que le dialogue national soit rompu?", s’interroge le quotidien La Presse qui conspue "un dialogue de sourds dans lequel chacun tire la couverture à lui".

Après trois mois de disputes et moult reports, les pourparlers ont débuté le 25 octobre mais depuis aucune décision consensuelle concrète n’a été mise en œuvre.

Sur le front sécuritaire, la présidence a annoncé dimanche le prolongement de huit mois, jusqu’à fin juin 2014, de l’état d’urgence en vigueur depuis la révolution ayant renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.

Une telle extension témoigne de la menace accrue, le chef de l’Etat Moncef Marzouki n’ayant prorogé l’état d’urgence depuis 18 mois que par tranches de un à trois mois.

Pour la première fois depuis la révolution, des attaques attribuées aux jihadistes ont ciblé la semaine dernière deux sites touristiques. L’un a été visé par un attentat suicide qui n’a pas fait de victime et l’autre par une tentative déjouée à temps. Durant le seul mois d’octobre, neuf gendarmes et policiers ont été tués dans des affrontements.

L’incertitude politique et la menace jihadiste ont favorisé l’anémie de l’économie, notamment du secteur stratégique du tourisme qui risque de souffrir encore après les attentats ratés du 30 octobre.

Arrivés au pouvoir en octobre 2011, les islamistes ont été considérablement affaiblis par la multiplication des crises politiques, les assassinats de deux opposants, les heurts avec les jihadistes, les faiblesses de l’économie et les polémiques sur leurs tentatives supposées "d’islamiser" la société ou de juguler la liberté d’expression.

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