Tunisie: le grand parti séculier Nidaa Tounès en tête des législatives, Ennahda reconnaît sa défaite

Le principal parti séculier tunisien, Nidaa Tounès, est arrivé en tête des législatives de dimanche, les islamistes d’Ennahda ayant reconnu être en seconde position de ce scrutin-clé pour le berceau du Printemps arabe qui doit se doter d’institutions pérennes.

Le leader historique d’Ennahda, Rached Ghannouchi, a félicité le président de Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, pour sa victoire, a indiqué sur son compte Twitter sa fille, Soumaya Ghannouchi, en publiant une photo de son père au téléphone.

Le parti islamiste avait déjà admis être, selon ses propres premières estimations, distancé par Nidaa Tounès, son porte-parole Zied Laadhari affirmant à l’AFP que l’écart entre les deux formations était d’une douzaine de sièges.

"Nous les félicitons et nous n’avons aucun problème avec cela", a-t-il aussi dit à la radio privée Mosaïque FM.

Nidaa Tounès, une formation hétéroclite regroupant aussi bien des figures de gauche et de centre-droit que des caciques du régime de Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la révolution de 2011, se montrait très confiant.

Sa page officielle sur Facebook est barrée depuis lundi matin d’un "Nous avons gagné, vive la Tunisie", et dimanche soir son chef Béji Caïd Essebsi, 87 ans, avait déclaré disposer "d’indicateurs positifs" plaçant son parti "en tête".

– Une coalition pour gouverner –

L’instance organisant les élections (ISIE) n’a pour le moment annoncé que des résultats très partiels et la répartition des sièges au parlement n’a pas été divulguée.

Cependant, le mode de scrutin à la proportionnelle favorisant la représentation de petits partis, la formation victorieuse devra former une coalition pour avoir une majorité de 109 sièges sur 217. Ennahda a estimé obtenir environ 70 sièges contre 80 à Nidaa Tounès.

L’ISIE n’a de son côté donné lundi soir que les résultats de deux petites circonscriptions du Sud, Tozeur et Tataouine (moins de 80.000 votants à elles deux), fiefs d’Ennahda où le parti islamiste est arrivé en tête.

L’instance a indiqué qu’elle égrènerait le reste des résultats tout au long de la soirée.

M. Caïd Essebsi, vétéran de la vie politique tunisienne ayant servi aussi bien sous le père de l’indépendance Habib Bourguiba que sous Ben Ali est aussi le favori de la présidentielle du 23 novembre.

Nidaa Tounès a mené une campagne dure contre Ennahda, le taxant notamment d’obscurantisme et de laxisme vis-à-vis de la mouvance jihadiste et mettant en avant le bilan très controversé des islamistes au pouvoir de fin 2011 à début 2014.

La Tunisie a connu une année 2013 particulièrement terrible, marquée par l’essor de groupes jihadistes, les meurtres de deux opposants à Ennahda et une interminable crise politique.

Finalement, à l’issue de longues négociations, les islamistes ont quitté le pouvoir, une nouvelle Constitution a été adoptée et les élections de fin 2014 organisées.

– Participation en demi-teinte –

La participation au scrutin de dimanche est pour sa part en demi-teinte, s’établissant selon des données provisoires à 61,8%, soit environ 3,1 millions d’électeurs. Ce chiffre est en forte baisse par rapport à l’élection en 2011 de la Constituante, remportée par les islamistes, et pour laquelle 4,3 millions de Tunisiens avaient voté.

Le président de l’ISIE, Chafik Sarsar, s’est néanmoins dit "très satisfait" par ce taux, après une campagne atone qui a reflété le désenchantement de nombreux Tunisiens, la misère et le chômage, facteurs-clés de la révolution de 2011, continuant de miner le pays.

Enfin, malgré les craintes de troubles, notamment d’attaques jihadistes, les élections se sont déroulées sans incident majeur sous l’oeil de quelque 80.000 policiers et militaires.

Les élections de cette année sont destinées à doter enfin la Tunisie d’institutions stables. Ces scrutins ont pris deux ans de retard sur fond de crises politiques, de batailles politiciennes et de flambées de violences.

Mais aux yeux de la communauté internationale et des dirigeants tunisiens, le pays reste un espoir de réussite de transition démocratique, alors que l’essentiel des pays du Printemps arabe ont basculé dans le chaos ou la répression.

La France a ainsi loué "un cap historique" et l"attachement à la démocratie" des Tunisiens. Le président américain Barack Obama a lui salué "une étape importante dans la transition politique historique de la Tunisie".

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite