Tunisie : bras de fer entre le gouvernement et les médias

Tunisie : bras de fer entre le gouvernement et les médias
De récentes nominations à la tête d’établissements médiatiques publics, y compris des rédacteurs en chef, ont soulevé un tollé auprès des organisations professionnelles.

Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a affiché sa "profonde déception" après ces décisions "arbitraires" prises "sans concertation préalable avec les structures professionnelles spécialisées".

Il a mis en garde contre "les graves incidences sur la profession" que ces nominations risquent d’engendrer, accusant certains responsables désignés d’avoir été "des serviteurs dévoués sous le régime despotique de Ben Ali et d’autres d’être impliqués dans des affaires de corruption".

De son côté, l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC) a "vivement dénoncé" ces nouvelles nominations qui sont "en contradiction avec le processus de transition qui rompt avec l’information publique inféodée pour passer à une information publique, démocratique, pluraliste et indépendante".

Selon l’INRIC, les décisions annoncées "sont diamétralement opposées aux pratiques en vigueur dans les démocraties" et consacrent "un retour à l’exercice du contrô le et de la censure et à la soumission au diktat politique".

Figure de proue de la scène médiatique, Raouf Najjar, s’est joint à la manifestation pour "soutenir les journalistes tunisiens dans leur combat pour une presse libre et indépendante". Il a accusé le pouvoir exécutif de "vouloir reprendre les mêmes habitudes que le régime déchu de Ben Ali pour mettre au pas les médias". "La mère des libertés est, à côté de la justice, bien celle de la presse qui représente la vraie démocratie", a-t-il martelé.

Le porte-parole du parti "Ettakatol", qui s’est joint à la coalition gouvernementale dirigée par le mouvement islamiste "Ennahdha", Mohamed Bennour, était également présent, considérant que "la liberté de la presse était effectivement menacée" avec ces "nominations verticales".

"En entrant dans la coalition, on a bien dit qu’il y avait des lignes rouges à ne pas franchir, en l’occurrence les principes démocratiques", a-t-il tenu à rappeler.
"Qui n’est pas inquiet ? La liberté de la presse, c’est le premier indicateur de la bonne santé d’une démocratie", a lancé la représentante de Reporters sans frontières (RSF), Olivia Gré.
"Il ne faut pas que la parenthèse de la liberté se referme très vite", a renchéri le journaliste Ridha Kéfi, patron du journal en ligne "Kapitalis".

Des sympathisants d’Ennahdha étaient venus haranguer les journalistes dans une tentative de casser leur mouvement de protestation en les accusant de "mercenaires".

Des manifestations de protestations ont également eu lieu à l’agence officielle TAP, à Sfax (sud) et Gafsa (centre) pour dénoncer "les tentatives de mise sous tutelle des médias".

Sous la pression, le gouvernement a dû lâcher du lest. Selon la présidente du SNJT, Néjiba Hamrouni, qui a été reçue au premier ministère en compagnie d’autres membres du bureau du syndicat, un accord a été convenu sur l’annulation des nominations récentes de certains rédacteurs en chef et d’un directeur de l’information à la chaîne nationale.

L’accord prévoit en outre d’instaurer le principe d’élection au sein des établissements médiatiques en ce qui concerne ces fonctions.

La présidente du SNJT a, par ailleurs, obtenu un engagement du gouvernement à ouvrir une enquête sur de récentes agressions de journalistes.

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