Tunisie: Essebsi, vétéran de la politique et détracteur des islamistes

A 87 ans, Béji Caïd Essebsi, le grand favori de la présidentielle de dimanche en Tunisie, a servi aussi bien Bourguiba que Ben Ali avant de s’imposer comme le poids lourd de la Tunisie post-révolutionnaire face aux islamistes.
Revenu sur le devant de la scène à la faveur de la révolution qui a renversé le président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011, cet avocat de formation dont le parti Nidaa Tounès a remporté les législatives du 26 octobre, devant les islamistes d’Ennahda, a été nommé Premier ministre provisoire en février 2011.

Il a à son crédit d’avoir mené le pays vers les premières élections libres de son histoire en octobre 2011, remportées par Ennahda.

Mais ce ministre de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères sous le premier président tunisien Habib Bourguiba, puis président du Parlement en 1990-1991 sous Ben Ali, est accusé par ses opposants d’être un produit du sérail cherchant à reproduire l’ancien régime.

En 2012, une plainte le citant a aussi été déposée par des représentants d’un mouvement d’opposition à Bourguiba, les Youssefistes, torturés à l’époque où M. Caïd Essebsi était ministre de l’Intérieur.

Ses adversaires le critiquent aussi pour son âge avancé, estimant qu’il n’est pas représentatif de la révolution conduite par la jeunesse.

Pendant la campagne pour les législatives, il s’est aussi attiré de vifs reproches lorsque, interrogé sur les critiques d’une élue islamiste, il avait lancé "Ce n’est qu’une femme". Il avait plus tard assuré qu’il n’avait pas eu l’intention de lui manquer de respect, expliquant avoir utilisé cette expression par galanterie, pour ne pas critiquer une femme.

– Formation hétéroclite –

Son parti Nidaa Tounès ("L’Appel de la Tunisie") est une formation hétéroclite qui a attiré des hommes d’affaires, des intellectuels, des syndicalistes et des militants de gauche, mais aussi des proches de l’ancien régime unis par leur opposition aux islamistes.

Les anciens membres du RCD, le parti dissous de Ben Ali, "restent des citoyens qui (…) ont le droit de participer à la vie politique de notre pays. Autrement, c’est comme si on leur avait enlevé leur nationalité", a dit M. Caïd Essebsi à l’AFP.

Créé il y a seulement deux ans, Nidaa Tounès s’est rapidement imposé sur la scène politique comme le principal adversaire d’Ennahda. Le parti a d’ailleurs axé sa campagne pour les législatives sur l’opposition aux islamistes, martelant tout au long de ses meetings qu’Ennahda avait "ramené la Tunisie en arrière".

"Nous voulons un Etat du 21ème siècle, un Etat de progrès. Ce qui nous sépare de ces gens-là, ce sont 14 siècles", aime répéter sous forme de boutade mais non sans dédain M. Caïd Essebsi.

Nidaa Tounès n’a toutefois pas exclu une collaboration de circonstance avec eux après les élections, son leader a d’ailleurs reconnu qu’"Ennahda fait partie intégrante de la vie politique tunisienne".

Et M. Caïd Essebsi, qui parsème ses discours de versets du Coran et de vieux proverbes tunisiens, tient souvent à répéter que les islamistes n’ont pas le monopole de l’islam en Tunisie.

Pour la présidentielle, l’ex-Premier ministre s’est fait le chantre du "prestige de l’Etat".

Malgré son succès aux législatives, "L’Appel de la Tunisie" est accusé par ses opposants de n’avoir d’autre programme que de faire élire M. Caïd Essebsi, sans avoir de vision pour le pays.

Ses partisans, eux, voient l’ancien Premier ministre comme un homme d’Etat, le seul à pouvoir "faire barrage" aux islamistes.

M. Caïd Essebsi, père de quatre enfants né dans une famille tunisoise en 1926, se réclame de la pensée bourguibienne, du nom du "père de l’indépendance" tunisienne qu’il qualifie de "visionnaire" et "fondateur de l’Etat moderne". Et ce bien que des désaccords sur sa politique lui aient valu une traversée du désert de plusieurs années.

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