Tunisie: Essebsi, un vétéran élu président à 88 ans

Béji Caïd Essebsi, élu à 88 ans à la tête de la Tunisie, a servi aussi bien les présidents Bourguiba que Ben Ali avant de s’imposer comme le poids lourd de la Tunisie post-révolutionnaire face aux islamistes.

Net vainqueur face au président sortant Moncef Marzouki, l’octogénaire avait axé toute sa campagne sur le retour à l’ordre après quatre années d’une transition parfois chaotique, se référant encore et toujours à Habib Bourguiba, le père de l’indépendance tunisienne, dont il fut un proche collaborateur.

Mais, contrairement à son mentor, il peut se targuer d’être le premier chef d’Etat élu librement dans l’histoire de son pays.

Avocat de formation, M. Caïd Essebsi est revenu sur le devant de la scène à la faveur de la révolution qui a renversé le président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.

Nommé Premier ministre provisoire en février 2011, il a à son crédit d’avoir mené le pays vers les premières élections libres de son histoire en octobre 2011, remportées par les islamistes d’Ennahda.

Mais ce ministre de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères sous Bourguiba, puis président du Parlement en 1990-1991 sous Ben Ali, a été accusé par M. Marzouki d’être un produit du système déchu cherchant à reproduire l’ancien régime.

Si durant l’essentiel des années 1990 et 2000, il s’est effacé, M. Caïd Essebsi ne s’est jamais opposé à Ben Ali. Nombre de membres de l’ancien parti hégémonique, le RCD, sont d’ailleurs désormais dans sa formation, Nidaa Tounès.

En 2012, une plainte le citant avait été déposée par des représentants d’un mouvement d’opposition à Bourguiba, les Youssefistes, torturés à l’époque où M. Caïd Essebsi était ministre de l’Intérieur.

Lui balaye ces critiques et jure de travailler dans le strict cadre de la Constitution adoptée en janvier et qui limite les prérogatives présidentielles afin d’éviter un retour à la dictature.

"La Constitution nous gouverne tous. L’homme devant vous n’est pas prêt à sortir des prérogatives que la Constitution lui accorde", a-t-il assuré.

Ce père de quatre enfants, né dans une famille bourgeoise tunisoise en 1926, se réclame de la pensée de Bourguiba qu’il qualifie de "visionnaire" et "fondateur de l’Etat moderne", bien qu’il ait instauré un régime autoritaire ne tolérant aucune critique.

Face aux attaques sur son âge, peu représentatif d’une révolution portée par la jeunesse, il répète sans cesse que "la jeunesse n’est pas un état civil mais un état d’esprit", tout en se disant encore et toujours "en bonne santé".

Il a cependant refusé un débat avec son adversaire ainsi que sa demande de fournir un certificat médical.

– Formation hétéroclite –

Son parti Nidaa Tounès ("L’Appel de la Tunisie") est une formation hétéroclite qui a attiré des hommes d’affaires, des intellectuels, des syndicalistes et des militants de gauche, mais aussi des proches de l’ancien régime unis par leur opposition aux islamistes.

Les anciens membres du RCD "restent des citoyens qui (…) ont le droit de participer à la vie politique de notre pays. Autrement, c’est comme si on leur avait enlevé leur nationalité", a dit en novembre M. Caïd Essebsi à l’AFP.

Créé il y a seulement deux ans et demi, Nidaa Tounès s’est rapidement imposé sur la scène politique comme le principal adversaire d’Ennahda et a remporté les législatives d’octobre 2014.

"Nous voulons un Etat du 21ème siècle, un Etat de progrès. Ce qui nous sépare de ces gens-là, ce sont 14 siècles", aime répéter sous forme de boutade mais non sans dédain M. Caïd Essebsi.

Il se dit néanmoins prêt à une collaboration de circonstance avec les islamistes après les élections, admettant qu’Ennahda fait "partie intégrante de la vie politique". Parsemant ses discours de versets du Coran et de vieux proverbes tunisiens, il tient à répéter que les islamistes n’ont pas le monopole de l’islam en Tunisie.

Pour la présidentielle, l’ex-Premier ministre s’est fait le chantre du "prestige de l’Etat", ruiné selon lui par M. Marzouki qu’il présente comme un "extrémiste" soutenu notamment par des "salafistes jihadistes".

Mais dès dimanche soir, après le scrutin, il a appelé les partisans du président sortant à travailler avec lui.

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