Trois mariages et une présidentielle

Alors que s’approche à grands pas l’élection présidentielle française, les candidats qui font la course, qu’ils concourent sous le parapluie des partis, fruit des primaires ou de manière individuelle procèdent à des regroupements.

Par Mustapha Tossa

C’est le temps des alliances avant le premier tour. Un exercice indispensable pour resserrer les forces et dynamiser les stratégies. Par affinités politiques, par cohérence idéologique, les candidats se rapprochent les uns les autres pour former des écuries présidentielles plus fortes et plus audibles. C’est ainsi que, hasard du calendrier ou ironie du timing, deux alliances vient d’être annoncées presque simultanément sur fond d’un terrible télescopage de deux grandes affaires de détournements de fonds publics qui donne à la galaxie des droites des migraines inédites.

La première alliance est celle qui a donné au centre de la vie politique française une brusque visibilité et un soudain poids. Ce fut lorsque contre toute attente, l’icône du centrisme français, François Bayrou, éternel candidat à la présidentielle, a fait l’offre d’alliance à Emmanuel Macron. Cette grande surprise du chef fut du pain béni pour le chouchou des sondages qui commençait à voir son étoile pâlir. Il venait en effet de commettre une énorme bourde depuis l’Algérie lorsqu’il avait qualifié la colonisation de "crime contre l’humanité" avant de procéder un rétropédalage et de présenter de plates excuses. L’offre de François Bayrou a eu aussi pour effet, outre de reléguer au second plan une bavure politique qui allait lourdement peser sur la crédibilité de Macron, de donner à ce dernier une profondeur et une ampleur politique qui lui faisait tant défaut. Au point que certains observateurs, malgré son envol dans les sondages, avait du mal à oublier qu’il ne peut être en fin de compte qu’un produit marketing, une bulle artificielle qui se dégonflera au contact de la réalité électorale.

Le second mariage est celui qui a vu le vert Yannick Jadot faire allégeance au candidat officiel du Parti socialiste Benoit Hamon. Une alliance qui renforce Hamon devant l’appétit cannibale de son grand concurrent du Front de Gauche Jean Luc Mélenchon. Ce dernier a spectaculairement refusé de se joindre au candidat du PS dont il a qualifié l’entreprise de "corbillard". Cette alliance Jadot/Hamon célébrée en grandes pompes n’est pas parvenue à cacher l’handicap majeur de cette gauche post François Hollande qui envisage cette élection en rangs divisés. Les Français auront certes une offre politique de gauche diverse et multiple, mais qui risque de morceler les voix et de disperser les énergies au profit des noyaux durs et des écuries plus cohérents et plus efficaces. Pour de nombreux commentateurs, cette gauche là, divisée, deviendra une machine à perdre où les égos vont s’anesthésier au lieu de cumuler les atouts.

Le troisième mariage n’est pas une alliance en soi, mais plutôt un étrange télescopage médiatique et politique de deux grandes affaires d’emplois fictifs qui frappent avec la même dureté aussi bien le candidat des républicains François Fillon que l’icône de l’extrême droits Marine Le Pen. Pour Fillon, le parquet national financier vient d’ouvrir une enquête. Et ce sont bien des chefs d’accusation qui risquent de faire mal à une campagne presque inaudible et mal engagée. Il ne s’agit ni plus ni moins que de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, complicité et recel de ces délits, trafic d’influence et manquements aux obligations de déclaration à la Haute autorité sur la transparence de la vie publique.

Ces angles d’attaques même s’ils ne trouvent pas une traduction immédiate dans l’agenda judiciaire ont de fortes chances d’affaiblir l’indice de crédibilité du candidat Fillon. Quand à Marine Le Pen, après avoir demandé sans succès "une trêve républicaine" de la justice, la voilà, elle qui avait bâti toute sa fortune politique sur une stratégie "têtes hautes/ mains propres", aujourd’hui engluée dans une affaire de détournement d’argent public européen au profit d’intérêts privés. Dans leurs défenses, les deux candidats à la présidentielle ont eu en commun cette accusation adressée au pouvoir socialiste d’instrumentaliser les mécanismes de la justice pour influer sur le calendrier et le casting électoral. Ce à quoi le garde des sceaux répond en brandissant le sacro-saint principe de l’indépendance de la justice.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite