Traités de « lâches », les magistrats répliquent à François Hollande

Des présidents de tribunaux aux procureurs et jusqu’à la Cour de cassation, les magistrats ont abandonné jeudi leur réserve habituelle pour répliquer à François Hollande, ulcérés de l' »humiliation » qu’il leur a infligée en les accusant de « lâcheté ».

La première salve a été lancée sur fond d’or, de pourpre et d’hermine : le premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, a asséné qu’il n’était "pas concevable que la charge de président (…) puisse être utilisée par son titulaire pour contribuer à diffuser parmi les Français une vision aussi dégradante de leur justice".

M. Louvel et le procureur général de la plus haute juridiction française, Jean-Claude Marin, avaient été reçus à leur demande en catastrophe mercredi soir par le chef de l’Etat. Jeudi, ils ont mis toute la solennité de la Cour de cassation au service de leur indignation, en ouvrant à la presse une audience dans la "Grande chambre" de l’institution, d’une splendeur écrasante, devant une assemblée de magistrats en grande tenue.

Selon le procureur général de la Cour de cassation, l’entretien de la veille à l’Elysée "n’a pas atténué le sentiment que la magistrature (avait) ressenti face à une nouvelle humiliation."

Le premier président a même estimé que, venant du garant constitutionnel de l’indépendance de la justice, les commentaires de M. Hollande posaient "un problème institutionnel".

Ces commentaires, M. Marin les a lus dans un silence pesant, détachant chaque mot.

Dans le livre "Un Président ne devrait pas dire ça…" des journalistes Fabrice Lhomme et Gérard Davet, François Hollande déclare ainsi : "Cette institution, qui est une institution de lâcheté… Parce que c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n’aime pas le politique. La justice n’aime pas le politique…"

Les deux plus hauts magistrats de France ont été rejoints dans leur indignation par les présidents et les procureurs. Dans une démarche commune, les conférences réunissant les premiers présidents et procureurs généraux de cours d’appel ainsi que les présidents de tribunaux de grande instance et procureurs de la République ont, dans un communiqué, "vivement" déploré des propos pas "démentis à ce jour".

Pour eux, ces déclarations "portent gravement atteinte au crédit et à la confiance que doivent avoir les citoyens dans leur justice".

– "Petits pois" –

Tentant d’éteindre l’incendie, l’Élysée a fait valoir que le président devait "être considéré au regard de ses actes et de ses discours publics" et avait "toujours respecté l’indépendance de la justice".

M. Hollande "a toujours exprimé son respect pour l’institution et les magistrats qui la servent", a insisté la présidence, précisant que c’est ce qu’il avait dit à ses interlocuteurs mercredi soir.

Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a lui aussi assuré que depuis 2012, il n’y a eu de la part de François Hollande "pas un mot, encore moins une insulte, pas un acte, pas une demande d’intervention pour interférer dans une procédure, pas un jugement porté publiquement à l’occasion d’une émission télévisée sur tel ou tel magistrat".

Le premier président de la Cour de cassation a dénoncé des "outrances renouvelées" contre l’institution judiciaire, en critiquant dans un même élan les propos de François Hollande et ceux de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui avait comparé les magistrats à des "petits pois sans saveur".

Il n’a fallu que deux jours pour que vole en éclats la relation plutôt apaisée depuis 2012 entre les magistrats et le chef de l’État, qui doit dire en décembre s’il briguera un nouveau mandat.

Jusque-là, les magistrats savaient gré à François Hollande de laisser travailler les parquets. Signe de ce climat apaisé, le président avait été reçu le 7 octobre au congrès de l’Union syndicale des magistrats, organisation majoritaire de la profession, dont de nombreux membres s’étaient levés pour applaudir son intervention.

L’USM s’est depuis dit "stupéfaite" du "double discours" tenu par le chef de l’État.

Source AFP

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