Tensions à Ajaccio : un faux imam corse invité sur le plateau de France 3

Après Jean-Claude Romand, le médecin imaginaire et David Rocancourt, l’escroc des stars, voici… Rachid Birbach, le faux imam corse ! Dans un autre contexte, l’histoire prêterait à sourire, et peut-être tresserait-on des lauriers pour son jeu d’acteur à ce trentenaire joufflu qui prône amour et tolérance à qui veut l’entendre. Mais Rachid Birbach a profité d’un moment d’extrême tension à Ajaccio, pour se faire passer pour le président de l’Assemblée des musulmans de Corse et se faire inviter sur le plateau de France 3 dimanche dernier. Assemblée dont l’existence semble aussi imaginaire que son président autoproclamé. Car si officiellement l’association existe depuis octobre dernier, elle ne compterait que Rachid Birbach lui-même. Quelques-uns de ses proches tout au plus.

Ravi de la tribune offerte par France Télévisions, le jeune imam, qui n’a pas une analyse très aiguë de la Corse, y va de sa description prolixe pour expliquer le climat qui règne à Ajaccio, quelques jours après l’attaque subie par les pompiers dans le quartier des Jardins de l’Empereur le 24 décembre et le saccage d’une mosquée le lendemain. «Les musulmans de Corse vivent vraiment en harmonie avec les Corses, il n’y a aucun problème», affirme ainsi le jeune homme sur le plateau. Pour lui, les propos tenus par des responsables musulmans il y a quelques mois sont à l’origine du malaise.

Face à la pénurie de lieux de culte pour les musulmans, Dalil Boukakeur, recteur de la mosquée de Paris, avait notamment suggéré de transformer les églises vides en mosquées : «Le CFCM (Conseil français du culte musulman) et l’UOIF (Union des organisations islamiques de France) sont les seuls responsables des tensions actuelles», insiste le faux représentants des musulmans de l’île de Beauté.

Seulement voilà, au lendemain de l’interview, le site Al-Kanz, qui traite l’actualité musulmane, signale l’imposture. Non seulement Rachid Birbach ne représente pas les musulmans de Corse, mais en plus, le bonimenteur n’en est pas à son coup d’essai. L’invité de France 3 avait déjà fait parler de lui dans l’Yonne, se faisant passer dans les médias pour l’imam d’Auxerre, avant d’être dénoncé par l’association qui gérait la mosquée de la cité bourguignonne. «Je suis un imam conférencier auxerrois. Je peux prêcher où je veux», s’était défendu l’intéressé.

France 3 embarrassée

De son côté, France 3 a bien du mal à expliquer cette méprise. Contactée par le Parisien, la chaîne indique «ne pas vouloir faire de commentaire». Sur le blog de la médiation de France Télévisions, l’erreur n’est reconnue qu’à demi-mot : «Vous êtes nombreux a avoir réagi à la présence de Rachid Birbach sur le plateau du Soir 3. Le titre dont il se revendique « Président de l’Assemblée des Musulmans de Corse » est en effet une invention. Ses propos à l’encontre du CFCM n’engagent que lui, comme l’a souligné la journaliste Catherine Gonier-Cléon», écrit la médiatrice des rédactions Marie-Laure Augry.

Jointe par Arrêt sur Images, Agnès Molinier, la directrice adjointe de France 3, confie que c’est l’imam de Drancy Hassen Chalghoumi qui a mis en relation France 3 Corse et Rachid Birbach. Une version démentie par l’entourage d’Hassen Chalghoumi, contacté par leparisien.fr. Les deux hommes, autrefois très proches, auraient en effet rompu tout lien depuis près d’un an.

Rachid Birbach, un simple opportuniste ?

De son côté, Rachid Birbach semble s’être évaporé dans la nature et restait injoignable mercredi soir. Plusieurs responsables musulmans estiment qu’il ne s’agit que d’un opportuniste, dépourvu de toute légitimité. Un avis que partage M’Hammed Henniche, secrétaire de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis : «Je n’ai jamais rencontré physiquement Rachid Birbach, mais je connais le personnage. A mon sens, c’est simplement quelqu’un qui essaie de faire parler de lui et d’occuper une place médiatique qui peut lui conférer des privilèges de la notoriété et une place parmi les décideurs», estime-t-il. «Le problème, c’est que non seulement il est dans la caricature au niveau du discours, mais en plus, il ne représente personne», ajoute le responsable religieux.

C’est sans doute là où le bât blesse : les musulmans de France n’ont personne pour les représenter. Car tous ne se reconnaissent pas dans le CFCM, qui a vu le jour en 2003 et fait office d’interlocuteur de l’Etat, malgré son déficit de représentativité. Face à la confusion, certains, à l’instar de Rachid Birbach ont bien compris qu’il y avait un créneau disponible pour exister médiatiquement…

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