Tanger, l’avenir en construction

Développement Avec le projet Tanger Métropole, lancé par le roi Mohammed VI, qui se décline sur cinq axes — économie, urbanisme, social, culture et religion —, la cité mythique du nord du Maroc compte se hisser parmi les grandes villes internationales d’ici à 2017.

« C’est extraordinaire, nous voyons renaître l’histoire de Tanger. Hanae Bekkari, architecte, aime faire partager son enthousiasme. Nous avons découvert des pans de mur datant des périodes musulmane, portugaise et anglaise. » Ses yeux brillent lorsqu’elle parle de la réhabilitation de la muraille aux différents tons de beige, d’orange et de gris qui entoure la médina de cette ville mythique et multiséculaire : « Elle n’existait que sur des gravures datant du XVIIe siècle, nous pensions qu’elle avait disparu. » Les travaux qui ont permis cette découverte avaient pour objectif de percer une nouvelle entrée, à partir du port, pour accéder au dédale de petites rues de cette médina si célèbre, plantée à flanc de colline. Ils s’inscrivent dans un projet titanesque de réhabilitation globale et transversale de la ville, intitulé Tanger Métropole.

L’architecte marocaine est fière : ses équipes ont mis au jour, il y a deux mois, un ensemble architectural du XIIe siècle sur lequel était gravé en arabe “Porte de la Victoire”. Tout un symbole pour ce projet de développement qui touche à la fois l’économie, l’urbanisme, le social, la culture et la religion, dont le coup d’envoi a été donné, le 26 septembre, par le roi Mohammed VI ; son suivi a été confié au wali (préfet) de la région Tanger-Tétouan, Mohamed Yacoubi (lire notre entretien page 48). Tout devra être terminé en 2017 !

Le roi Hassan II avait délaissé les provinces du nord du Maroc ; son fils a, au contraire, choisi de concentrer ses efforts sur la région de Tanger-Tétouan, qui compte 3 millions d’habitants. Son objectif, grâce à ce projet, est d’accélérer le développement de Tanger pour la hisser au niveau des grandes métropoles internationales. Ne serait-ce que grâce à son importance géostratégique : Tanger n’est séparée de l’Espagne que par le détroit de Gibraltar, dont la largeur minimale est inférieure à 15 kilomètres et qui est parcouru chaque année par près de 150 000 navires, ce qui en fait l’une des voies de circulation maritime les plus importantes au monde.

Le royaume chérifien s’est donné les moyens d’atteindre son but : le plan de développement représente un investissement de 1 milliard de dollars sur quatre ans. Le montant final sera en fait bien supérieur : à ce milliard, il faudrait en effet ajouter le coût de projets déjà lancés dans le passé et qui ont été inclus par la suite dans Tanger Métropole.

« Bien sûr, l’économie est la base de tout », assure le wali de Tanger-Tétouan. La région deviendra le nouvel axe économique du Maroc, avec la création de plusieurs zones d’activités industrielles spécifiques. Le port Tanger Med, dont l’exploitation a commencé en 2007, continuera à se développer. Ce port en eau profonde, le plus proche d’Europe, « à 0 déviation pour les bateaux passant par le détroit, qui représente 20 % du commerce mondial », explique Hassan Abkari, directeur du marketing et du développement de Tanger Med, verra sa capacité passer à 8 millions de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds, la norme internationale) en 2015.

Autre relais de croissance important, Tanger Free Zone (TFZ), qui accueille 500 entreprises (dont 200 industrielles) et plus de 45 000 salariés ; sa proximité avec le port Tanger Med explique son essor rapide. C’est précisément là que Renault a choisi d’installer une usine d’assemblage. « Nous avons défini un cadre douanier et fiscal spécifique, en franchise de TVA et sans réglementation de change : les entreprises sont libres de facturer directement en euros et non en dirhams », explique Mehdi Tazi Riffi, directeur général de TFZ.

« Sans moyens pour assurer efficacement la logistique, il ne peut y avoir d’économie compétitive », prévient Hassan Salmi, directeur du Cri (Centre régional d’investissement) de la région de Tanger-Tétouan. La ville souffre depuis longtemps d’un engorgement chronique de ses routes et de ses autoroutes ; l’environnement urbain sera donc entièrement repensé, avec une redéfinition des flux de circulation. À l’intérieur de la ville et des quartiers d’une part, avec le réaménagement des rues, la construction d’une nouvelle corniche sur la côte atlantique et de parkings souterrains dans la ville, mais aussi avec la création d’un troisième axe autoroutier qui entrera dans la ville par le sud — jusqu’à présent il n’existait que les axes Rabat-Tanger et Tanger-Tétouan.

Deux voies de contournement seront également construites pour relier la Méditerranée à l’Atlantique. Parallèlement, toutes les activités qui nécessitent des déplacements de camionnettes et de camions, ainsi que les services communaux (marché de gros, gare routière, etc.), seront progressivement sortis du périmètre de la ville et installés au-delà des voies périphériques.

Parce qu’il ne peut y avoir de développement sans sauvegarde de l’environnement, Tanger va aussi s’attaquer à l’assainissement de l’ensemble des quartiers de la ville, ainsi qu’à la dépollution de certains sites, du cap Malabata, sur le détroit, à la ville d’Assilah, sur la côte atlantique. La décharge publique, aujourd’hui dans la ville, sera transférée à l’extérieur. Des projets auxquels pourraient participer des sociétés françaises au travers de concessions de gestion. L’investissement total avoisinera 500 millions d’euros : c’est cinq fois plus que le montant consacré au développement social.

Le roi Mohammed VI a, là encore, décidé de s’attaquer à plusieurs chantiers en même temps : l’éducation (avec la création dans les quartiers de 24 écoles et de 21 crèches, ainsi que le raccordement des établissements scolaires aux réseaux d’eau et d’électricité), la santé : quatre dispensaires verront le jour tandis que six centres de santé seront réhabilités. Pour montrer son attachement à la dimension sociale de Tanger Métropole, le roi a justement annoncé ce projet dans l’un des en droits les plus défavorisés de Tanger.
Le sport n’est pas oublié : une cité du sport aux multiples activités (football, basket-ball, volley-ball, natation) s’étendra sur 60 hectares.

« Nous avons un patrimoine mondialement connu, ajoute Mohamed Yacoubi. Un exemple ? Matisse a peint sept tableaux de la médina de Tanger. Nous voulons aujourd’hui renouer avec notre passé culturel. » Ainsi, 40 millions d’euros seront consacrés au patrimoine tangérois. Outre la réhabilitation de la villa Harris et du jardin de Rmilate, un palais des Arts et de la Culture et un théâtre seront construits.

Le dernier axe de développement a trait à la religion. Un moyen de contenir toute tentation salafiste. Il suffit de se promener dans les rues de Tanger pour se rendre compte qu’il y a davantage de femmes voilées que dans d’autres grandes villes du Maroc comme Casablanca. « Nous voulons avoir une démarche et une dynamique positive, explique le wali de Tanger. C’est le seul moyen de contenir les courants obscurantistes. » Pour répondre au développement démographique, 11 mosquées seront donc édifiées et 7 réhabilitées.

C’est à Tanger, dit-on, plus précisément dans des grottes situées à une quinzaine de kilomètres de la ville, qu’Hercule se serait reposé après avoir terminé ses douze travaux. En 2017, ce sera au tour de la région de Tanger de reprendre son souffle, une fois que les cinq travaux de Tanger Métropole auront été accomplis !
À Tanger,

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