Salvador: les crocodiles menacés ont trouvé leur sauveur

Ce sont des bébés crocodiles affamés : un à un, José Antonio Villeda ouvre leurs mandibules pour y glisser du poisson, poursuivant ainsi le travail qu’il mène depuis six ans pour sauver cette espèce menacée, sur la côte Pacifique du Salvador.

La mangrove de la réserve naturelle de la Barra de Santiago, à 110 kilomètres à l’ouest de San Salvador, constitue depuis 17 ans le lieu de travail quotidien de ce garde-forestier de 53 ans.

Mais il y a quelques années, il a commencé à y voir de moins de moins de crocodiles.

"La population de crocodiles n’augmentait plus, car avant 1980, ils étaient durement attaqués par les chasseurs intéressés par leur peau, à tel point qu’il n’en restait que cinq spécimens", raconte José Antonio.

"A partir de 1990, nous avons commencé à surveiller leurs lieux de nidation".

Une tâche compliquée : dans cette réserve où habitent plus de 26.000 personnes, la majorité des 350 résidences secondaires présentes dans le parc exhibaient comme trophée un crocodile empaillé. Et les habitants les plus pauvres parcouraient la zone à la recherche des oeufs de ces animaux, pour les manger.

Il y a six ans, grâce à des programmes éducatifs menés dans la réserve, José Antonio a appris le mode de reproduction de cette espèce, tandis que la population a appris, elle, a lui apporter les oeufs trouvés.

Il s’est alors lancé dans une mission de sauvetage, devenant une véritable "nounou" pour les bébés crocodiles.

– De cinq reptiles… à plus de 200 –

"Prendre soin d’un nid avec des oeufs, c’est une grande responsabilité, car la température détermine le temps qu’il faut pour éclore, ce qui peut prendre 85 jours ou arriver avant", raconte-t-il, fort de son expérience de ces dernières années.

"Il faut être attentif aux cris qu’émettent les petits crocodiles, car ils ouvrent à peine la coquille et il faut les aider à sortir".

Une fois sortis, ils ont faim : José Antonio, également propriétaire d’un restaurant, achète avec son argent du poisson et, patiemment, ouvre les mâchoires de chacune des créatures pour y glisser un peu de nourriture.

Ce régime commence au quatrième jour après la naissance et dure environ deux mois, avant le grand saut vers la liberté.

"Ce qui est gratifiant, c’est que nous avons retrouvé une vraie population de crocodiles : nous sommes passés de cinq à plus de 200" animaux aujourd’hui.

Quand ils sont lâchés dans le canal du Zapatero, devenu attraction touristique, ils retrouvent, dans cette mangrove où se mêlent eau de mer et de rivière, d’autres espèces menacées comme l’amazone à nuque d’or ou le héron rose, dont les plumes étaient convoitées pour orner les chapeaux.

Mais ils devront se débrouiller seuls pour ne pas se faire dévorer par les crocodiles mâles adultes qui ont fait du canal leur territoire.

C’est justement le moment crucial pour Maria Henriquez, garde-forestier de 34 ans, qui tient dans sa main un bébé reptile qu’elle s’apprête à relâcher.

"C’est assez émouvant, car on aide la nature à maintenir en vie ses espèces", confie cette femme, la seule d’une équipe de six garde-forestiers dans la zone.

L’effort initié par José Antonio Villeda a été reconnu par l’ONG Unité écologique salvadorienne (Unes), qui le qualifie d’"exemple à suivre" dans un pays où la faune souffre des catastrophes naturelles et de la pression des populations démunies, qui chassent ou coupent du bois, alors que la pauvreté touche 30% des 6,3 millions d’habitants.

"Nous considérons que ce genre d’initiatives contribue à la conservation de notre écosystème côtier marin, en danger", salue Gregorio Ramirez, représentant de l’ONG.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite