Salim Benghalem, le voyou de cité devenu tête d’affiche du jihadisme français

Geôlier et sans doute bourreau du groupe Etat islamique (EI), Salim Benghalem est considéré par les services occidentaux comme l’un des plus dangereux parmi les jihadistes français partis en Syrie et en Irak.

Benghalem a été, selon le quotidien Le Monde daté de dimanche, ciblé par un bombardement français à Raqqa (Syrie) le 8 octobre, une information que le ministère français de la Défense n’a pas commenté.

Qui eut pu le prévoir ce 14 juin 2007 à la barre d’un tribunal de banlieue parisienne? Ce délinquant sans envergure, 26 ans, s’y repent de sa "totale erreur", un assassinat dans un règlement de comptes entre cités en 2001. Sa contrition convainc. Face aux 18 ans de prison requis, il en prend onze. Mais la prison change ce dragueur, consommateur de "shit". Selon un proche du dossier, elle le place sur le chemin d’islamistes violents, comme Mohammed El Ayouni, pilier de la filière des Buttes-Chaumont, groupe radical du nord parisien.

Benghalem se marie religieusement en janvier 2010 avec une femme qui lui a été présentée, et à sa sortie, fréquente le groupe des Buttes-Chaumont, y rencontre les frères Kouachi et Amédy Coulibaly, qui commettront les attentats meurtriers de Paris en janvier 2015. Désormais "client" identifié de l’antiterrorisme, il est interpellé en septembre 2010 pour le projet avorté d’évasion d’un auteur des attentats de 1995 à Paris, Smaïn Aït Ali-Belkacem. Coulibaly et Chérif Kouachi sont condamnés. Benghalem s’en tire avec une garde à vue.

– Avec un Kouachi au Yémen –

En juillet 2011, il est avec l’un des Kouachi dans un avion pour Oman. Il n’a pas prévenu ses proches. Après trois semaines, Benghalem revient. Ce court séjour semble un tournant. Il raconte à son entourage avoir payé un bédouin pour traverser le désert jusqu’au Yémen. Une "tribu de jihadistes" l’aurait formé aux armes, selon la déposition d’une proche dont l’AFP a eu connaissance. Il ajoute avoir rencontré des responsables d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). A en croire les confessions d’un proche aux policiers, Benghalem aurait raconté avoir reçu pour mission "de commettre un attentat en France contre des Américains". Il aurait renoncé, entretenant "un doute sur le bien-fondé" d’une telle action.

Ses envies d’"hijra", d’émigration en terre d’islam, s’ancrent. En décembre 2012, il part en Tunisie, impose le niqab à sa femme, mais ne trouve pas de travail et rentre. Selon un proche du dossier, il y tisse des liens avec des Tunisiens qu’il retrouvera en Syrie.Une destination naturelle pour un islamiste radical. Benghalem y part mi-2013, brièvement rejoint par son épouse et leurs deux enfants. "Il y avait plein d’armes dans la maison, elles étaient en hauteur à cause des enfants et la plupart n’étaient pas chargées", a raconté à son retour la jeune femme aux policiers.

Celui qui se fait appeler "Abou Mohamed" reste en contact avec la France par Skype et Viber, raconte les combats, les rivalités entre jihadistes, affiche son souhait de "mourir en martyr". En novembre 2013, selon le récit de son épouse, il est blessé par balle à une jambe. Mais il guérit. Un proche du dossier décrit un homme endurci, "insensible".

– Exécuteur de l’EI –

"Il travaillait dans une prison et il participait aux interrogatoires", notamment de soldats du président syrien Bachar al-Assad, mais aussi de personnes ayant commis des infractions au regard des règles de l’EI "car il fait partie de la police islamique", explique en audition un membre de son entourage. Il a été avec Mehdi Nemmouche, le tireur du musée juif de Bruxelles, un des geôliers des quatre journalistes français libérés en avril 2014 après dix mois de détention.

En le plaçant en septembre 2014 sur leur liste noire, les Américains n’ont exprimé aucun doute: loin d’être chargé de verbaliser des infractions mineures comme l’affirmaient récemment certains proches, Benghalem "effectue des exécutions pour le compte" de l’EI. Ses doutes sur le bien-fondé d’actes terroristes ont disparu. Un proche décrit aux enquêteurs comment il lui explique que les attentats à la bombe ne sont "plus trop d’actualité", que ce sont "les tueries en série qui sont préconisées" désormais.

Le 9 février, dans une vidéo de propagande tournée par le Britannique John Cantlie, journaliste otage de l’EI, il exprime sa joie après les tueries de Paris, appelle ses "frères" à des actions similaires. Ce quatrième d’une fratrie de sept enfants n’est plus le "gringalet", "très taquin", décrit par ses amis d’enfance. Benghalem est devenu un nom qui compte parmi les quelque 850 jihadistes français.

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