SMS et mails, les nouveaux alliés des divorcés (Le Point)

La preuve électronique est la nouvelle arme des procès. Certains font appel à des investigateurs numériques pour acter les turpitudes de leur conjoint.

SMS et mails, les nouveaux alliés des divorcés (Le Point)
Penché sur l’ordinateur de Virginie et de René M., au domicile familial, l’expert informatique copie, une à une, les données du disque dur, sous l’oeil attentif de l’huissier, qui consigne, dans un procès-verbal, ses manipulations. "Nous recherchons quels sites ont été consultés et à quelle fréquence, explique l’expert. Nous copions aussi le fichier images pour retrouver d’éventuelles photos compromettantes." C’est Me Béatrice Uzan, l’avocate de Virginie, qui a confié cette mission au cyberlimier dans le cadre du divorce de sa cliente. Celle-ci lui avait confié : "Mon mari est violent avec les enfants et il a des pratiques sexuelles étranges"…

Mails et textos au coeur des conflits de couples

La preuve électronique, véhiculée par mails ou par textos, est devenue un allié précieux des couples qui divorcent. René a clandestinement imprimé quelques pages du journal intime de Virginie, qui avouait : "Je suis à bout, je n’ai plus la force de m’occuper des enfants…" Il espérait lui ôter la garde de leurs deux enfants de 4 et 6 ans grâce à ces "preuves". Mais "ces éléments ne valent rien, faute d’avoir été authentifiés par huissier", souligne Me Uzan. Ce que le juge confirmera plus tard.

De son côté, Virginie va réunir des éléments à charge sur son mari. Côté pile, ce cadre de la fonction publique vit avec sa femme et ses enfants dans un appartement de fonction. Côté face, il possède une carte d’abonnement à un salon de massage et fréquente des clubs libertins. Autant de données qui conduisent Me Uzan à déclencher le plan B.

L’enquêteur privé, un allié précieux

Didier Rauch, agent de recherches privées (détective), Sébastien Daumas, expert informatique, et Isabelle Meyer, huissier de justice, vont lui prêter main-forte. La filature de René mène l’enquêteur au club libertin et à l’institut de beauté. "La loi nous interdit de suivre la personne à l’intérieur d’un lieu privé. Nous nous limitons à constater qu’elle s’est rendue à tel endroit à telle heure et qu’elle en est ressortie à telle heure", assure-t-il. De son côté, l’informaticien effectue, devant l’huissier, la copie du disque dur de l’ordinateur. "Cela est légal, s’agissant de l’ordinateur familial, explique Me Uzan. Il appartient autant à l’épouse qu’à son mari tant qu’ils vivent sous le même toit. Elle peut donc le confier à un tiers sans se rendre coupable de violation de vie privée de son mari." Les juges aux affaires familiales acceptent de plus en plus souvent des traces enregistrées par un ordinateur telles que les sites visités. D’autant qu’en pratique, il est rare que l’époux "piégé" conteste les faits.

Dans l’ordinateur, l’informaticien découvre une liste impressionnante de sites sadomasochistes très violents. Le comble, c’est que René consultait simultanément les pages du site SOS Papa…

L’huissier : pour consolider la preuve

L’enquêteur suit René jusqu’à l’institut de beauté puis passe le relais à l’huissier, seul habilité à franchir la porte. Un acte à la main (une "sommation interpellative"), l’huissier propose un questionnaire à la gérante. Il apprend que René est un client fidèle. Surprise de l’huissier : le fonctionnaire vient se faire épiler. Le voile est levé sur la vie parallèle de ce père de famille. Le juge confiera la garde des enfants à leur mère. Quant au droit de visite et d’hébergement du père, il se réduira à une peau de chagrin au vu du rapport médico-psychiatrique dont celui-ci a fait l’objet.

Les mails révélant l’adultère de l’un des époux peuvent aussi justifier le prononcé du divorce à ses torts exclusifs, comme l’a jugé la cour d’appel de Toulouse en novembre 2006. La correspondance interceptée par l’épouse révélait que son mari avait connu sa maîtresse par le biais d’un club de rencontres, affichant sa "volonté de partager une relation de qualité". Face à cette violation de l’obligation légale de fidélité, l’argument de la fraude soulevé par le mari n’a pas fait le poids. "Monsieur S. n’établit pas que le courrier était protégé par un mot de passe personnel et confidentiel ou qu’il avait seul accès à sa messagerie", a estimé la cour. "Nous sommes dans un domaine où la preuve est difficile à établir, donc, de manière souple, le droit accepte qu’il soit porté atteinte à l’intimité de la vie privée", explique Hervé Lecuyer, professeur de droit à Paris-II.

Attention! Fliquer son conjoint est une infraction

Un époux (ou qui que ce soit) ne peut pas mettre en place des outils pour surveiller l’autre, par exemple enregistrer ses conversations téléphoniques ou dissimuler une caméra au domicile. S’il utilisait un système permettant, par exemple, de savoir ce que l’autre tape sur son clavier, il y aurait violation de la vie privée, comme l’a énoncé, pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’homme en avril 2007.

Le Point.fr passe au crible les grandes questions qui émaillent la vie de couple et de famille en 2010. Chaque jour, tout l’été durant, nous reviendrons sur une problématique du Droit de la famille. À lire jeudi 29 juillet : quelles sanctions pour l’adultère?

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