Retrouvailles à l’Elysée entre Mohammed VI et François Hollande

Pour tous les spécialistes de la relation France/Maroc, cette image du roi Mohammed VI à l’Elysée en compagnie de François Hollande était la plus attendue parce que chargée de sens et de significations. Une des plus évidentes est celle d’indiquer à l’opinion française, marocaine et internationale que la page de la brouille et du froid est définitivement terminée. Cela aura le mérite immédiat de clôturer une année de tensions au cours de laquelle le partenariat, traditionnellement stratégique entre Rabat et Paris, était mise à rude épreuve.
Cette rencontre au sommet viendra clore une série où les malentendus sont venus s’amonceler comme des nuages noirs annonçant une grande déflagration. L’étincelle était partie de cette convocation spectaculaire adressée au patron de la DGST marocaine par des policiers lourdement armés à la résidence de l’ambassadeur du Maroc Chakib Ben Moussa. Cela s’était poursuivi par le traitement humiliant affligé au ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar à l’aéroport de Roissy. Cela s’est aggravé par l’intrusion jugée agressive dans la chambre du Général Abdelaziz Bennani venu se faire soigner à l’hôpital militaire du Val- de- Grâce.

Par Mustapha Tossa

Autant d’incidents qui avaient plongé la relation France /Maroc dans une grande zone de turbulences. La réaction du Maroc à cette nouvelle séquence française fut la suspension de la coopération judiciaire, suivie presque par automatisme par un gel de la coopération sécuritaire. Ils étaient nombreux à Paris à croire que la réaction du Maroc est plus sanguine et épidermique que réellement motivée et sérieuse. Les tenants de cette logique misaient ouvertement sur le fait qu’une fois les esprits calmés, les autorités marocaines reviendraient à de meilleures dispositions. D’ailleurs, disent-ils, la plupart du temps par insinuations, un pays comme le Maroc dont le besoin de la France, diplomatique et économique, est presque vital, pourra-t-il se payer le luxe d’une brouille aussi longue avec des conséquences aussi dramatiques ?

Malgré les nombreux messages adressés aussi bien par le Premier ministre Manuel Valls notamment à l’occasion de la fête du trône, ou François Hollande a divers occasion, l’épaisseur de la glace qui entoure les rapports entre Paris et Rabat ne fond pas. Ce froid s’est traduit aussi par la baisse significative des visites de hauts niveaux entre les deux pays. Côté francais, les chroniqueurs peuvent se rappeler d’une visite de Stéphane Le Foll au salon de l’agriculture de Meknès ou celle de l’ancienne garde des sceaux Elisabeth Guigou pour élaborer les termes d’une médiation.

Sauf que le sentiment d’indignation était profond côté marocain. Rabat a tenu un discours de fermeté qui révèle sa détermination et sa grande foi d’avoir raison. Il maintient la suspension de la coopération judiciaire jusqu’à ce qu’un accord politique soit trouvé entre le deux pays et que le fameux "qui est habilité à juger qui" soit clarifié de manière sans équivoques dans le la relation entre les deux pays.

Cet objectif a été atteint le 31 janvier lors des discussions marathoniennes et loin des médias entre le ministre marocain de la Justice Mustapha Ramid et son homologue française Christiane Taubira. Ces discussions ont eu lieu avec comme arrière plan la situation créée en France par les attentats terroristes conte Charlie Hebdo et la supérette Casher suite à laquelle de nombreuses voix à droite et à gauche ont dénoncé avec vigueur les raisons qui ont poussé au gel de la coopération sécuritaire et anti-terroriste.

Cette longue négociation fut portée sur un plan politique et symbolique par la visite privée qu’avait entamé le 30 janvier le souverain marocain en France et par la remise par la princesse Lalla Myriem, au nom de son frère Mohammed VI, des décorations royales à trois représentants des religions musulmane, juive et catholique en France : Khalil Merroun, recteur de la Grande mosquée d’Evry, Michel Serfaty, rabbin de Ris-Orangis, et Michel Dubost, évêque d’Evry. Cet événement hautement symbolique s’est tenu à l’Institut du Monde Arabe en présence du Premier ministre Manuel Valls. Ce dernier résuma à sa manière l’état des relations entre la France et le Maroc :" Il peut y avoir parfois des incompréhensions, mais la force de l’Histoire, les liens d’amitié, ce bond permanent qui existe entre nos deux pays ont un rôle essentiel. Chacun de l’autre coté de la Méditerranée, ce lien résiste à tout".

Dés lors, la rencontre entre François Hollande et Mohammed VI n’était qu’une question de temps et d’agenda. Les deux pays ont pratiquement aplani leurs différents. Ce sommet de l’Elysée ambitionne sans aucun doute de donner au partenariat stratégique qui lie la France au Maroc un souffle nouveau, de lustrer avec encore plus de force les ressorts de sa dynamique. Ce sommet signe les retrouvailles et la réconciliation de deux pays qui ont mûri leurs relations dans la crise et la tension. Une épreuve qui devrait renforcer encore plus les liens, leur donner une ampleur et une rationalité encore plus puissantes et plus réalistes.

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