Renaud Muselier, un président pour l’Institut du Monde arabe

S’il n’y avait cette affaire DSK qui écrase tout sur son passage et voile tout le reste de l’actualité, le retour de Renaud Muselier député des bouches du Rhône à Paris comme Président de l’institut du Monde Arabe (IMA) aurait fait couler beaucoup d’encre. Non pas que l’homme ne dispose pas du profil pour gérer une telle institution, il est déjà à la tête du conseil culturel de l’Union pour la Méditerranée nommé par décret présidentiel, mais le processus et les visées de sa nomination font débat dans le contexte politique actuel.

En effet, Nicolas Sarkozy aurait pensé nommer Renaud Muselier à la tête de l’Institut du Monde arabe dans l’espoir d’étoffer la stature de l’homme chargé en principe de succéder en 2014 à l’occasion des élections municipales au truculent Jean Claude Gaudin à la mairie de Marseille. Le retour à Paris et le passage à l’IMA ne serait donc qu’une manière de rendre plus visible le profil d’un homme appelé dans trois ans à jouer les premiers rôles dans une ville, Marseille, sensible et âprement disputée entre gauche, droite et Front national. C’est dans cette région que l’extrême droite réalise ses meilleurs scores électoraux.

En pensant à Renaud Muselier pour succéder à Dominique Baudis, nommé récemment Défenseur du droit, Nicolas Sarkozy donne au député des Bouches du Rhône la possibilité de revenir à Paris. Dans son parcours politique, Renaud Muselier y a déjà fait un bref passage en occupant un poste de Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères rattaché à Dominique De Villepin, alors patron du Quai d’Orsay. Le passage de Renaud Muselier à cette fonction ministérielle fut si peu marquant que dans un exercice de grande autodérision, Il eut ce mot sarcastique parlant de Dominique De Villepin : "Villepin fait tout, je fais le reste". Et depuis, Renaud Muselier est devenu familier de l’opinion française avec sa gouaille qui lui donne, selon certains, une irrésistible sympathie.

Renaud Muselier, chiraquien pure sucre comme l’est le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé sous l’autorité duquel évolue l’institut du Monde arabe, n’aura pas cette fois l’occasion de patiner dans le vide ou de se tourner les pouces. L’IMA est, rappelle-t-on au Quai d’Orsay, est "un instrument essentiel et unique du dialogue entre la France et les pays arabes". Le choix de Renaud Muselier intervient donc" à un moment primordial où nous souhaitons renforcer le dialogue et la compréhension avec les pays de cette région du monde". C’est que le printemps arabe est passé par là.

L’IMA était devenu une institution qui subissait une lente et grande érosion. Le plan stratégique de son financement n’ayant jamais été d’une grande efficacité, la structure, un réceptacle de bonne intentions et de vœux pieux, est longtemps restée prisonnière d’une absence de ligne éditoriale directrice de sa politique. Elle n’a jamais pu faire la synthèse entre la nécessité d’oser, de créer, d’imaginer et l’obligation de ne pas déplaire à certains régimes allergiques à la démocratie.
Une structure comme l’IMA, qui s’est longtemps engoncée dans un conservatisme diplomatique et d’aucuns, par méchanceté ou cynisme excessif, qualifiaient de "coquille vide", se doit de vivre son printemps arabe. Et l’homme qui a été choisi pour accompagner cette évolution, Renaud Muselier, médecin de formation, connait plus les arcanes du transport urbain que les méandres de l’Orient compliqué auquel l’IMA se doit d’être un reflet fidèle et un miroir valorisant.

S’il cumule les fonctions de Président de conseil culturel de l’UPM et ceux de Président de l’IMA, Renaud Muselier pourrait donner raison à toutes les voix qui s’étaient élevées pour appeler, au nom d’une logique économique et d’une cohérence politique, à intégrer une structure comme l’IMA au sein de ce grand ensemble en devenir qu’est l’UPM. Ce qui avait le don d’irriter ceux qui militaient pour l’indépendance et la survie de l’IMA et qui voient dans ce rapprochement la disparition de ce grand monument de la politique et de la culture arabe en France décidée sous Valery Giscard d’Estaing et inauguré par François Mitterrand.

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