Rapport Ban Ki-moon, WHAT’S THAT ? (Tribune)

A priori, lorsque le Secrétaire général onusien, Ban Ki-moon, rédige et propose aux membres du Conseil de sécurité un Rapport pour les alerter sur les conséquences de la crise malienne sur la région sahélienne et subsaharienne, il est absolument dans son rôle. Ces conséquences sont, en effet, désastreuses et le risque de contagion de la crise au pays voisins (le Tchad, le Niger, le Burkina, la Guinée, le Sénégal, la Cote d’Ivoire) est bien réel ; les conditions de la propagation et les prémisses d’une déstabilisation généralisée sont déjà là. La majorité des Etats de la région sont déstabilisés et les systèmes politiques en place se sont écroulés sous la pression terroriste ou sous les coups répétitifs de soulèvements ethniques ou militaires. Les libertés publiques et individuelles et la souveraineté nationale et territoriale y subissent les pires atteintes. Aujourd’hui le patrimoine (cas de Tombouctou et Gao) historique, matériel et immatériel régional est en péril.

La crise malienne a, certes, accéléré l’intervention militaire de puissances étrangères, la France en tête, sous motif de lutter contre le terrorisme et de rétablir l’ordre et la légalité. Mais force est de constater qu’elle a aussi révélé l’ampleur du mal endémique qui ronge cette région et dont les symptômes ont pour noms la prolifération de trafics de tous genres (armes, organes humains, aide humanitaire, esclavagisme), le gaspillage des ressources naturelles, la précarisation des populations auxquels s’ajoutent des perspectives d’avenir assez sombres pour la jeunesse locale. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, a donc cent fois raison de s’inquiéter de cette situation et d’alerter les membres de son Conseil sur ses effets pervers.

En revanche, lorsque ce même rapport, qui fera bientôt l’objet d’un examen et d’une résolution, tente par le jeu de raccourcis et de considérations dénuées de fondement, d’emmener le débat sur un terrain techniquement et politiquement épineux, celui de « l’élargissement des prérogatives de la MINURSO à la surveillance des droits de l’Homme au Sahara », il y a forcément inquiétude et rejet.

Ce qui laisse dubitatif, c’est le fait de voir le Secrétaire général onusien, Ban Ki-Moon, qui est un habile diplomate et un homme d’expérience, se laisser « embarquer » sur ce terrain sans la moindre précaution. Il ne pouvait ignorer que cette manière unilatérale et univoque de préparer son rapport et de poser le sujet dans une conjoncture régionale (crise malienne, « printemps arabe ») et internationale difficile, ne pouvait qu’hypothéquer toute chance de dépasser et la crise régionale et le conflit évoqué. Il lui est toujours possible de sortir de cette impasse en faisant montre d’une volonté infaillible l’autorisant à ne pat céder au premier coup de pression de lobbyistes professionnels, fussent-ils proches du parti républicain américain ou à la tête d’un Département d’Etat aussi prestigieux que celui occupé depuis janvier 2013 par John Kerry. Est-il nécessaire de rappeler ici que ce dernier n’est pas candide en la matière. Il n’a jamais caché par le passé (2001), lorsqu’il était membre du Sénat, ni sa sympathie pour les thèses séparatistes ni sa grande proximité avec les idées défendues par l’Algérie et le Centre Robert Kennedy.

Il convient aussi de noter que la proposition qui consiste en « l’élargissement des prérogatives de la MINURSO à la surveillance des droits de l’Homme au Sahara », n’a rien de nouveau et d’original. Elle figure dans les rapports de différents groupes lobbyistes qui ont épousé la thèse algérienne depuis des lustres. Cette thèse qui eut maintes fois du plomb dans l’aile (notamment en 2003), car peu crédible, semble renaître aujourd’hui de ses cendres. Tout récemment, au mois de février 2013, le représentant d’Alger a développé un large chapitre de cette thèse au cours du débat général du Comité spécial des OPM dit "Comité des 34", qui s’est tenu au siège de l’ONU. Le lobbyiste anglais Mark William, député libéral-démocrate, membre d’un « Groupe interparlementaire sur le Sahara occidental », a tenté également d’en faire l’écho et d’assurer le relais dans son pays en interpellant le chef de la diplomatie britannique, William Hague, lui demandant de « faire pression sur les autorités marocaines ». Amnesty International, n’est pas en reste dans cette affaire. Elle s’est évertuée dans son dernier rapport à demander au Conseil de sécurité de l’ONU d’« inclure la surveillance des droits de l’homme dans la mission de la Minurso au Sahara occidental ».
L’arrivé de John Kerry à la tête du Département d’Etat américain semble relancer ce groupe de lobbyistes, et il n’est donc pas étonnant de voir la représentante de l’administration américaine au sein du Conseil de Sécurité œuvrer pour présenter une proposition de résolution qui va dans leur sens.

Ce qu’il faudrait dire au Secrétaire général onusien, c’est que pour lutter contre l’instabilité qui règne au Mali, et dans la zone sahélienne, le Maroc n’a pas hésité à prendre ses responsabilités, à soutenir la légalité internationale et apporter son soutien au peuple malien. Pour faciliter l’intégration économique et la stabilité politique de la région du Maghreb, il a fait des propositions « sérieuses et raisonnables » (projet d’autonomie élargie) que ce soit dans le cadre spécifique des pourparlers relatifs au dossier du Sahara ou dans le cadre d’initiatives nationales unilatérales qui visent à donner au projet de construction de l’UMA toutes ses chances. L’établissement, ou le renforcement, de relations de partenariats économiques avec les pays africains (dernière visite de SM le Roi en Afrique) ne font que confirmer cette volonté irrévocable.

En revanche, en face, tout est fait pour contrarier ce projet d’Union Maghrébine et de rapprochement et pour détourner l’attention des instances internationales, et des opinions publiques, des efforts du Maroc visant à trouver une issue rapide et juste à un conflit qui n’a que trop duré par la seule volonté des séparatistes et de leurs parrains. Est-il utile de rappeler à ce propos le rôle néfaste que jouent dans toute la région sahélienne les séparatistes du « Polisario » comme agents actifs de transmission et d’entretien de la crise que dénonce à juste titre Man Ki-moon dans son rapport. Même la MINURSO a subi les conséquences de ces agissements. En effet, au début de septembre 2011 l’un de ses convois en tournée d’inspection dans la zone militaire 5, (à 190 km au sud-est de Smara), a été attaqué et ses membres violentés par le « Polisario ». Le rapport présenté à Ban Ki-moon par le chef de la MINURSO, le général bangladeshi Abdul Hafiz, est à ce titre éloquent. Il parle d’agression et de vole du matériel et des équipements utilisés par le convoi.
Agression, tentatives d’intimidation et déclarations calomnieuses, telles sont en résumé les griefs que Ban Ki-moon lui-même a consignés dans un rapport présenté au Conseil de sécurité au mois d’avril 2012.

Dans ce même rapport le Secrétaire Général onusien précise que «La Minurso n’est pas dans la capacité d’exercer pleinement ses fonctions de surveillance de maintien de la paix et d’observation, et ne dispose pas de toute l’autorité lui permettant d’empêcher, l’effritement de son rôle».
Comment peut-on donc imaginer un instant qu’une force d’interposition qui n’est pas en capacité d’exercer ses missions initiales -surveiller le cessez-le-feu – puisse être aujourd’hui en mesure de prendre en charge la mission que compte lui conférer Ban Ki-moon, dans un domaine aussi complexe que les droits de l’Homme ?

En réalité, pour éviter la contagion terroriste qui menace toute la région sahélienne, pour éradiquer les foyers de tension et son corolaire l’instabilité, le Secrétaire Onusien et la communauté Internationale dans son ensemble n’ont pas intérêt à encourager des thèses séparatistes et des projets de création d’entités artificielles, peu fiables, qui seraient un danger permanent pour la stabilité et l’intégration de toute une région. En soutenant les efforts du Maroc et en œuvrant pour que les séparatistes et leurs parrains renoncent à leurs visions et thèses hégémonistes et séparatistes, ce sont, en fin de compte, la paix, la stabilité et l’essor économique et social qui se trouveront favorisés et consacrés au profit des peuples de la région.
Y a-t-il aujourd’hui, sur la table, pour atteindre ce but, une réponse plus juste et plus raisonnable en dehors de la proposition faite par le Maroc en 2007 ?

Le Maroc peut aujourd’hui jouer un rôle central dans le projet d’intégration et de stabilisation politique de la région magrébine et sahélienne. Il représente un pôle stable, c’est un pays résolument tourné vers son développement économique et humain, engagé dans un processus de modernisation de ses structures politiques et sociales. La question des droits de l’Homme, qui préoccupe Monsieur Man Ki-moon, n’est pas un tabou pour le Maroc. Il l’a consacrée et élevée en juillet 2011 au rang de la Constitution. Des mécanismes et instances spécifiques ont été institués pour favoriser leur application sur tout le territoire national y compris les provinces du Sud. Peut-on aujourd’hui dire la même chose des camps de Tindouf où toute forme de liberté est contestée, où règnent la discrimination, la menace et la peur ?

C’est certain, Ban Ki-moon a mille fois raison d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la question du respect, de l’application et de la surveillance des droits de l’Homme dans la région. Mais, n’est-il pas judicieux de commencer par s’intéresser aux camps de la honte, ceux de Tindouf en premier ? Voila un vrai dossier, un dossier qui doit mobiliser toute l’attention du Secrétaire général de l’ONU et occuper une place de choix dans ses rapports.

Dr Mohammed MRAIZIKA (enseignant Chercheur en Sciences Sociales Consultant en Ingénierie Culturelle et en DIH)

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