Rama Yade ou l’insolence calculée

Rama Yade ou l’insolence calculée
L’affaire oscille entre le calcul politique froid et l’impertinence maladroite d’un éternel amateur. C’est celle de Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Sports, qui se permet un des clashs les plus fracassants avec Nicolas Sarkozy alors même que celui-ci est en train de finaliser son équipe gouvernementale dont il s’apprête à dévoiler la physionomie dans une quinzaine de jours.

L’affaire a pour théâtre une interview que Rama Yade avait accordée à RFI et diffusée lundi dans laquelle elle revient longuement sur la déclaration très contestée dans le fameux discours de Dakar de Nicolas Sarkozy selon laquelle «le drame de l’Afrique c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire».

Cette déclaration avait coûté de nombreuses critiques au président de la République, de la part des Africains d’abord, de la gauche ensuite et d’une partie de la majorité. Devant le tollé général, Nicolas Sarkozy avait tout fait, sinon pour la faire, oublier du moins pour la diluer dans un brouhaha de prises de positions aussi sans cohérence. Puis vint Rama Yade avec son célèbre franc-parler. Elle ravive le débat et pose ses gros sabots : «Je pense que non seulement l’homme africain est entré dans l’histoire mais il a même été le premier à y entrer. Parce que j’en connaîs la culture». Et quant la journaliste la relance avec un innocent «Vous l’avez dit à Sarkozy», Rama Yade donne cette étrange réponse qui n’a pas fini de faire couler de l’encre : «Je n’ai pas à le dire à Sarkozy, je ne suis pas son professeur. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Que je saute sur la tribune et que je gifle le président de la République ?». «Gifler le président de la République ?»

Dans les oreilles des commentateurs politiques, cette saillie sonna d’abord comme un lapsus aussi générateur d’ironie que «la fellation» de Rachida Dati ou «les empreintes génitales» de Brice Hortefeux. Mais une fois l’effet de surprise passé, l’incrédulité domine. La benjamine du gouvernement de François Fillon, celle qui avait donné des insomnies à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, démonté le colonel Mouammar Kadhafi en visite à Paris au risque de créer un incident diplomatique, désacraliser l’équipe de France intouchable avant leur déroute au Mondial de l’Afrique du Sud, a osé user d’un langage inédit dans la bouche d’un ministre pour parler du président Sarkozy, son parrain et son bienfaiteur.

Rama Yade pourra toujours arguer qu’elle a voulu défendre le président et non le rabaisser à un symbole que l’envie pourrait prendre de claquer. Mais sans grand succès puisque ses sorties commencent à faire du bruit au sein de la majorité présidentielle dont un député Lionel Lucas estime qu’elle vient de franchir «la ligne de «supportabilité» (…) avec des émotions à retardement injustifiées».

Un autre député UMP, Christian Vanneste, déjà stigmatisé par Rama Yade pour avoir prôné une alliance entre le parti du président et le Front National, vient d’écrire à la direction de l’UMP pour l’inviter à se pencher sur le cas Yade. Rama Yade, ministre d’ouverture issue des minorités, était presque assurée de figurer dans le prochain casting gouvernemental. Protégée et par sa grande popularité et par la profondeur du symbole qu’elle représente, Nicolas Sarkozy ne pouvait se payer le luxe de s’en séparer. Aujourd’hui après sa gaffe sur RFI, le destin ministériel de Rama Yade pourrait connaître un brusque arrêt comparable à celui de Rachida Dati

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