Quand la Russie veut sa coalition contre Daech?

Les autorités syriennes avaient beau claironner sur tous les toits médiatiques que si Bachar al Assad a pu tenir si longtemps devant les coups de boutoirs de ses multiples oppositions, il le devrait à la large adhésion populaire qui rend minoritaire et peu représentatif le spectre de ses détracteurs. Mais aucun observateur ne remet en cause un fait majeur et indiscutable. Sans l’aide de Moscou, sans le parrainage iranien, Bachar aurait déjà chuté.

Par Mustapha Tossa

Moscou justement vient d’être le théâtre d’un grand ballet diplomatie qui préfigure un grand tournant dans ce que les politiques appellent "l’équation régionale". Après le passage très remarqué du ministre du la Défense saoudien le prince Mohammed Ben Salman et sa participation médiatisée au forum économique international de Saint Petersbourg qui augure un net réchauffement dans les relations du royaume d’Arabie et de la Russie, c’était au tour de Walid Al Al Mouallem, ministre syrien des affaires étrangères de rendre visite à Vladimir Poutine. L’homme a donné l’habitude aux observateurs de ne prendre le chemin de Moscou que lorsque la situation est grave ou à la vieille d’un tournant important.

De ces contacts est sortie une idée qui est en train de faire le buzz politique international. Pourquoi ne pas constituer un nouveau front composé de la Russie, de l’Arabie Saoudite, de la Turquie, de la Jordanie et….de la Syrie pour combattre l’organisation de l’Etat Islamique? A première vue l’idée paraît aussi saugrenue qu’irréaliste. Tant d’une part, les pays en question nourrissent des agendas antagonistes difficiles à rallier. D’autres part, cela suppose une réintégration totale politique et sécuritaire du régime syrien honni par les Turques et les Saoudiens au point d’avoir fermé les yeux et parfois encouragé des groupes radicaux et leurs débordements avec l’objectif, devenu obsession, de faire tomber Bachar al Assad.

Les premiers à exprimer un doute quant à la réussite d’un tel projet sont les Syriens. Leur ministre des affaires étrangères Walid Al Mouallem manie l’humour pour faire passer le message : "Je sais que Poutine est un homme qui fait des miracles, mais une alliance avec l’Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar ou les Etats-Unis nécessite un grand miracle (…) Comment ces pays qui ont encouragé et financé le terrorisme peuvent-ils devenir des alliés contre le terrorisme ?"

En matière en lutte contre l’organisation de l’Etat islamique existe déjà une coalition internationale pilotée par les Américains et les Français. Sa stratégie est de bombarder les bastions de l’Etat islamique en Syrie et en Irak dont le Califat sur ces territoires a été proclamé il y a un an. Les choix militaires de la collation ont été perçus par l’opinion comme un échec. Plus la coalition bombardait les colonnes de Daech, plus son expansion et sa progression territoriale et militaire se confirmaient . Et parce que la coalition s’est mise dans une logique de s’interdire de déployer des forces terrestres, la guerre contre l’Etat islamique prend des proportions souvent virtuelles.

La Russie a été depuis le début du conflit syrien aux avant postes de la guerre contre Daesh. Son indéfectible soutien politique et militaire à Damas provient en grande partie de son rejet viscéral à l’islamisme violent, échaudée par sa sanglante expérience tchétchène. Pour la doctrine de Vladimir Poutine, le chaos irakien et libyen a été l’incontestable fruit des interventions militaires occidentales qui ont détruit les structures sans anticiper une alternative. D’ou les conditions favorables à l’émergence de nouvelles forces aux visées les plus violentes et les plus radicales.

La diplomatie russe surfe actuellement sur du velours. Sa lune de miel avec le président égyptien Abdelfatah al Sissi et ses retrouvailles avec la nouvelle direction saoudienne lui redonne une luisante posture sur le Proche-Orient, même si ses relations tendues avec les euro-américains sur la crise ukrainienne lui imposent de grandes contraintes. Elle semble profiter de la grande peur que suscite Daech dans le région pour tenter de réécrire de nouvelles alliances entre des pays menacés par les mêmes dangers.

Il n’est pas certain qu’Américains et Français verraient d’un bon œil la construction d’un tel front contre l’Etat islamique. D’abord parce qu’une telle initiative signe solennellement l’échec de leur stratégie contre Daech. Ensuite parce la vision russe suppose la réintégration de Bachar al Assad dans le jeu politique régional et international. Ce que refusent encore avec une volonté plus au moins farouche Américains et Français.

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