Quand Ryad sanctionne l’Iran à travers le Hezbollah

Ces dernières semaines, l’Arabie Saoudite a concentré son feu politique et diplomatique sur le Liban. Déjà engagé militairement contre la rébellion Houtiste au Yémen, elle vient d’adresser deux coups durs à un pays aux équilibres extrêmement fragiles. Le Liban, voisin du chaudron syrien, frontalier de l’imprévisible Israël et théâtre historique de grandes manœuvres politiques iraniennes, se retrouve dans l’œil du cyclone saoudien.

Par Mustapha Tossa

Le premier est la suspension de l’aide militaire saoudienne à l’armée libanaise dont les contrats d’équipement passait par la France à travers un gigantesque contrat d’armement évalué à trois milliards d’euros. Cette donation saoudienne avait été annoncée dans le cadre du contrat "Donas" Le second est la décision politique saoudienne d’accoler le qualificatif d’organisation terroriste au Hezbollah libanais.

Pour donner de l’ampleur à sa stratégie, L’Arabie saoudite a tenté de mobiliser tous ses alliés arabes, avec parfois des ratés et des dysfonctionnements qui en disent long sur les réserves et parfois les critiques que sa politique coup de poing commence à susciter. L’entreprise de punition à l’égard de l’armée libanaise et du Hezbollah est le fruit d’un constat de manque de solidarité du gouvernement libanais au parrain saoudien dans son bras de fer politique et militaire contre le puissant concurrent iranien. Alors que Ryad s’attendait à un soutien sans faille de la part du Liban dans les forums internationaux, le chef de la diplomatie libanaise s’est fait remarqué au cours d’importantes réunions arabes par une hésitation et une réserve qui révèlent son désir de ne pas braquer l’autre parrain iranien et ses affidés libanais comme le Hezbollah.

Cette nouvelle stratégie saoudienne était au cœur des entretiens politiques que le prince héritier saoudien Mohamed Ben Nayef a eu avec les autorités françaises. Même si les deux capitales ne l’avouent pas ouvertement, la lune de miel entre Paris Et Ryad semble avoir été quelque peu écornée par cette charge politique saoudienne contre le Liban, considéré comme un précieux allié de la France dans la région. L’Arabie saoudite a certes tenté d’expliquer les motivations de sa politique, qu’elle ne pouvait continuer à aider un pays qui campe ouvertement sur la rive des ses adversaires. Elle vient aussi de rassurer les Français qu’elle allait honorer son engagement financier dans le cadre de son gigantesque contrat et qu’elle allait récupérer pour elle les armements acquis ou en distribuer quelques uns aux pays arabes amis. Le ministre saoudien des affaires étrangères Adel Al-Jubeir l’a expliqué clairement: "Nous sommes face à une situation où les décisions du Liban sont captées par le Hezbollah. (Les armes) iront à l’Arabie saoudite, pas au Hezbollah" et de résumer la position de son pays :" Les contrats seront bien appliqués mais le destinataire sera l’armée saoudienne".

Mais cet engagement saoudien, même s’il a été bien a accueilli par les milieux industriels, n’a pas réussi à lever les inquiétudes françaises sur les possibles conséquences politiques et sécuritaires d’une telle sanction qui s’est abattue sur le Liban. Paris est convaincu que ce genre de décisions, outre qu’elles participent à cabrer la riposte iranienne, compliquera davantage le devenir d’un pays comme le Liban, relativement épargné jusqu’à présent par les grandes étincelles des la crise syrienne. Vu de Paris, ce pays à la fois fragile et complexe dont les institutions politiques sont déjà paralysées par le bras de fer que se livrent iraniens et saoudiens sur son territoire par groupes politiques interposés, n’a ni les forces et ni la capacité de résister à ces bourrasques. Cette situation est source d’inquiétudes de nombreuses personnalités politiques libanaises qui ne savent plus comment allier l’influence florissante du Hezbollah et de l’Iran et la déception grandissante de l’Arabie saoudite, un pays qui fut, à travers les accords historiques de Taef, la garant de la stabilité politique et économique du Liban et l’architecte de son équilibre institutionnel.

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