Pourquoi le ministre algérien des Affaires étrangères a dérogé aux règles de bonne conduite envers le Maroc ?

Par Abdellah Boussouf, secrétaire général du CCME*

Qu’est-ce qui a poussé le ministre algérien Abdelkader Messahel, chef de la diplomatie, supposé faire preuve de retenue, à proférer de tels propos gravissimes et calomnieux sur le Maroc, en l’accusant de blanchiment d’argent en Afrique et autres allégations imaginaires sur les activités des institutions économiques du pays ? Est-ce uniquement parce que le Royaume a choisi de s’ouvrir à son environnement régional, de soutenir la coopération sud-sud et de contribuer, autant que possible, au développement des peuples africains ?

Pour comprendre la sortie médiatique « non diplomatique » (pour ainsi éviter tout avilissement) du responsable algérien, lors de son intervention à la 3e édition de l’université d’été du Forum des chefs d’entreprise, il faut la remettre dans le contexte politique et économique intérieur de l’Algérie, et dans le contexte de la situation géostratégique, pour le moins compliquée, que traverse notre voisin depuis des années, notamment suite à la chute des prix des hydrocarbures dans les marchés internationaux et à l’absence d’une vision pour le développement basée sur la diversification des sources de revenus à même d’assurer l’équilibre du budget général.

Les déclarations du ministre algérien expriment en premier lieu la profondeur de la crise économique que traverse son pays. Selon les rapports internationaux, notamment le rapport sur les « perspectives pour l’économie mondiale » publié par le Fond monétaire international (FMI), les pays pétroliers, dont l’Algérie, traversent des crises qui se manifestent dans la hausse des taux de chômage et de l’inflation, puisque leurs sources de revenus reposent exclusivement sur le pétrole et le gaz. Un indice d’ailleurs conforté par la tendance mondiale, surtout dans les pays occidentaux qui prônent désormais les énergies propres, dans l’automobile notamment, où des pays ont fixés à fin 2030 la fin de la voiture à pétrole, ou comme pour le projet Paris 2024.

Les conséquences de la crise économique algérienne ont récemment conduit l’état, qui essaye de parer à la récession et de stimuler le dynamisme dans les marchés, à lancer l’acquisition des bons de Trésor par les particuliers, qui seront ensuite transformés en stock monétaire. Cette mesure implique plus d’inflation et une hausse des prix à cause de la dévaluation de la monnaie locale, accentuée par le déséquilibre de la balance commerciale du pays totalement dépendante de l’étranger, puisque les importations des produits de consommation atteignent 90%. C’est ainsi que le gouvernement algérien a impliqué son ministère des affaires étrangères dans la mission de trouver une issue à cette crise financière pénible, à travers l’exploration de nouveaux marchés, notamment en Afrique. Au sein du ministère, une restructuration a été engagée et une nouvelle direction pour promouvoir les exportations hors-produits pétroliers a été créée à cet effet.

En se basant sur ces données, on peut déduire que l’Algérie vit ce que l’on appelle dans le monde de l’économie les « déficits jumeaux », où s’associent les déséquilibres des dépenses publiques et les déséquilibres de la balance commerciale. Une situation presque similaire à celle du Maroc dans les débuts des années 90 mais que le Royaume a su surmonter, malgré la rareté de ces ressources naturelles de valeur, en construisant un état aux structures modernes où le Trésor repose essentiellement sur ce que le peuple produit à travers la consommation locale, les impôts, l’ouverture sur les investissements étrangers et la diversification de ses ressources, ce qui conforte sa stabilité économique. Sans oublier la contribution de la communauté marocaine à l’étranger qui a aidé à l’équilibre de la balance commerciale en injectant au Trésor plus de 10% du revenu national en devises, ce qui a permis au pays de couvrir ses importations sans grands déséquilibres.

D’autre part, les déclarations offensives du ministre des affaires étrangères algérien envers le Maroc et envers la politique africaine que Sa Majesté a entrepris, et qui a commencé d’ailleurs à donner ses fruits sur plusieurs plans, interviennent dans un contexte régional particulier qui se traduit dans la première visite du nouvel envoyé spécial des Nations unies pour le Sahara, Horst Köhler, dont l’objectif et de propulser le dynamisme dans les négociations entre les parties. Après sa visite au Maroc et sa réception par Sa Majesté le Roi et par plusieurs responsables, Horst Köhler a visité Tindouf où il a surpris nos adversaires en affirmant qu’il ne dispose pas d’une baguette magique et que la résolution de ce conflit ne peut se faire sans les négociations !

Les déclarations de l’émissaire onusien vont dans le sens de la position du Maroc exprimée, il y a quelques jours, par son Ambassadeur Omar Hilal, qui a nommé l’Algérie en tant que partie du conflit et l’a invitée aux négociations à la place du Polisario. Une déclaration confortée par plusieurs positions à l’international soutenant la vision marocaine, comme l’opposition de la France à la participation du Polisario au sommet UE-Afrique d’Abidjan, prévue pour fin novembre 2017. Une manifestation parmi d’autres où les manigances du Polisario et de son mentor algérien ont été dévoilées, comme lors de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, au Mozambique, ou en Russie, où le Polisario n’a pas été autorisé à participer au Festival international des jeunes et des étudiants de Sotchi, il y a quelques jours.

Les déclarations du ministre Abdelkader Messahel ne peuvent être isolées de leur contexte interne et de la crise politique que traverse le pays, comme affirmé par le Front des forces socialistes algérien ; un pays où trois personnalités se sont relayés la présidence du gouvernement, en peu de temps, sachant que tous ne faisaient qu’appliquer le programme dicté par le palais d’El Mouradia .

Pour tout cela, les déclarations du ministre algérien des affaires étrangères traduisent le désir d’exporter la crise interne à l’étranger et de détourner les regards, de manière immature et grossière, des problèmes économiques et politiques qui font que l’Algérie est incapable de surmonter cette crise. Il s’agit là du style classique de notre voisin algérien, quand ses responsables font prévaloir la provocation et la fuite en avant, au lieu de réfléchir, avec raison, aux possibilités d’une coopération à même de garantir la stabilité du Maghreb et le développement de son économie et de ses peuples.

*(Conseil de la communauté marocaine à l’étranger)

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