Pourquoi il faut défendre, plus que jamais, Roman Polanski.

Pourquoi il faut défendre, plus que jamais, Roman Polanski.
Sur l’affaire Polanski, je ne veux plus polémiquer.

Ni avec Tim Burton, qui, interrogé sur la situation de son camarade, n’a rien trouvé d’autre à répondre qu’un vague « nous sommes tous pour la liberté d’expression, on se bat pour ça tous les jours » – ce qui, dans le meilleur des cas, ne veut rien dire et, dans le pire, s’appelle se défausser et se moquer du monde.

Ni avec Michael Douglas, à qui RTL demandait s’il comptait signer la pétition que nous venions de lancer avec Jean-Luc Godard et qui, soit dit en passant, se contentait de demander la communication à la justice suisse de tous les éléments nécessaires pour décider de donner suite ou non à la demande d’extradition californienne – et qui a répliqué par un développement embarrassé d’où il ressortait qu’il « admirait » Polanski mais qu’il s’agissait là de « quelque chose de judiciaire » qui devait être « affronté de façon interne ».

Ni même avec Gilles Jacob, président du Festival, dont il faut bien dire qu’il a eu, lui aussi, toujours sur la même antenne, une réaction qui ne lui ressemble pas : « il y a le cinéaste et le citoyen ; le cinéaste est un immense cinéaste ; mais il y a le citoyen et personne n’est à l’abri des lois » – non, cher Gilles Jacob ! pas vous ! pas ça ! je ne peux croire que vous ne soyez, vous, informé de l’état exact du dossier et du fait que votre ami Roman Polanski n’est justement pas, depuis trente-trois ans, à l’abri des lois !

Je n’ai même pas envie de m’emporter contre les quelques-uns – peut-être cinéastes « immenses » mais, à coup sûr, pleutres « citoyens » – qui nous ont fait savoir que « oui, bien sûr, la pétition pour Polanski… la justice… le droit… mais mes intérêts de cinéaste ? est-ce qu’un cinéaste peut, par amour de la justice et du droit, risquer de passer à côté d’un trophée cannois ? et est-ce que c’est bien le moment de s’afficher aux côtés de ce prestigieux collègue, palme d’or 2002 pour "Le pianiste", mais devenu désormais, en vertu du seul caprice d’un procureur californien en campagne électorale (car les magistrats américains sont, comme on sait, élus), un personnage infréquentable ? »

Non. Je veux juste rappeler à qui veut et peut encore les entendre des vérités de fait et de bon sens.

Polanski, d’abord, n’a pas « fui » la justice américaine comme le répète partout l’Opinion pavlovisée : il est rentré aux Etats-Unis ; il était en France et il est rentré aux Etats-Unis pour y purger, au pénitencier de haute sécurité de Chino, la peine de prison convenue, comme il est d’usage aux Etats-Unis, entre les parties – son avocat, celui de sa victime, le district attorney de l’époque ainsi que, naturellement, le juge qui les réunissait et prenait acte de l’accord.

Polanski, du coup, a payé ; il a commis, certes, un délit, mais il a payé pour ce délit ; et il a payé, soit dit en passant, alors qu’aucun des 44 délinquants sexuels convaincus, la même année, dans le même comté de Los Angeles, de délits de même nature n’a jamais, contrairement à lui, et contrairement à ce que croient, à nouveau, les justiciers du dimanche répétant comme des ânes que sa célébrité l’a « protégé », passé un seul jour derrière les barreaux.

L’affaire Polanski, en d’autres termes, naît à l’instant très précis où le juge de l’époque, sous la pression de l’opinion et d’une presse chauffée à blanc par la notoriété sulfureuse de l’auteur de « Rosemary’s Baby », choisit de déchirer l’accord ou, plus exactement, de ne pas l’homologuer ; et elle renaît il y a sept mois quand un procureur, en mal de publicité et, encore une fois, en campagne électorale, décide, comme dans les westerns et comme il l’annoncera d’ailleurs, assez imprudemment, lors d’une réunion de « fund raising », de ramener Polanski mort ou vif à ses électeurs – et puis quand il convainc la Suisse où le cinéaste se rendait, trois fois par an, depuis des années, pour y passer, en famille, dans un chalet acquis avec la bénédiction des autorités, toutes les vacances scolaires, de l’appréhender comme un terroriste.

Et quant au dernier rebondissement enfin, quant, à l’actrice anglaise qui, sous la pression, elle, d’une avocate bien connue à Los Angeles et ayant notamment à son tableau de chasse le scalp de Tiger Woods, quant à cette Charlotte Lewis qui retrouve la mémoire au bout de vingt-cinq ans pour venir réclamer, à la dernière minute, son quart d’heure de célébrité ou, peut-être, ses trente deniers et qui, par parenthèse, donnait, il y a dix ans, dans une interview à News of the World, une tout autre version de l’affaire (pas 16 ans, mais 17… « je voulais être sa maîtresse »… sans parler de la partie de la confession qui soulève le coeur et qui, évoquant la période antérieure à sa rencontre avec le réalisateur de « Pirates », raconte une enfant de 14 ans vendant ses charmes à « des hommes plus âgés » et avouant qu’elle « ne sait plus » avec « combien d’hommes » elle a « couché à l’époque pour de l’argent »), quant à ces prétendues « révélations » donc, quant à cette « nouvelle affaire » produite de toutes pièces et reprise aussitôt, en boucle, sans l’ombre d’une vérification, par les médias du monde entier, tout cela confirme bien qu’il s’agit dans cette histoire, non de droit, mais de chasse à l’homme.

J’ai déclaré, dès dimanche, que ce pathétique chantage ne changeait pas d’un iota ma détermination à défendre Polanski.

Et s’il ne change rien, c’est que j’ai le sentiment, ce faisant, de défendre, non un ami (je répète, pour la énième fois, que je ne connaissais, avant l’affaire, pas encore Roman Polanski), mais le Droit.

(Le Point)
20/05/2010

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