« Personne ne sait que vous nous avez approchés ? », demande l’avocat du Maroc à Eric Laurent. « Personne », répond le journaliste
Les deux journalistes nient avoir pris contact avec le palais royal pour demander de l’argent en échange de la non publication d’un livre prétendument à charge contre le Maroc. Or lors de la rencontre du 21 août 2015 qui s’est déroulée dans un palace parisien avec l’avocat du Maroc, les enregistrements rendus publics hier par la chaîne française M6 prouvent le contraire.
« Personne ne sait que vous nous avez approchés ?", demande l’avocat du Maroc à Eric Laurent. "Personne", répond le journaliste.
Les deux journalistes se disent victimes d’un coup monté. Mais un autre enregistrement, dévoilé par le Journal du Dimanche le 30 août, les accable.
"Je veux trois millions d’euros"
Le 23 juillet dernier, Éric Laurent contacte le cabinet du roi du Maroc, indiquant qu’il prépare un livre. Une rencontre a lieu le 11 août dans un palace parisien, entre le journaliste et l’avocat du roi. Ce dernier enregistre discrètement la conversation à l’aide de son smartphone. "Vous voulez quoi ?", demande l’avocat. "Je veux 3", répond le journaliste. "Trois quoi ? Trois mille ?". "Non trois millions". "Trois millions de dirhams?". " Non, trois millions d’euros".
Une deuxième rencontre est organisée, le 21 août, toujours avec l’avocat de Mohamed VI qui continue ses enregistrements. "Vous avez des informations très importantes, très sensibles, et qui peuvent avoir un impact important sur le Maroc. Vous étiez, vous et madame Graciet, disposés à renoncer à la publication de cet ouvrage", demande le représentant du Maroc. Et Éric Laurent de répondre : "Définitivement, exactement".
Le discours du journaliste "est aux antipodes d’une démarche journalistique classique", résume à l’AFP une source proche de l’enquête.
Selon l’AFP, les parties tombent d’accord sur deux millions. Le paiement, « c’est soit Singapour ou plus sûrement Hong Kong« , lâche Eric Laurent. Les trois protagonistes signent l’accord, rédigée par la journaliste. « A vous l’honneur, madame« , invite l’émissaire marocain, qui tend ensuite deux enveloppes de 40 000 euros chacune. Des avances, en « billets de 100« . Catherine Graciet se dit « soulagée« .
C’est à l’issue de ce rendez-vous que les deux journalistes sont interpellés et mis en examen le samedi 29 août, pour chantage et extorsion de fonds.
Le livre devait paraître aux éditions du Seuil qui a renoncé à la publication en raison d’une rupture de contrat selon l’avocate de la maison d’édition, Bénédicte Amblard : "La confiance est rompue, les journalistes n’ont pas respecté les termes du contrat".