Nouvelle enquête judiciaire sur des soupçons d’abus sexuels par des soldats français en Centrafrique

La justice française a ouvert une troisième enquête après la révélation par les Nations unies de nouveaux soupçons d’abus sexuels visant des soldats de Sangaris, la force française en Centrafrique.

Le parquet de Paris a reçu, via le ministère français de la Défense, une note sur des soupçons d’exploitation et d’abus sexuels impliquant des militaires français, de 2013 à 2015 à Dékoa (est). Ce signalement ne donne pas de précision sur le nombre de victimes, leur âge, ou le nombre de militaires impliqués, a expliqué à l’AFP une source judiciaire.

L’enquête, ouverte vendredi, est confiée à la gendarmerie prévôtale, chargée d’enquêter sur les crimes et délits commis par des militaires français lors d’opérations extérieures.

Les révélations de l’Onu la semaine dernière ont "profondément choqué" son secrétaire général Ban Ki-moon: des soldats français de Sangaris auraient forcé en 2014 des jeunes filles à avoir des rapports sexuels avec des animaux, en échange d’une somme d’argent, selon des informations recueillies par les Nations unies.

Des responsables de l’Onu ont pu interroger 108 victimes présumées d’abus sexuels, en "grande majorité" des mineures, a indiqué la semaine dernière Stéphane Dujarric, le porte-parole de l’organisation.

Outre la France, la centaine d’allégations concerne les contingents burundais et gabonais de la mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca), présents dans la région de Kémo, entre 2013 et 2015.

La force Sangaris en Centrafrique se retrouve de nouveau dans le viseur. Deux enquêtes sont déjà ouvertes en France : une information judiciaire confiée à un juge d’instruction et une enquête préliminaire du parquet de Paris doivent permettre de faire la lumière d’accusations de viols portées par des mineurs centrafricains contre des soldats de Sangaris. A ce stade, cinq d’entre eux ont été entendus, et aucun n’a été mis en examen.

Ils ont indiqué avoir donné des rations alimentaires à des enfants, mais ont réfuté avoir demandé quoi que ce soit en retour et nié tout abus sexuel, selon une source proche du dossier.

Les investigations n’ont pour l’instant pas permis de trancher ce parole contre parole. Les déclarations des enfants ont varié et le nombre de plaignants a augmenté, a par ailleurs indiqué cette source.

– Camps de la misère –

La France a envoyé sa force Sangaris en Centrafrique en décembre 2013 pour endiguer les massacres intracommunautaires. Ils ne sont pas membres des Casques bleus, mais le conseil de sécurité onusien les a chargés d’aider au rétablissement de la paix. L’opération, qui a compté jusqu’à 2.500 hommes au plus fort des violences, compte encore 900 soldats, et doit prendre fin cette année.

Dans ce contexte précaire, plusieurs scandales d’abus sexuels mettant en cause des militaires de plusieurs pays ont éclaté.

Les Nations unies sont très critiquées pour leur incapacité à enrayer ce phénomène, particulièrement aigu en Centrafrique, qui connaît un niveau élevé de violences sexuelles, et en "nette augmentation" de manière générale. Le système de sanction des troupes de l’Onu est notamment montré du doigt: seuls les pays d’origine des soldats peuvent sanctionner les coupables.

Or, dans ce pays laminé par trois années de violences, où sévissent bandes armées et misère immense, la prostitution est aussi devenue un moyen de survie généralisé pour des populations vulnérables.

D’après des témoignages recueillis récemment par l’AFP au camp de M’Poko à Bangui, de nombreuses jeunes filles acceptent des rapports sexuels avec des hommes, soldats ou pas, en échange de nourriture ou de 500 francs CFA (0,8 dollars).

Viols, agressions sexuelles: à chaque fois ou presque, elle se produisent près de camps de déplacés, eux-même situés à proximité de sites militaires.

Pour la première fois, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé de s’attaquer à ce problème en adoptant avec difficulté le 11 mars une résolution qui prévoit de rapatrier des contingents entiers de Casques bleus en cas de soupçons de viols ou d’abus.

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