Nicolas Sarkozy et son épouse tentent de clore « l’affaire » des rumeurs (Le Monde)

Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni-Sarkozy sont montés au front mercredi 7 avril pour contrer la crise politique qui menaçait d’exploser sur fond de rumeurs d’infidélités au sein du couple présidentiel. L’affaire dégénérait en affrontement politique entre M. Sarkozy et son ancienne garde des Sceaux Rachida Dati, accusée par l’entourage présidentiel d’avoir propagé ces rumeurs.

Mme Bruni est intervenue sur Europe 1, à 18 h 50. "Je suis venu pour éviter qu’une affaire qui n’a aucune importance prenne des proportions que je trouve ridicules", a expliqué l’épouse du chef de l’Etat.

Le matin à 8 h 30, M. Sarkozy a participé exceptionnellement à la réunion de ses principaux collaborateurs présidée par le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. Il les a vigoureusement enjoints de ne plus dire un mot sur l’affaire.

Pas un mot au conseil des ministres qui a suivi. Les ministres sont très gênés, alors que va s’engager la semaine prochaine la réforme des retraites et que M. Sarkozy se rend à Washington à la conférence sur le désarmement nucléaire. "Cette affaire agace terriblement notre électorat", confie sous le sceau de l’anonymat un ministre. Nul n’ose en parler : "Je me tiens sagement à l’écart de ce genre de sujet", confie un second. La réaction du ministre de l’identité nationale, Eric Besson, est un peu celle de ses collègues : "Je ne pense pas, je ne réfléchis pas. Vous pouvez me torturer, je n’alimente pas", assure-t-il.

Sur les sujets qui le touchent intimement, son divorce avec Cecilia, l’afffaire Clearstream ou la candidature de son fils Jean à la tête du quartier de la Défense, M. Sarkozy a des réactions passionnelles. Ce fut de nouveau le cas avec ces rumeurs que rien n’étaye : "C’est un sujet qui a mis le président en transe", confie un conseiller de l’Elysée.

La DCRI contredit Mme Bruni- Sarkozy. Pour minimiser l’affaire, Mme Bruni-Sarkozy a assuré qu’il n’y avait pas eu d’enquête de police. "On ne fait pas une enquête sur des commérages… C’est inimaginable de dire des choses pareilles", a-t-elle assuré.

Elle a été contredite par Bernard Squarcini, patron de la direction centrale du renseignement intérieur. "Mon service a été saisi par mon autorité de tutelle, le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, début mars" au sujet de cette affaire de rumeurs, a expliqué M. Squarcini à l’AFP dans la soirée. Ceci "afin d’effectuer une remontée informatique au plus près du point de départ dans le temps et, si possible, de la source. On a travaillé dessus jusqu’à l’ouverture de l’enquête judiciaire". Il n’y a toutefois pas eu de rapport écrit.

M. Squarcini a réaffirmé, comme l’expliquait Le Monde du 8 avril, que "la DCRI n’a procédé à aucune écoute téléphonique dans ce dossier, ni à aucune enquête visant de près ou de loin Mme Rachida Dati". Le ministère de l’intérieur n’a rien à objecter à l’explication de M. Squarcini.

Les origines d’ une affaire complexe. Depuis des semaines, les milieux parisiens bruissent de rumeurs d’infidélités à propos du couple présidentiel. L’affaire est évoquée le 9 mars de manière explicite par un blog hébergé par le Jdd.fr. Les tabloïds britanniques s’en emparent, suivis par la presse européenne. En France, la presse se tait.

A Londres, le 12 mars, lors d’une rencontre avec le premier ministre britannique, Gordon Brown, Nicolas Sarkozy est interrogé sur les rumeurs. Il rétorque qu’il n’a pas "une seconde", ni une "demi-seconde" à perdre avec ces "élucubrations". La presse française prend discrètement acte du démenti, et l’affaire semble enterrée.

Rachida Dati visée par l’Elysée. L’affaire repart lorsque Le Canard enchaîné puis Le Monde écrivent que Mme Dati est soupçonnée par l’entourage présidentiel d’avoir propagé la rumeur. Elle explose pendant le week-end pascal.

Le site Internet du "Nouvel Observateur" révèle que le JDD, qui s’est séparé de deux salariés, a déposé plainte contre X, le 28 mars. "Il faut que la peur change de camp", confie alors Pierre Charon, conseiller du président. Le dimanche, sur le site Rue 89, M. Charon évoque "une espèce de complot organisé avec des mouvements financiers".

Enfin, mardi, c’est l’avocat du président Me Thierry Herzog qui estime que la manière dont les rumeurs se répandent "n’est certainement pas neutre". L’affaire devient politique, lorsque, mise en cause personnellement, Rachida Dati contre-attaque. Mercredi matin sur RTL, l’ancienne garde des sceaux lance : "Je suis mise en cause indirectement. Nous sommes dans un Etat de droit, il faut que ça cesse."

Opération déminage. La présidence sent le danger. Le déminage se fait en trois actes. D’abord, stopper le conflit avec Mme Dati. "C’est comme dans l’affaire Clearstream. Sarkozy était en train de passer du statut de victime à celui de responsable", déplore un ministre.

Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, qui avait expliqué mardi au "Canard enchaîné", que le président ne comptait pas rencontrer Mme Dati, calme le jeu mercredi matin. "C’était hier. La vérité d’hier n’est peut-être pas la vérité d’aujourd’hui", confie-t-il à l’AFP.

Sur Europe 1, Mme Bruni assure que Rachida Dati, avec laquelle elle entretient des relations complexes, "reste tout à fait notre amie". L’accusation contre elle est "une rumeur". "Je n’y crois donc pas", clôt Mme Bruni.

Le semi-lâchage du conseiller Pierre Charon. Deuxième étape du déminage, gérer le cas Charon. "Il n’a pas agi en service commandé", assure-t-on à l’Elysée. Pour Mme Bruni-Sarkozy, il a réagi avec "l’emportement de l’amitié". "Pierre Charon a pris tout cela très à cœur. Il a été comme un ami, il a voulu nous défendre".

Son ami le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, minimise le côté martial de ses déclarations. "La peur doit changer de camp ? C’est une expression que Charon utilise à tout bout de champ." M. Charon, qui n’a pas souhaité répondre à nos appels, était toujours en poste, jeudi matin.

L’urgence : tourner la page Troisième acte, minimiser l’affaire. "Les rumeurs ont toujours existé. Il n’y a pas de complot, il n’y a pas de vengeance", a expliqué MmeSarkozy. Tout comme son mari, elle avait vivement réagi. "légitimement choquée par la diffusion des rumeurs", explique un proche. "On a tourné la page depuis belle-lurette", a assuré Mme Bruni-Sarkozy.

Arnaud Leparmentier
Article paru dans l’édition du 09.04.10

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