Nicolas Sarkozy : « L’islam a connu sa Renaissance avant son Moyen Âge »

L’ex-président de la République a tenu un discours musclé en début de semaine devant le think tank libéral Choiseul 100. Attention, ça déménage !

Nicolas Sarkozy commence à roder un discours de campagne assez construit qui n’est pas sans rappeler sa campagne de 2012. Du Patrick Buisson, mais sans Buisson ! Selon nos informations, il s’exprimait en début de semaine devant le club Choiseul 100, un think tank libéral qui, chaque année, publie un classement des 100 jeunes responsables économiques français de moins de 40 ans. Le Point a recueilli auprès de l’assistance un compte rendu assez détaillé de son intervention sous la forme de questions-réponses. Accrochez vos ceintures, Sarkozy sans langue de bois, ça déménage !

L’ancien chef de l’État n’a pas de temps à perdre avec le moindre mea culpa sur son quinquennat précédent et n’a pas non plus souhaité flatter son auditoire. Il maintient le cap d’un discours anti-élite, déjà développé en 2012. "Vous n’avez pas soutenu mes réformes, a-t-il assené à ce parterre de responsables économiques. Vous financez des organes de presse qui me veulent du mal. Vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas avoir fait les réformes nécessaires puisque je vous ai sauvé de la crise." Pour Sarkozy, son bilan est mésestimé et il considère avoir, "avec Angela" (Merkel, NDLR), sauvé l’Europe, sinon le monde, d’une crise majeure en 2008.

"La France s’est arrêtée en 1789"

Son diagnostic sur la situation actuelle s’inspire des thèses les plus déclinistes face au désordre du monde. "La France ne décline pas, elle se désagrège", prédit-il en insistant sur la crise démographique qui frappe l’Europe à long terme et la condamne à "disparaître". "Notre modèle n’est pas mis en cause, il va simplement être balayé, car, dit-il, la France s’est arrêtée en 1789." Une sentence qui n’a pas été forcément bien comprise par l’auditoire.
Pour répondre à cette crise profonde, Sarkozy estime urgent de rétablir un principe d’autorité appuyé sur un leadership sans faille. Évidemment, ce raisonnement le conduit à se poser en unique recours crédible après les années Hollande. Une autorité bafouée en France par les nouvelles technologies créant une agora numérique (Twitter, Facebook…) permanente qui "donne la parole à tout le monde alors que la parole doit se mériter".

"On fait un mauvais procès à Poutine"

Nicolas Sarkozy a également tenu un discours très dur sur l’action de Barak Obama, rompant avec son atlantisme traditionnel, accusant le président américain de ne rien faire pour stabiliser le Moyen-Orient. Il s’est également démarqué des positions de François Fillon à propos de Bachar el-Assad. À ses yeux, le leader syrien "doit partir" et laisser place à des éléments du régime. Sarkozy plaide d’ailleurs pour une "reconfiguration plus générale du Moyen-Orient" et appelle l’islam à se réformer en profondeur. "L’islam est la seule religion qui a connu son Moyen Âge après sa Renaissance", a-t-il lancé en guise d’analyse sur le radicalisme religieux.

Selon lui, il ne faut plus rien attendre de l’ONU, un organisme dont le système par consensus est, à ses yeux, dépassé. Il plaide également pour un rapprochement de l’Europe avec Vladimir Poutine, à qui l’on fait, selon lui, un "mauvais procès" sur l’annexion de la Crimée. Il a rappelé à son auditoire que la Crimée "a été donnée à l’Ukraine un soir de beuverie" (en 1954, par Nikita Khrouchtchev en réparation du martyre subi par l’Ukraine sous Staline).

"Au nom de l’écologie, on met des ours slovènes dans les Pyrénées. (…) Pauvres bêtes !"

Sur les grandes questions environnementales, Sarkozy n’est guère convaincu par la COP21 dont François Hollande veut faire une étape de son quinquennat. Le président des Républicains estime plus urgente la question démographique, à savoir les deux milliards d’êtres humains en plus sur terre. Selon lui, la question écologique participe, à travers "le principe de précaution", à la destruction de la notion de progrès et d’innovation qui lui paraît vitale. Il s’est d’ailleurs moqué des écologistes et de leur revendication animalière : "Au nom de l’écologie, on met des ours slovènes dans les Pyrénées et des loups russes dans les Cévennes. Pauvres bêtes !" Il a repris, à cet égard, l’idée de remplacer dans la Constitution de la Ve République le principe de précaution par un principe de responsabilité.

À propos de la construction européenne, Sarkozy a réaffirmé sa volonté d’un rapprochement quasi organique de la France avec l’Allemagne. Au cours d’un long développement, il a insisté sur le passé de ces deux peuples "qui ont fait la guerre tous les 30 ans depuis Louis XIV" et a évoqué le risque d’un nouveau conflit si les deux pays continuent à diverger, car, selon lui, "les peuples ne changent pas". En somme, pour Sarkozy, la France, qui a besoin de la puissance économique de l’Allemagne, est parfaitement complémentaire d’une Allemagne qui a besoin de la puissance diplomatique et militaire de la France. D’où sa proposition, déjà développée pour Le Point, de créer "une zone de convergence économique franco-allemande", ce qui serait, s’il était le candidat officiel de son camp, son axe programmatique en 2017 avec la mise en place d’une proposition commune émanant des Républicains et de la CDU-CSU de Merkel.

"Je ne crois plus au paritarisme"

Il a également enfoncé les socialistes, défenseurs aveugles d’un principe d’égalité qui, à ses yeux, confine à l’égalitarisme. Pour illustrer son propos, il a lancé aux membres du club Choiseul 100 : "On n’a pas tous le même salaire parce qu’on ne travaille pas tous pareil."

Sur la politique économique qu’il compte mettre en place, il estime nécessaire de réduire les dépenses publiques à 50 % du PIB en 2020, mais il n’en a pas détaillé les modalités. Marquant sa différence avec François Hollande, l’ancien chef de l’État ne croit plus au dialogue social. "Je ne crois plus au paritarisme", a-t-il ajouté, ce qui laisse entendre que s’il revenait au pouvoir, les régimes sociaux seraient directement gérés par l’État "pour les remettre d’équerre" et non plus par les syndicats patronaux et salariés qui les ont laissés péricliter.

"Les banlieues doivent arrêter de culpabiliser la France"

Nicolas Sarlozy a martelé qu’il comptait réhabiliter le goût de la réussite, le mérite récompensé par l’argent. "François Hollande veut qu’il y ait moins de riches ; moi, je veux moins de pauvres", a-t-il lancé à la cantonade. Une manière de promettre qu’il réviserait la fiscalité des ménages et des entreprises afin de l’aligner sur la moyenne européenne. "On ne peut pas à la fois avoir l’Europe et l’ISF," a-t-il conclu sur ce chapitre.

Une question sur le traitement des banlieues lui a été posée par Aziz Senni, auteur de L’ascenseur social est en panne, j’ai pris l’escalier. Nicolas Sarkozy s’est lancé dans une charge très violente sur les quartiers par rapport au monde rural. "Les banlieues doivent arrêter de culpabiliser la France." Pour le président des Républicains, la souffrance est aussi forte chez les ruraux qui, eux, "n’ont pas brûlé les abribus et pourtant crèvent". Au même moment, il a d’ailleurs émis la proposition de revoir tous les accords avec l’Algérie "parce que 1962, c’était il y a longtemps". Ce n’est pas la première fois que l’ancien chef de l’État tient des propos rudes sur l’Algérie. Lors de sa dernière visite en Tunisie, il avait déjà heurté la diplomatie algérienne en ironisant sur la situation du pays.

"Il n’y a pas un centimètre de mon corps qui n’a une cicatrice"

Dans ce festival de vacheries, Emmanuel Macron n’a pas échappé aux coups de griffe de l’ancien président. Sarkozy a ironisé à propos de l’engouement médiatique du jeune ministre de l’Économie. "Personne n’a une photo dédicacée de monsieur Macron ?" s’est-il amusé. L’assistance a noté que Sarkozy n’avait pas une seule fois mentionné Manuel Valls… Il n’a pas non plus évoqué une seule fois la primaire, si ce n’est par une allusion à son rapport au pouvoir à l’adresse d’une société civile qui, s’agace-t-il, attend tout du politique et se complaît dans le rejet de la classe politique. "Venez prendre la place, le pouvoir, on ne vous le donne pas, il faut le prendre, a-t-il lancé à la foule venue l’écouter. Moi, j’ai tout pris, il n’y a pas un centimètre de mon corps qui n’a une cicatrice."

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