Hier, dans la journée, au siège de l’association, dans le XXe arrondissement de Paris, quelques personnes devant un ordinateur. Pas une banderole. Un calme trompeur. Les salariés en grève depuis le 14 octobre souhaitent le départ de Sihem Habchi, que beaucoup décrivent «en roue libre». «Si elle reste, nous partirons», expliquent plusieurs d’entre eux. Celle qui a succédé à Fadela Amara, après sa nomination au gouvernement en 2007, parle, elle, d’une «attaque politique qui vise à prendre le contrôle de l’association».
«Tyranniques». Le mail anonyme a «cristallisé un état d’esprit pesant depuis quelques mois», retracent des grévistes, rencontrés dans un café. «Cela s’ajoute à des travers tyranniques que l’on a tous supportés, et une lassitude face aux projets qui piétinent.»
A l’origine, donc, ce courrier électronique d’un mystérieux «HarryPotter85202», daté du 13 octobre. Les attaques contre Sihem Habchi sont précises. Il lui est reproché des choix politiques «sans consultation» – soutien à Arnaud Montebourg, engagement public avec le ministre de l’Immigration Eric Besson pour une mission pédagogique antiburqa. Mais aussi des questions de gestion : «Notes de taxi scandaleuses», qui atteindraient «3 000 euros par mois»,«frais de bouche» et factures de téléphone «indécents»(«800 euros parfois pour un seul mois»), ainsi qu’une certaine tendance au népotisme (entrée de deux de ses sœurs au conseil d’administration, embauche de son compagnon pour refaire le site internet à un prix jugé trop élevé).
Jointe par Libération, Sihem Habchi évoque, entre les lignes, une possible vengeance «d’anciennes» ayant quitté l’association. «La moindre des choses, quand on critique, est de le faire à visage découvert.» Elle a porté plainte contre X pour diffamation. Dans le détail, elle répond, répétant que son engagement auprès d’Arnaud Montebourg a été approuvé en conseil d’administration, que tous les comptes de l’association sont validés, que le site a, au contraire, coûté 40% de moins que les prix du marché… «Toutes mes dépenses sont pour l’association. Rien n’est pour moi.»
«Pression». Quand ils ont reçu le mail, les permanents de NPNS ont attendu une réponse de sa part : «Mais elle nous a demandé de la soutenir, sans s’expliquer et en disant qu’elle n’avait pas de comptes à rendre aux salariés.» Elle «nous a foutu un coup de pression et a été menaçante». «Notre association se bat contre la loi du silence, et nous, à l’intérieur, on ne pouvait rien dire», s’insurge une gréviste. Un huissier de justice est venu fouiller les mails pour trouver le corbeau. Sihem Habchi promet qu’elle veut «apaiser les choses» : «Les salariés travaillent énormément, la pression est forte au quotidien.»
«On veut une sortie de crise», répondent les grévistes. Pour sauver le mouvement… sans Sihem Habchi. Un congrès doit avoir lieu en décembre avec l’élection d’un nouveau bureau. Se représentera-t-elle ? Uniquement si elle sent que c’est le souhait des militants, dit-elle.