Mystères calligraphiques du Maroc

S’il fallait un palladium de l’ancestrale attraction culturelle du Maroc, ne serait-ce pas cette exposition exceptionnelle de ses trésors livresques à l’Institut du Monde Arabe de Paris ?

Par Mustapha Saha*

Conçue comme une manifestation complémentaire du cafouilleux pavillon marocain au Salon du Livre, l’éblouissante rétrospective aura sans doute, malgré sa brièveté, un impact plus remarquable et plus durable. Les livres sacrés côtoyant les ouvrages profanes, sortis d’un sommeil millénaire, témoignent d’époques où l’écriture, matrice d’une civilisation des signes, s’incarne dans des chefs-d’œuvre impérissables. L’ambiance éthérique, baignée de luminosités subliminaires, réunit les théories fondatrices dans un nichoir régénérateur. Une scénographie digne des bibliothèques vaticanes. Des siècles de lumière, enrichis par l’effervescence intellectuelle des medersas et des ribats des villes, des montagnes et des confins désertiques, imprégnés par le paradigme andalou où les sciences et les philosophies partagent les connaissances dans une interactivité pionnière. Une écriture somptueusement présente dans l’architecture, l’artisanat, la structure et la texture de toutes les créations humaines. Ces livres uniques déclinent en concert la diversité marocaine, confluence historique et géographique des cultures, combinatoire symbiotique de pensées plurielles. Le rouleau de la Torah de vingt-mètre sur parchemin embobine deux milles ans de judaïté marocaine. Le savant Haïm Zafrani a magistralement mis cette histoire en perspective. L’évangile en arabe du XIIème siècle rappelle l’antique chrétienté maghrébine, fondatrice du catholicisme latin. Les figures de Tertullien, de Saint-Cyprien, de Saint-Augustin se profilent en ombres glorifiantes. Se dégagent des grimoires exposés des corrélations secrètes, au-delà de leurs similitudes esthétiques, comme si les sillons jadis ouverts attendaient de nouvelles irrigations pour féconder des floraisons insoupçonnables. Le sel et le miel d’une culture cumulative.

Abderrahmane Ibn Khaldoun lègue le manuscrit « Le Livre des exemples » (Kitab al-ibar) à la Bibliothèque Qararouiyyine en 1396 sans se douter que son ouvrage ferait le voyage parisien sept siècles plus tard. La graphie multicolore se couronne de sphères florales à l’image des sinuosités narratives. Le grand œuvre, source incontournable sur la complexité synergique de l’arabité conquérante et de la berbérité absorptive, étonne toujours les chercheurs par ses intuitions théoriques, ses découvertes méthodologiques, ses prouesses dialectiques. Ibn Khaldoun trouve, dans l’interconnexion des savoirs et des époques, une belle illustration de cette sociabilité naturelle actionnée par les mécanismes des comportements historiques et la pérennisation des singularités temporelles quand elles émanent d’une totalité sociétale indéracinable et mouvante. Une déchronologie des urbanités et des ruralités structurables, des inventivités considérables, des transmutations incorporables. L’histoire et la sociologie sont théorisées comme des sciences dépurées des spéculations doctrinaires. Au-delà des interférences permanentes des faits sociaux et des dynamiques transformatrices, établies comme bases épistémologiques du savoir analytique, Ibn Khaldoun pose la problématique de la connaissance de soi dans une approche mystique et synthétique de l’être comme entité réflexive. L’introspective exploration des ressorts intimes de la pensée emprunte les fibres sensibles de la précognition, les fulgurations charnelles de l’osmose chamanique, la voie pascalienne de l’intelligence du cœur. Le concept de "moujahada" définit cet effort contre la concupiscence, le personnalisme, l’égoïsme, impulsés par les pressions extérieures. La connaissance de soi se libère des dénaturations idéologiques comme le signe calligraphique se dételle de sa bride sémantique. « Connais-toi toi-même » recommande la pythie à Socrate. Les concepts façonnent le devenir quand ils fusionnent et dynamisent la réalité présente, la subjectivité pensante et la volonté agissante.

Les œuvres exhumées reflètent, avec éclat, leur contexte socio-culturel de liberté de la recherche et de la pensée, avant la chape de plomb d’un dogmatisme séculaire. Une reconstitution synchronique du puzzle didactique désintégré par les options immobilistes. Le quinzième siècle apparaît dans cette optique comme un ultime feu d’artifice d’une longue et prolifique allégresse cognitive. Le patrimoine livresque jalousement protégé ravive en sourdine des mélancolies informulables, des nostalgies inconsolables, des désolations incalculables. Sont réunis dans la magnificence des enluminures, des dorures, des reliures, les florilèges théologiques et les spicilèges scientifiques. Les Corans, majestueuses balises, ponctuent la visite d’intangibles providences. En ces temps où l’enseignement des disciplines profanes est remis en cause pour putative incompatibilité religieuse, on aurait aimé voir sous les vitrines tamisées des manuscrits du Discours décisif, du Traité du dévoilement, de l’Incohérence de l’Incohérence d’Ibn Rochd (Averroès) qui cite, dans son traité "Accord de la religion et de la philosophie", de nombreux versets exhortant l’intelligence humaine à comprendre les mécanismes subtiles de l’univers. "L’univers ne fait connaître l’Artisan que par la connaissance de l’art, et plus la connaissance de l’art est parfaite et plus parfaite est la connaissance de l’Artisan". Le savant musulman doit être, en conséquence, versé dans toutes les sciences. N’est-ce pas le sens explicite de cette exposition atypique.

Dans la salle du haut conseil, suspendue entre terre et ciel face à Notre-Dame de Paris, ces savoirs encyclopédiques, coulés dans des stylistiques prosodiques, réunissent en conférence filiative l’agronome Al-Tolaytili (mort en 1067), le chimiste Al-Jaldaki (mort en 1342), l’astronome Al Jadiri (1375 – 1416)… Un manuscrit témoigne du Kitab al-Tasrif (Livre de la méthode), somme médicale en trente volumes d’ Abou al-Qasim Khalaf ibn Abbas al-Zahrawi (Aboulcassis 940 – 1013). La médecine et la chirurgie doivent à ce praticien des découvertes fondamentales et des applications vitales qui le placent au rang d’Hippocrate, Galien et Celse. Le "Sommaire des opérations arithmétiques" d’Ibn al-Banna al-Marrakushi al-Azdi (1256 – 1321) porte les parfums envoûtants de l’époque mérinide où les villes impériales se parent des plus belles universités. N’est-ce pas Ibn al-Banna qui forge le concept « climat », de l’arabe « al-manakh », appliqué aux données météorologiques. S’invitent à l’homérique séminaire le géographe Al Idrissi, concepteur du planisphère médiéval de référence et découvreur de précieuses plantes médicinales, et l’explorateur Ibn Batoutta, chroniqueur des splendeurs civilisationnelles et observateur avisé des mœurs diversitaires de son siècle. Comment ne pas penser à la Conférence des oiseaux du poète soufi Attar où l’être taraudé entre élévation intellectuelle et régression factuelle, n’a de cesse d’escalader les montagnes de l’espérance pour rechuter dans les ravines de l’ignorance.

Je m’immobilise devant le recueil des prières du quinzième siècle de Mohammed Al-Jazouli (mort en 1465). Mon âme s’immerge dans une ensorcelante vapeur émotionnelle. L’état de grâce instantané ne provient d’aucune servitude spirituelle. Le grimoire refoule la lecture intrusive, l’intelligibilité nominative, l’induction interprétative. Il se donne comme une aimantation sensitive, une lévitation réflective, une exaltation contemplative. La calligraphie arabe institue l’écriture comme un art sacré, une perfection figurative, véhicule de l’inaltérable révélation dans sa pureté originelle. Une écriture mystique dans ses entrelacs labyrinthiques où l’attraction visuelle envoile de beauté le mystère divin, drape les mots de nimbe séraphique, fixe l’ineffable dans sa musicalité graphique. Un art elliptique, évocateur de la mémoire des sables, révélateur de la source méconnaissable, générateur de formes invraisemblables. La majesté verticale et la fluidité transversale effectuent la jonction entre orbitale transmigration et sommitale suspension. Chaque ouvrage, lucarne sur l’invisible, se trame comme une œuvre totale, porteuse de sa propre signification symbolique, dans une combinaison cosmique de plénitude et d’infinitude propice à la béatitude. Par un étrange effet cinétique, les lignes s’entrelacent et se déplacent, les signes se brassent et s’embrassent, les caractères s’enchaînent et se déchaînent dans une danse scripturaire. L’étymologie s’estompe dans l’incompressible harmonie. Les configurations vibratoires entraînent l’imaginaire au-delà du miroir. L’alphabet, en résonance plastique avec les subtilités morphologiques et phonétiques de la langue, s’anamorphose librement sur surface disponible. Les cursives se transfigurent au gré de l’inspiration créative. Le regard s’hypnotise. Le corps s’électrise. La conscience s’intériorise.

La calligraphie arabe se déploie dans un espace-temps élastique, qui déborde les codifications restrictives, façonne l’inexplicable dans les artefacts embryonnaires, trace des territoires à la mesure de sa quête visionnaire. Le calligramme exprime sa vastitude dans la luxuriance végétale et géométrique. Les diacritiques élargissent le champ de l’expression artistique au-delà des académismes convenus. La flexibilité des lettres permet des extensions infinies, génératrices d’inconcevables sortilèges. Les règles fondamentales acquises, toutes les improvisations sont permises. Les mots se métamorphosent au gré de l’étincelle inspiratrice. Le carré d’or s’étoile de points de fuite. Le plein creuse son relief dans le vide. Le calame, antique instrument d’écriture, clef d’or de la clairvoyance anagogique, est doté de pouvoirs magiques. Il cadence le rythme et guide le mouvement comme baguette de sourcier. Il est avatar physique et souffle métaphysique, fibrille dermique et chandelle cosmique, investigation de l’âme et illumination de l’esprit. Le signe graphique englobe le sens et l’essence. Le décryptable, pellicule superficielle, obstrue l’accès aux profondeurs où se niche la lumière des lumières. La méditation gnostique recommande la contemplation des versets coraniques dans leur splendeur calligraphique, dans leur résonance cristalline, pour entrevoir l’impénétrable. L’écriture-mère, table inamissible d’inébranlables sagesses, se manifeste sur terre par des versets translucides et limpides.

L’alphabet nord-arabique, ultime héritier du syllabaire phénicien, synthèse des écritures sémitiques, se détache au cinquième siècle de ses matrices nabatéenne et sinaïtique, en concordance avec la poésie bédouine, qui lui procure son articulation consonantique, sa richesse euphonique, sa perfection sémantique. La révélation coranique, conçue comme prophétie des prophéties, donne à cette langue miraculeuse une aura thaumaturgique. Chaque signe est, dès lors, une apothéose allégorique, une nitescence adorative en connexion avec la source divine. La calligraphie monumentale, sculptée, gravée, ciselée, imprègne l’urbanité fonctionnelle de transcendance subliminale. Les mosquées, les mausolées, les medersas, s’ornementent de cet art sémiotique comme des livres de pierre couvant leurs fastueuses bibliothèques. Les bois ciselés, les zelliges parementés, les plâtres sculptés, les tissus brodés inscrivent l’intarissable dans le périssable. Le Coran, étymologiquement récitation, est une injonction à la lecture. La psalmodie transforme la déclamation en captivante vocalise. Le message théogonique, inimitable par définition dans sa formulation didactique et dans son idéalité poétique, s’initialise par l’impératif d’enseigner l’écriture, unique remède à l’obscurantisme. La foi s’accomplit et s’épanouit dans l’acquisition des savoirs, dans la lecture pénétrative et l’authentification dissertative. L’alchimie du calame et de l’encrier, sources originelles de l »intellect, revêtent, de ce fait, une magnitude anagogique qui dépasse sa fonction scripturale. Toute chose existante a été créée de la même encre primordiale. L’écriture s’absorbe de l’essence première. L’impulsion calligraphique ressasse l’acte créateur comme une réminiscence onirique. L’imaginal se manifeste dans le virginal. La tropologie des lettres articule les arcanes de l’indicible, dessine les contours de l’inaccessible, profile les mystères de l’intransmissible. Le syllabaire, en intime correspondance avec les vingt-huit phases lunaires, s’éprouve et se médite dans sa trajectoire entre nadir et zénith. Les combinaisons numériques transmutent les quatre éléments, l’air, l’eau, la terre et le feu, en arcanes cabalistiques. Se retrouvent dans les capsules talismaniques les concordances ésotériques. Tous les parcours, dans leurs latences et leurs pénitences, mènent à la lettre initiale, l’ « alef », axe focal de l’unicité du créateur et de ses créations. L’ « alef » pour le soufisme s’auto-crée et se recrée dans la spontanéité de sa complétude. Le « ba », miroir horizontal, reflète la phosphorescence azurine. La couleur bleue apparaît comme une réminiscence céleste. Verticalité et transversalité tissent indéfiniment leur toile incommensurable. La belle écriture ne se nomme-elle-pas en arabe « al khatt », le trait libérateur des pesanteurs terrestres, la ligne perceptible de l’inconnaissable ? L’exercice calligraphique, pérégrination spirituelle, est une ascèse comportementale, une purification mentale, une chorégraphie digitale. Le geste navigue entre terre et ciel. Les chants soufis se visualisent dans les courbures, les ligatures, les flexions et déflexions anaglyptiques. Un art charnel, sensoriel, sensuel, où la transmission des techniques ancestrales est une initiation spectrale. Le signe calligraphique trace les sillages du miracle des miracles, le périple ascensionnel sur un éclair, l’incursion dans l’indicible, le dévoilement de l’incompréhensible, le discernement de l’énigme capitale sans connaissance préalable.

Les monarques marocains comprennent, dès la première dynastie, le magnétisme de l’écriture, l’occulte influence de l’empreinte, l’intercession magique du calame dans la séduction des âmes. Au dixième siècle, l’idrisside Yahya IV s’entoure de scribes, de copistes, de calligraphes, d’enlumineurs, de relieurs, de savants, de philosophes, de poètes, s’encense de tous les connaissances profanes et religieuses. Le malékisme instaure en filigrane un rite consensualiste, combinaison latitudinaire de justesse exégétique, d’interprétation pragmatique et d’intellection critique. La bibliothèque de l’almoravide Youssef Ibn Tachfin s’enrichit des trésors livresques des rois omeyyades d’Andalousie et de leur diversité philosophique. Les thèses et les antithèses se confrontent dans le silence cryptographique. Les livres, joyaux des principautés et des royaumes, ponctuent les mystères historiques. Le livre en soi est un écrin sacré, un reliquaire consacré, un prodige nacré. L’almohade Abdelmoumen, constructeur de bibliothèques mémorables, conserve ses ouvrages thaumaturgiques dans des coffrets d’ébène, incrustés d’or et de pierres précieuses. La recherche des manuscrits rares s’engage comme une aventure hypothétique, emprunte des chemins amphigouriques, mobilise des relais énigmatiques. L’acquisition se vit comme une conquête extatique. Le souverain couve dans le livre sacramental la clef de son pouvoir metemporique. Les sultans se doivent d’être des érudits et des lettrés. Sans l’incitation du philosophe Ibn Tofail et le soutien de Yacoub al-Mansour, les grands commentaires d’Aristote par Ibn Rochd, n’auraient probablement jamais vu le jour. Al Mourtada inaugure la tradition, toujours en vigueur, des rois calligraphes sanctifiant leurs actions solennelles dans l’art de l’écriture. L’acte par son onction graphique se pérennise.

La bibliophilie devient sous les Mérinides, privés d’ascendance chérifienne, une philosophie d’existence. Le roi Abou Inan, fondateur de plusieurs universités mythiques, auquel Ibn Khaldoun dédie son encyclopédique Kitab al-Ibar et Ibn Bathouta sa mythique Rihla, voyage avec sa bibliothèque. La connaissance épargne mégardes et maladresses. L’omniprésence de l’intellect insuffle la sagesse. Le saadien Ahmed Al Mansour Dahbi étudie, annote et commente livres scientifiques et traités philosophiques. La calligraphie s’exécute sous son règne à l’encre d’or, se pare érubescences séraphines, s’humecte d’ambre et d’eau de roses, se parfume de santal et d’oliban. L’écriture aspire et respire toutes les essences de la beauté. En 1912, Moulay Hafid, contraint de signer le traité du Protectorat, s’empresse d’emmurer la bibliothèque royale dans son palais de Fès pour soutirer ses secrets talismaniques à la puissance colonisatrice. Le patrimoine miraculeux n’est redécouvert par hasard qu’après l’indépendance, un demi-siècle plus tard, à l’occasion de travaux de restauration.

Le Maroc a toujours été un pays de séditions tribales, de défense acharnée des particularités locales, des singularités culturelles, des historicités structurelles, un pays de belligérances récurrentes entre atavismes égalitaires et centralités autoritaires, entre transversalités délibératoires et verticalités discriminatoires. Un pays opiniâtrement diversitaire où les violences épuratoires se conjuguent avec les solidarités absolutoires. Les styles calligraphiques canoniques, personnalisés par les grandes monarchies, sont des sceaux de pouvoir, reproduits dans les actes officiels, qui signifient, selon leur lustre, le prestige des signataires. Le « maghribi » s’est développé comme une affirmation d’autonomie régionale, comme un défi au califat moyen-oriental. La culture mauresque s’est dotée d’une écriture distinctive pour construire sa civilisation symbiotique. Quand le saadien Moulay Zaydan est destitué en 1653 à Marrakech, il pense avant tout à sauvegarder son irremplaçable bibliothèque. Il confie quatre mille livres au vaisseau français de Jean-Philippe de Castellane, en amarrage à Safi, pour les mettre à l’abri à Agadir. Commence la plus hallucinante des confiscations culturelles. Le consul, las d’attendre sa rémunération, lève l’ancre avec le butin providentiel et se fait arraisonner, à son tour, au large de Salé, par des portugais sous domination espagnole. L’incroyable bibliothèque, déclarée bien inaliénable par la papauté, est toujours sous scellés à l’Escurial, après avoir été amputée par le funeste incendie de 1671. Moulay Zaydan et ses successeurs tentent en vain de récupérer le trésor des trésors. La perte est vécue comme une malédiction divine. L’emprise spirituelle se légitime par l’attache ontologique au Livre, la faculté perceptive des secrets démiurgiques. La gouvernance par la sacralité sémiotique se sacralise. L’image impériale par la beauté graphique s’immortalise. L’intronisation se phosphore de haute couture scripturale. Le ressort médiumnique de la calligraphie n’est-il pas justement la transfiguration de la parabole en symbole, du magistère en mystère, du vertige des pouvoirs en prestige des savoirs…

*Sociologue, poète, artiste peintre

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