Mohammed VI et Barak Obama, une rencontre à multiples enjeux

Avant même d’avoir eu lieu, beaucoup a été écrit sur cette rencontre inédite entre le Roi du Maroc Mohammed VI et le président américain Barak Obama. Le partenariat stratégique entre deux pays que lient des relations séculaires a été souligné. L’importance de consolider les liens économiques entre Rabat et Washington a été mis en exergue. L’intérêt vital pour le Maroc et les USA d’approfondir leur dialogue politique n’est plus à démontrer. Mais peu été écrit sur le contexte international et régional dans lequel survient cette visite et qui contribue à accentuer son côté historique.

Le Roi Mohammed VI effectue sa première visite au président Obama alors que l’influence américaine en Europe et dans le monde Arabe est lourdement questionnée. Ce contexte impose à Barak Obama un remodelage de sa diplomatie et de son approche des crises régionales. D’abord en Europe où, marquées par le scandale des écoutes téléphoniques, les relations avec le vieux continent ont été saisies de tensions. Ensuite avec les pays du Proche-Orient où son apparente inefficacité sur le dossier israélo palestinien, son approche diplomatique sur la crise syrienne et sa propension à trouver quelques vertus diplomatiques au régime iranien lui valurent l’ire et le dépit de l’allié saoudien et de tous ses satellites.

Sur le Front de la guerre contre le terrorisme, alors que son administration semble favoriser sa stratégie de drones en Asie et au Yemen, Barack Obama parait en retrait sur le continent africain, redevenu dans sa région sahélienne le foyer du djihadisme mondial et donne l’impression d’avoir laissé à la France et à ses alliés dans la région le soin de mener cette bataille contre l’extrémisme qui menace de déstabiliser l’ensemble du continent noir.

Mohammed VI arrive donc à la Maison Blanche alors que Barack Obama est en train de recomposer l’ensemble de ses cartes diplomatiques dans la région. Le dialogue entre les deux hommes gagnera en profondeur lorsque l’on sait que la partie marocaine inscrit sa démarche dans une dynamique nouvelle, plus offensive et plus transparente.

Pour de nombreux centres d’analyse et de décryptage politique américains, Mohammed VI effectue cette visite auréolé par deux faits majeurs qui font l’originalité de l’exception marocaine. Le premier est son choix initial et stratégique de participer, dès son lancement, à la guerre contre le terrorisme et l’extrémisme religieux. Ce choix commence aujourd’hui à porter ses fruits et à imposer une clarifications de choix politiques et sécuritaires à de nombreux pays.

Le second est sa capacité à gérer et absorber les soubresauts du "printemps arabe" en anticipant les réformes et l’ouverture du jeu politique. Cela n’a pu être possible que par la volonté politique d’institutionnaliser la culture du respect des droits de l’Homme. Une première dans le Monde arabe. Pour de nombreux observateurs, cette situation fait du Maroc un exemple de stabilité et d’ouverture politique pacifique. Le particularisme marocain est d’ailleurs involontairement mis en exergue par les impasses politiques, le chaos, la sclérose militarisée que vivent de nombreux pays de la région. Ceux qui ont vécu les spasmes du "printemps arabe" et ceux comme l’exemple algérien qui se sont recroquevillés sur leurs vieux réflexes autoritaires.

Sans que cela ne soit clairement exprimé, il paraît incontestable que le Maroc cherche à travers cette visite du Souverain à Washington à réaliser deux objectifs majeurs, en plus de la consolidation du partenariat stratégiques entre les deux pays.

Le premier est de se livrer à une explication et à une pédagogie autour des principaux obstacles qui empêchent le Maroc de finaliser son unité territoriale. Lors de son dernier discours, Mohammed VI avait pointé d’un doigt accusateur ces forces payées par l’argent du voisin algérien avec son obsession de ternir l’image du Maroc dans les forums internationaux et lui mettre les bâtons dans les roues. Le Maroc redira sans doute aux responsables américains la validité politique de sa proposition d’autonomie du Sahara marocain comme une solution viable pour une sortie de crise régionale.

Le second objectif est de tenter de mobiliser les capitaux américains pour qu’ils viennent investir dans la croissance et le décollage économiques marocain. L’argument de persuasion du Maroc est sa stabilité politique, susceptible de rassurer, et la modernisation de ses infrastructures idéalement positionnées aux portes du juteux marché européen et du prometteur marché africain. Autant d’enjeux qui donnent à cette rencontre inédite entre Mohammed VI et Barack Obama une saveur particulière.

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