Mensonges: attention « pente glissante »

Plus on ment, plus il devient aisé de mentir: des chercheurs sont parvenus à mettre en évidence expérimentalement cet effet "boule de neige" et le mécanisme biologique qui le facilite. Au départ, le menteur ressent un inconfort lorsqu’il déforme la vérité, souligne une étude parue lundi dans la revue Nature.

Mais cette gêne s’estompe à mesure que la liste de ses mensonges s’allonge, l’amygdale du cerveau qui gère certaines de nos émotions s’étant en quelque sorte accoutumée. Et les mensonges se font de plus en plus gros.

"C’est la première fois que l’on montre de façon empirique qu’un comportement malhonnête s’accroît à mesure qu’il se répète", déclare Neil Garret du département psychologie expérimentale de UCL (University College London) qui a mené l’étude.

"Que ce soit dans le cas d’une infidélité, d’un dopage dans le sport, de données scientifiques trafiquées ou de fraude fiscale, les tricheurs évoquent souvent le fait que cela a commencé par de petits actes qui ont fait boule de neige avec le temps", a souligné Tali Sharot de UCL lors d’un point de presse.

Quatre-vingt adultes (de 18 à 55 ans) se sont vus soumettre une photo haute résolution représentant un pot en verre rempli de pièces de monnaie.

Par ordinateur, ils devaient aider un partenaire à estimer le montant d’argent contenu dans le récipient. Cette personne (en fait un acteur) ne disposait pour sa part que d’une photo de médiocre qualité.

Dans un premier scénario, les opérateurs ont demandé aux participants d’estimer de la façon la plus exacte possible le montant, en leur disant que cela bénéficierait à la fois à eux-mêmes et à leur partenaire (ils gagneraient tous les deux davantage d’argent). On peut penser qu’ils ont dit alors la vérité.

"Les gens mentent le plus quand c’est bon pour eux-même"

Les résultats de ce premier test ont servi de référence aux autres scénarios dans lesquels sous-estimer ou surestimer volontairement le montant contenu dans le pot pouvait présenter un intérêt pour le participant au détriment de son partenaire, ou bien l’inverse, ou encore profiter aux deux.

"Les gens mentent le plus quand c’est bon pour eux-même et pour l’autre personne", "probablement parce que cela ne les fait pas se sentir mal", relève Tali Sharot.

"Quand c’est seulement bon pour eux mais que cela nuit à l’autre personne, ils mentent moins", ajoute-t-elle.

La propension à mentir diffère beaucoup selon les participants. Mais la plupart des volontaires se sont mis à déformer la réalité de plus en plus.

Pour comprendre ce qui se passait dans leur cerveau, 25% des participants ont réalisé une IRM (imagerie par résonance magnétique) pendant l’expérience. Les chercheurs se sont aperçus que l’amygdale cérébrale, associée aux émotions, était plus active lorsque les personnes mentaient pour leur intérêt personnel. Au départ, "elle produit un sentiment négatif qui limite l’ampleur du mensonge", explique Tali Sharot.

Mais à chaque nouveau mensonge, la réponse de l’amygdale déclinait et l’ampleur des bobards grandissait."Il y a une sorte d’adaptation émotionnelle", pointe Tali Sharot.

"Cela peut conduire à une +pente glissante+, lorsque de petits arrangements avec la vérité peuvent déclencher une escalade et devenir des mensonges importants", relève-t-elle.

Pour Neil Garret, ces résultats confortent l’idée que l’amygdale pourrait "réagir à des actes que nous considérons mauvais ou immoraux".

"Nous avons testé uniquement les comportements malhonnêtes dans cette expérience. Mais le même principe pourrait s’appliquer à d’autres processus d’escalade, comme les comportements à risque et violents", estime-t-il.

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