Maroc : référendum sur la nouvelle Constitution

Le nez chaussé de lunettes, le roi Mohammed VI a lu à la télévision marocaine, vendredi soir 17 juin, les principaux points de la Constitution d’un "Etat moderne" qui sera soumise, a-t-il annoncé à un référendum le 1er juillet. C’est un "pacte, un nouveau contrat entre le peuple et la monarchie", a-t-il déclaré en se présentant sous les traits d’un "roi citoyen". Un roi qui, dans l’absolu, deviendra à l’avenir symboliquement majeur à 18 ans, à l’image de tous les Marocains, et non plus à 16 ans. Héréditaire, le pouvoir se transmet de père en fils et reste, de ce point de vue, immuable. Mais ses prérogatives sont réduites.

Le Mouvement du 20 février, qui réclame dans la rue depuis quatre mois des changements politiques "profonds" et la fin de corruption, a annoncé qu’il maintenait son nouvel appel à manifester dimanche 19 juin.

Soumis à la pression de cette contestation pacifique née dans la foulée des mouvements de révolte dans le monde arabe, Mohammed VI avait promis, le 9 mars, de réformer le champ politique du Maroc. La dernière révision de la Constitution marocaine remonte à quinze ans, en 1996, trois ans avant la mort d’Hassan II et l’accession au pouvoir de son fils, Mohammed VI, aujourd’hui âgé de 47 ans. La principale innovation du texte réside dans la désignation d’un premier ministre issu du parti "arrivé en première position" aux élections législatives et non plus nommé, comme le souverain, jusqu’ici, l’entendait. "Le pouvoir exécutif viendra du peuple", a affirmé le monarque chérifien.

Le futur chef du gouvernement pourra promouvoir les principaux responsables de l’administration, à l’exclusion des militaires qui restent du "domaine exclusif du roi", recevoir les ambassadeurs ; il sera "consulté" avant toute dissolution du Parlement. Un Parlement où seront désormais représentés les Marocains de la diaspora qui vivent à l’étranger. Egrenant les réformes selon "dix axes", Mohammed VI a également annoncé l’inscription dans la Constitution des principes des droits de l’homme – la présomption d’innocence, la lutte contre les discriminations, la liberté d’opinion, le droit à l’accès à l’information – et garanti l’indépendance de la justice. Le berbère deviendra officiellement la deuxième langue officielle du royaume – "une initiative pionnière ", a souligné le roi, qui vient après la création d’une chaîne de télévision Amazighe. Dans son préambule, la future Constitution donne la primauté à la culture arabe mais elle évoque aussi les "racines juives et andalouses" de cette culture. Enfin, le Maroc sera divisé en régions, dont l’une est prévue pour le Sahara occidental, gérées par un représentant élu.

L’article 19 de l’actuelle Constitution qui a fait beaucoup débat ces derniers mois, et qui consacre le roi "Amir Al Mouminine" commandeur des croyants, est scindé en deux. D’un côté, la sphère religieuse, de l’autre le domaine civil. Certains y voient le début d’une séparation entre le sacré et le temporel. "C’est une forme de laïcité, on s’approche du modèle européen", assure Lahcen Daoudi, président du groupe parlementaire du Parti Justice et développement (PJD, islamiste modéré). Dans les deux cas, le rôle du roi, cependant, n’évolue pas. Il reste la première autorité religieuse du pays, sa personne reste "inviolable" mais la notion de sacralité est remplacée par celle de respect qui lui est dû. Il continuera à présider le conseil des ministres. L’article 106, qui dispose que "la forme monarchique de l’Etat ainsi que les dispositions relatives à la religion musulmane ne peuvent faire l’objet d’une révision constitutionnelle", change de numéro mais demeure en l’état. Le Maroc est un Etat islamique qui garantit la liberté de culte.

Mohammed VI a-t-il voulu, dans ce domaine, aller plus loin comme le lui prête la rumeur ? A-t-il pensé un temps inscrire la liberté de croyance ? "Nous avons fait remarquer que c’est absolument incompatible et contradictoire avec le statut de commandeur des croyants", observe M. Daoudi, dont le parti, qui compte 46 députés, a, semble-t-il, peser de tout son poids dans les consultations préalables menées jusque dans les derniers jours avant l’annonce des réformes. Tout au contraire, le Conseil des oulémas (théologiens) se trouve inscrit dans la Constitution.

De nombreuses autres instances, civiles, y font aussi leur entrée. Certaines sont nouvelles, comme le Conseil supérieur de sécurité ou le Conseil de la compétition et de la lutte contre la corruption, d’autres existaient déjà mais voient leur appellation modifiée, comme le Conseil supérieur de justice, qui sera présidé par le roi. Beaucoup des annonces faites vendredi restent cependant à formaliser dans des textes, règlements et projets de loi.

Concluant au bout d’une demi-heure son discours à la nation, le deuxième en trois mois, le roi du Maroc a appelé les électeurs à se mobiliser pour voter "oui" lors du référendum organisé le 1er juillet. "Vous me trouverez en première ligne", a-t-il conclu, pour défendre une Constitution destinée à "consolider les piliers d’une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale". La campagne va immédiatement commencer au Maroc. Après s’être fait entendre dans la rue, les jeunes du Mouvement du 20 février, comptent bien réclamer un temps de parole dans les médias, à l’instar des partis politiques, pour faire entendre leur point de vue.

Isabelle Mandraud
(Le Monde)

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