Maroc: la polémique enfle sur la loi relative au travail domestique

L’adoption par la commission des affaires sociales à la Chambre des représentants du projet de loi 19-12 relatif au travail domestique a suscité de vives critiques de la part des organisations de défense des droits de l’enfant et des parlementaires qui déplorent particulièrement l’autorisation du travail des mineurs dès l’âge de 16 ans.

Pour nombre de défenseurs des droits de l’enfant, l’adoption de ce projet de loi est contraire aux dispositions de la Constitution marocaine et aux engagements internationaux du Royaume dans le domaine de la protection des droits des enfants.

L’adoption de cette loi est un "revers" pour les droits et constitue un "crime" à l’encontre de l’enfance marocaine, a indiqué le président du Forum des associations de l’enfance, Abdelali Rami, dans une déclaration à la MAP, notant qu’en autorisant le travail domestique des mineurs de moins de 18 ans, en l’absence de véritables garanties de protection, l’on porte un coup dur aux nobles objectifs du législateur qui insiste sur le respect des droits de l’enfant et de ses intérêts.

"Au moment où nous attendons la promulgation de lois qui garantissent les droits des enfants à la scolarisation et à la santé, nous avons été surpris par l’adoption de ce projet de loi qui aura des conséquences négatives et dangereuses sur l’avenir des générations futures", a déploré M. Rami.

M. Rami rejoint ainsi l’avis de l’organisation internationale de défense et de promotion des droits de l’Homme qui souligne que l’emploi des enfants de moins de 16 ans les expose à plusieurs dangers notamment la maltraitance physique, les carences alimentaires, le manque de sommeil, le manque de repos, abus sexuel, avortements multiples, dépressions, névrose, addiction et les tentatives de suicide.

Cette loi a été contestée même par certains parlementaires qui pensent, à l’instar de Nouzha Sqalli, membre du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), qu’il était attendu que le texte tienne compte des conditions difficiles dans lesquelles travaillent les enfants et qui sont dépourvues des moindres critères humains notamment en ce qui concerne la durée et la pénibilité du travail.

"Il était nécessaire que cette loi prenne en considération les avis des instances constitutionnelles comme le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et des acteurs de la société civile qui ont déployé d’importants efforts pour convaincre le gouvernement à relever l’âge minimum de travail à 18 ans", a ajouté l’ancienne ministre.

Pourtant, le ministère des affaires sociales avance que le projet de loi n° 19-12 relatif au travail domestique constitue un "important acquis" pour cette catégorie de travailleurs qui jouissent désormais de plusieurs droits sociaux. Parmi ces principaux acquis, le texte cite l’obligation d’établir un contrat de travail, de faire bénéficier le travailleur de la couverture sociale et de périodes de congés, ainsi que de la protection contre les travaux dangereux, outre la formation, l’interdiction des intermédiaires physiques rémunérés et la mise en place de peines répressives en cas de violation de la loi.

Ce projet, souligne le ministère, s’inspire des conventions internationales en la matière et plus particulièrement des conventions n 138, 182 et 198 sur le travail infantile et l’âge minimum de travail.

L’observatoire national des droits de l’enfant qui ne semble pas partager pleinement l’avis du gouvernement à ce sujet, a appelé les parlementaires à rejeter ce texte, relevant que son adoption sape les efforts des militants qui œuvrent depuis plusieurs années à défendre les droits des enfants à l’éducation et à l’égalité.

Il a également appelé à mettre en place une stratégie permettant aux travailleurs domestiques mineurs d’être intégrés dans le système d’éducation et de formation, relevant que le ministre de l’éducation nationale et plusieurs départements concernés ainsi que des associations de la société civile avaient fait part de leur disposition à prendre en charge ces enfants et à leur offrir l’occasion de poursuivre leur scolarité dans des conditions dignes.

En attendant, bon nombre de militants des droits de l’enfant et de parlementaires portent leurs espoirs sur l’article 59 de la Constitution marocaine qui stipule que le Roi peut demander aux deux Chambres du Parlement qu’il soit procédé à une nouvelle lecture de tout projet ou proposition de loi.

(Avec MAP)

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