Manuel Valls entre morale de gauche et réalisme de droite

S’il y a un ministre français qui se trouve dans l’œil du cyclone c’est bien Manuel Valls. À décoder la violence des critiques qui le visent au sein même de l’équipe gouvernementale, l’homme est devenu la cible de sa propre famille politique. Valls concentre sur sa personne un tel jet d’attaques qu’il semble difficile d’en sortir indemne, lui qui se voyait déjà chevaucher les grands destins qui le porteront peut être à Matignon et pourquoi pas un jour de l’Elysée.

Manuel Valls entre morale de gauche et réalisme de droite
L’affaire Leonarda, du nom de cette jeune collégienne kosovare extirpée d’un bus scolaire et expulsée vers son pays d’origine, a fini par tracer les contours d’une grande crise à gauche autour de la gestion de la question immigrée et du vivre ensemble. Prise de spasmes, la majorité gouvernementale a étalé au grand jour ses divisions.
Le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon, n’a pas eu de mots assez durs pour stigmatiser le comportement de son collègue de l’intérieur. Le premier ministre. Jean Marc Ayrault a ouvertement pris ses distances à l’égard d’une telle décision ouvrant la voie à une marche arrière et donc à un possible désaveu.

L’attitude de Manuel Valls est dangereusement clivante. Elle divise le spectre politique en deux familles aux postures diamétralement opposées. La première se trouve dans la gauche du parti socialiste. Elle reproche au ministre de l’intérieur d’avoir des comportements et des réflexes de droite, de courir derrière l’électorat du Front National comme l’avait fait en son temps sans grand succès Nicolas Sarkozy. Elle dénonce un reniement de la gauche de ses principes et de son âme à force de vouloir absolument agir, au nom d’un pseudo réalisme de gouvernement, comme la droite.

La seconde famille, qui englobe une partie de la gauche et l’ensemble de la droite, applaudit des deux mains les décisions du ministre de l’intérieur. Elle lui apporte un précieux soutien. Elle voit dans sa stratégie la fin d’un angélisme qui avait toujours fonctionné comme une malédiction empêchant la gauche d’être à l’aise au pouvoir et de durer.

Les sorties de Manuel Valls et les polémiques qu’elles provoquent n’étonnent qu’à moitié les observateurs de la scène politique française. Lorsque, pratiquant une politique d’ouverture, Nicolas Sarkozy était à la recherche de personnalités de gauche pour intégrer le casting gouvernemental, le nom de Manuel Valls fut cité avec insistance. Comme furent cités aussi les noms de Malik Boutih et de Julien Dray. La pêche sarkozyste ramena dans ses filets Bernard Kouchner et Eric Besson.

Manuel Valls fut longtemps décrit comme le porte emblème de la gauche dure au sein d’une famille politique que les principes de tolérance et les traditions d’accueil, lots de son héritage politique, rendraient inaptes à exercer la ferme autorité qu’implique le pouvoir. Manuel Valls dont la légende fut enrichie par sa sortie douteuse sur les "Blancos" du marché d’Evry, fut souvent présenté comme faisant partie de cette génération de leaders qui allaient réconcilier la gauche avec la sécurité. En voulant donner des signaux dans cette direction, il se trouve aujourd’hui dans un tourbillon dont il ne sortira pas forcément gagnant.

De nombreuses voix se sont élevées pour exiger la démission de Manuel Valls. Des voix qui pèsent lourdement dans les prochaines équations et alliances que le PS doit réaliser pour espérer encore sauver les meubles électoraux. Si Jean Marc Ayrault, qui a toujours vu en Manuel Valls un conçurent potentiel susceptible d’abréger sa présence à Matignon, François Hollande ne s’est toujours pas prononcé sur l’affaire Leonarda. Il avait certes apporté son soutien à son ministre de l’intérieur dans l’affaire de Roms. Mais la crise qui flambe à gauche et jusqu’au sein de son gouvernement n’est pas de nature à lui faciliter la gouvernance, lui qui est déjà critiqué pour ses hésitations et son manque d’autorité.

Nombreux sont ceux qui ont écrit qu’il serait dangereux pour François Hollande de se séparer de son ministre de l’intérieur. Cela constituerait un cadeau divin pour la droite qui n’attendrait que cette preuve pour dénoncer l’incompétence structurelle de la gauche à gérer les questions d’immigration et de sécurité. Mais il est tout aussi dangereux pour François Hollande de garder au sien de l’architecture de gouvernement un antagonisme aussi flagrant sur des questions aussi vitales. Manuel Valls pose un vrai défi à l’autorité et à la cohérence de l’ensemble du projet politique de François Hollande.

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