Manifeste culturel des temps numériques

–Par Mustapha Saha —

Rien de plus intemporel que la culture, cette substance de l’intelligence créative qui donne un sens à l’existence. Ce moteur d’échange et d’épanouissement intellectue fonde l’intérêt commun, cette mémoire incorruptible des savoirs et des connaissances, qui perpétue l’expérience humaine.

C’est la culture, et essentiellement la culture, qui, par ses apports au monde, fait la grandeur des civilisations. Le génie des langues s’irrigue partout de finesses syntaxiques, de nuances lexicales, de subtilités sémantiques, qui fleurissent dans les poésies subversives. Il n’est pas de société qui ait survécu aux puissances de la destruction sans résistance culturelle. Il n’est d’autre salut à l’humanité que l’art et la poésie.

Avec la Révolution numérique, la pluralité culturelle se propage jusqu’aux confins inaccessibles. Les patrimoines se partagent dans la transparence inamissible. La transversalité supplante sans rémission l’horizontalité désuète. Le vieux monde s’écroule avec pertes et fracas. Ses rouages de pouvoir tournent à vide. La culture se démocratise aux marges des officines manipulatrices et des institutions officielles.

Le droit à la culture se réalise enfin par effraction technologique sur supports incontrôlables et dédales irrachetables. Les technologies de pointe sont à la portée de chacun. Les réseaux mondiaux déroulent leur maillage à l’infini. La connexion du savoir-faire et du faire-savoir s’autonomise. Les vieux clivages entre culture d’élite et culture de masse sont frappés d’obsolescence. Les marketings politiques et les politiques commerciales ont beau multiplier les récupérations propagandistes et publicitaires, ils n’attrapent que la queue de la comète.

La création contemporaine n’a plus besoin de reconnaissance académique pour sortir de l’ombre. Le centre se décentre. Les élites se délitent. L’effervescence créative explose aux périphéries, dans les banlieues lointaines et les cités vilaines. Les avant-gardes d’aujourd’hui hantent les friches industrielles et les surfaces vectorielles. Les nouvelles expressions urbaines débordent les conventions limitatives. Les œuvres novatrices germent et se fécondent dans les caves obscures, empruntent des traverses ingérables sans facture, éclatent au grand jour sous bénédiction de Mercure. La pollution politique sur tablettes s’écure. Le proche et le lointain, le notoire et le clandestin se rejoignent en temps réel sur la toile incommensurable.

A l’heure de la mondialisation définitive, où les économies mondiales se tricotent et se détricotent au gré des spéculations boursières, la culture demeure la seule valeur sûre. La culture se renouvelle et se fertilise dans le brassage et l’inéluctable métissage. Le diversalisme en devenir est cosmopolite. La culture incarne désormais la fraternité sans tutelle et sans frontières. Le grand art descend partout dans la rue, sans coupe-file et sans préavis. Les révolutions futures seront culturelles ou ne seront pas.

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