M.Moussaoui: la formation des cadres religieux est l’un des défis majeurs de l’islam de France

Le président de l’Union des mosquées de France (UMF) Mohammed Moussaoui, dont l’association supervise l’accueil en France de plus de 225 imams pour la période du jeûne, souligne le manque de formations théologiques des cadres religieux français. Pour faire face à cette lacune, l’UMF vient d’envoyer une cinquantaine d’étudiants se former à l’Institut Mohammed VI de Rabat. Il a également relevé la nécessité d’une carte Hallal pour assainir ce secteur.

Propos recueillis par Hasna Daoudi

Durant le mois de ramadan, la demande en termes d’imams se fait pressante. Comment l’UMF répond-elle aux attentes des musulmans de France ?

Mohammed Moussaoui: Depuis sa création en 2013, L’UMF bénéficie d’un partenariat soutenu avec le ministère des Habous et des Affaires Islamique du Royaume du Maroc, ainsi que de la Fondation Hassan II et procède, à l’occasion de chaque ramadan, à l’accueil de plus de 225 imams et femmes morchidatesvenus du Maroc et à leur répartition sur l’ensemble du territoire national. Ces imams qui ont une très grande maîtrise du texte coranique et des enseignements de l’islam de modération et de juste milieu, caractéristiques de l’islam marocain, viennent soutenir les imams français fortement sollicités en cette période du mois de Ramadan dans un contexte qui appelle davantage d’efforts pour promouvoir les vraies valeurs de l’islam.
L’UMF qui prend déjà en charge une trentaine d’imams français, en assurant leur indemnisation et leur couverture sociale, a entamé depuis janvier dernier une action concertée avec ses Unions des mosquées régionales (UMR) afin d’améliorer la formation et le statut des imams exerçant d’une façon permanente en France.
Par ailleurs, l’UMF s’est engagée à soutenir des recrutements d’imams dans différentes régions (2 à 4 par région pour l’année 2015) en prenant en charge leur couverture sociale et une partie de leur indemnisation. L’objet étant d’aider les mosquées à disposer d’imams permanents et davantage disponibles.

Vous venez de participer à l’Instance de dialogue avec l’islam, installée par le gouvernement français le 15 juin dernier. Cette instance a-t-elle les moyens de régler la question épineuse de la formation des cadres religieux en France ?

La question de la formation des cadres religieux imams et aumôniers, objet de nombreuses déclarations volontaristes de la part des responsables musulmans comme des pouvoirs publics, a fini progressivement par s’imposer comme l’un des défis majeurs que doivent relever les musulmans de France. Cette formation a fait l’objet de l’un des quatre ateliers de la première rencontre de l’instance du dialogue. A cette occasion le ministre de l’intérieur, monsieur Bernard Cazeneuve, avait déclaré : « La formation théologique des imams ne regarde pas directement l’Etat. Ce n’est pas son rôle, pas plus que celui de former des prêtres, des rabbins ou des pasteurs. Mais l’Etat peut faire en sorte que soient proposées aux ministres du culte des formations appropriées dans des matières profanes : droit du culte et principes de la laïcité, histoire et sociologie des religions en France, gestion des associations cultuelles, dialogue interreligieux, etc… De telles formations sont proposées aujourd’hui dans six universités, à Paris, Lyon, Strasbourg, Montpellier et Aix.
Concernant la formation théologique, en France, divers cursus portés par des instituts musulmans privés, par manque de moyens et de ressources humaines compétentes, ne parviennent pas à répondre à tous les besoins en la matière. Les membres de l’instance du dialogue, côté musulman, ont majoritairement plaidé pour une réflexion sérieuse sur la création d’instituts de formation théologique en France. De par les expériences passées et l’état actuel des instances représentatives du culte musulman, de tels projets sont à envisager sur du long terme.

En tant qu’UMF, vous avez envoyé une cinquantaine d’étudiants-imams parfaire leur formation à l’Institut Mohammed VI à Rabat. Comment se déroule cette collaboration ?

Effectivement, l’UMF, a obtenu le 30 juillet 2014 suite à sa demande, l’accord de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, d’accueillir une cinquantaine d’étudiants français par an pour une formation d’une durée moyenne de trois ans prise en charge totalement par le Maroc. Pour l’année 2015, une première promotion de 22 étudiants, venant de différentes régions de France, est déjà sur place depuis mars 2015. Les 28 autres étudiants dont dix femmes les rejoindront en septembre 2015.
Cet institut, accueille par ailleurs des centaines d’étudiants venant de différents continents et dispense des « formations à la carte » des cadres religieux, tenant compte des besoins et des exigences des contextes des différents pays dont sont originaires les étudiants. Ainsi des modules d’enseignement spécifiques sont assurés par des intervenants venant de différents pays pour leurs étudiants. L’UMF, a ainsi sollicité les pouvoirs publics français pour permettre aux étudiants français de bénéficier d’une formation complémentaire centrée sur la sociologie des religions en France, du droit des cultes et de la Laïcité.
Les candidats ayant suivi avec succès les deux formations rejoindront leur lieu d’affectation en France, préalablement défini, via une convention tripartite entre l’Union des Mosquées de France, le candidat et l’association gestionnaire de la mosquée d’affectation.
Par ailleurs, l’UMF souhaite faire profiter également les futurs imams des filières d’excellence dans le domaine des sciences humaines et sociales de l’islam que le gouvernement français compte développer au sein de certaines universités françaises.

La polémique sur le Halal resurgit avec plus d’insistance. Une Charte sur le Halal pourrait-elle voir le jour pour mettre fin à la suscription qui entoure ce secteur ?

En ma qualité d’ancien président du CFCM, un groupe de travail sur le Halal avec la participation des responsables des trois grandes mosquées (Evry, Lyon et Paris) habilitées à délivrer les cartes de sacrificateurs ainsi que des représentants de fédérations musulmanes et organismes de certification et défense des consommateurs, a été formé. Une charte (d’une trentaine de pages) définissant le halal ainsi que le processus de certification et son mode d’organisation a été rédigée dans le but de la rendre opposable à tous les professionnels de la viande et permettre ainsi une meilleur régulation du marché halal. Malheureusement, pour des raisons qu’il ne m’appartient pas d’exposer ici, cette charte n’a pas pu se concrétiser.
Lors la première rencontre de l’instance du dialogue du 15 juin dernier, j’ai été désigné co-rapporteur (avec monsieur Thomas Andrieu, Directeur des libertés publiques – Bureau central des cultes) du groupe de travail sur les pratiques cultuelles dont fait partie l’abattage rituel et donc le Halal. Dans notre rapport, nous préconisons la création d’un groupe de travail sur l’abattage rituel avec le document « charte halal du CFCM de 2010 » comme base de travail.

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