Loi travail en France : bras de fer entre Manuel Valls et les syndicats

La CGT demande au gouvernement le « retrait » pur et simple du projet. La CFDT, elle, ne veut rien lâcher sur les indemnités prud’homales.

La concertation de Manuel Valls sur la très contestée loi El Khomri a pris lundi l’allure d’un bras de fer, FO et CGT insistant de nouveau sur l’abandon du texte et la CFDT, attendue dans l’après-midi, réclamant le retrait du plafonnement des indemnités prud’homales. Le Premier ministre a reçu lundi matin Philippe Louis (CFTC), puis Jean-Claude Mailly (FO) et Philippe Martinez (CGT) avec les ministres Myriam El Khomri (Travail) et Emmanuel Macron (Économie). « Nous avons eu des débats francs, directs, constructifs avec, je pense, une unanimité sur le fait qu’il faut que notre pays puisse se réformer, puisse réformer le droit du travail », a commenté la ministre du Travail. « Il n’y a pas, bien sûr, d’unanimité sur les réponses à y apporter », a-t-elle ajouté.

Les syndicats agitent deux chiffons rouges dans la loi controversée : l’extension du licenciement économique et la création d’un plafond pour les indemnités prud’homales. Manuel Valls a promis dimanche des « améliorations » sur ces deux points. Toutefois, le retrait que réclament tous les syndicats ne semble pas à l’ordre du jour, a assuré Philippe Louis après sa rencontre avec Manuel Valls.

Or, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, insiste : « Pour la CFDT, retirer le barème est une condition sine qua non », a-t-il dit à son arrivée à Matignon. Le numéro un de ce syndicat, interlocuteur privilégié du gouvernement, est arrivé avec un dossier proposant « des modifications substantielles » (critères de licenciement économique revus, compte personnel d’activité étoffé, apprentissage).

« Je ne négocie pas un plat de lentilles, on veut le repas complet »

Le président de la CFTC a noté d’autres « ouvertures ». Le projet initial de la loi El Khomri accorde la primauté à l’accord d’entreprise, sur la branche, pour le temps du travail, ce que les syndicats rejettent. Sur ce point, « j’ai senti qu’on pouvait réguler au niveau de la branche certaines négociations qui n’auraient pas abouti au niveau de l’entreprise », a dit Philippe Louis.

FO et la CGT, reçues ensuite, n’ont pas changé de ligne. Philippe Martinez, numéro un de la CGT, a déclaré à son arrivée qu’il réclamerait « le retrait » du projet. Même attitude chez FO : « Je ne négocie pas un plat de lentilles, on veut le repas complet », a taclé Jean-Claude Mailly, secrétaire général du syndicat, menaçant d’actions autres que celles déjà programmées les 9 et 31 mars.

Du côté du patronat, la CGPME est attendue à 16 h 30. Ces concertations se poursuivront mardi avec la CFE-CGC (cadres) et le Medef, et mercredi avec l’UPA et l’Unsa, avant une réunion plénière le 14 mars. Mais la marge de manoeuvre est étroite pour le gouvernement, désireux de ne pas braquer le patronat, qui a déjà mis en garde contre un « affadissement » de la réforme. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, interlocuteur privilégié du gouvernement, a prévenu lundi matin que son syndicat « ne lâcherait pas » sur sa demande de retrait du barème des indemnités prud’homales.

Le Premier ministre s’est dit déterminé à faire voter le texte au Parlement « avec les amendements nécessaires ». Les concertations avec les partenaires sociaux sont l’occasion pour le chef du gouvernement de « rappeler la philosophie de cette réforme qui rend notre système plus efficace, plus juste », a dit Emmanuel Macron. Il doit aussi répondre à la « précarité » des salariés, alors que « neuf contrats sur dix sont des CDD ou de l’intérim », a-t-il ajouté.

« M. de Villepin, il ne pensait pas plier non plus à l’époque »

Ce projet de loi, dont la présentation en conseil des ministres a été repoussée du 9 au 24 mars pour laisser au gouvernement le temps de le « retravailler », est censé répondre au chômage de masse. Il est jugé trop favorable aux entreprises par les syndicats et une partie de la gauche. Face à la nouvelle journée de grèves et manifestations prévue mercredi, 58 % des Français voient déjà le mouvement prendre autant d’ampleur que la fronde anti-CPE (contrat première embauche) il y a dix ans, selon un sondage. La forte mobilisation, notamment des lycéens et étudiants, avait alors conduit le gouvernement Villepin à reculer. « M. de Villepin, il ne pensait pas plier non plus à l’époque », a ironisé Jean-Claude Mailly. Dimanche, l’ancien ministre du Travail Xavier Bertrand (Les Républicains) s’est lui aussi demandé si cette « affaire » n’allait pas « finir en CPE ».

La contestation atteint les rangs du Parti socialiste, et le Premier ministre devra convaincre les députés de son propre parti, réunis mardi soir pour un séminaire consacré au projet de loi. Avant cela, Myriam El Khomri aura lundi soir la lourde tâche d’aller défendre son texte devant le bureau national du PS.

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