Limogeage du général Toufik: le clan Bouteflika franchit le Rubicon

Le président Abdelaziz Bouteflika a achevé, dimanche, le processus de démantèlement du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), en limogeant le général Mohamed Lamine Mediène, dit Toufik, qui a passé un quart de siècle à la tête des services secrets algériens.

Cette décision majeure signe la fin de ce processus déclenché presque à la même période de l’année 2013, durant laquelle le clan Bouteflika avait passé à la vitesse supérieure dans la mise en œuvre de son plan de contrôle total de l’ensemble des rouages de l’Etat, à travers la nomination des hommes de confiance aux postes-clefs et au remerciement de toute personne à même de contester sa légitimité.

Avec la "mise à la retraite" prévisible du plus haut gradé en Algérie, considéré par les observateurs comme le dernier obstacle au pouvoir absolu du camp présidentiel, le chef de l’Etat raffermit son emprise sur l’institution militaire, une ambition qu’il n’a jamais cachée depuis son arrivée au pouvoir en 1999, comme l’ont affirmé plusieurs de ses anciens collaborateurs dans des livres ou des sorties médiatiques.

Après une longue période d’une difficile cohabitation entre les deux hommes forts de l’Algérie, les différends, longtemps confinés au domaine secret, sortiront au grand public suite à l’hospitalisation d’Abdelaziz Bouteflika, en avril 2013 en France.

A cette époque, on a attribué au général Toufik la volonté de conduire un coup d’Etat blanc, en orchestrant une campagne des plus féroces pour l’application de l’article 88 de la Constitution relatif à la vacance du pouvoir et, par conséquent, la destitution du président pour son incapacité de gérer le pays.

Des soupçons qui n’ont jamais été pardonnés par le clan Bouteflika, qui va lancer une contre-attaque à partir de septembre 2013. A coups de décrets, le président Bouteflika décide la dissolution de certaines directions du DRS ou le rattachement d’autres à l’Etat-major de l’Armée nationale populaire (ANP), dont le commandant, le général Ahmed Gaid Salah, a été promu vice-ministre à la Défense, dans le remaniement du 11 septembre.

Le renforcement de la position du général Gaid Salah était alors perçu comme le déclenchement de l’opération d’affaiblissement définitif du général Toufik, qui aurait commis, encore une fois, l’irréparable en s’opposant, selon les confidences rapportées par la presse, à la candidature de Bouteflika à un quatrième mandat aux présidentielles du 17 avril 2014.

A quelques semaines de ce scrutin, le chef du Front de libération nationale (FLN), Ammar Saadani, va lancer une campagne de dénigrement sans précédent contre le DRS et son patron, en les accusant de vouloir s’ingérer dans la vie politique et d’avoir failli dans la protection du pays, notamment l’échec à prévenir l’attaque contre le site gazier d’In Amenas (sud) en janvier 2013.

De plus en plus isolé et dépouillé de ses hommes de confiance, le général Toufik sera acculé à plier l’échine pour laisser passer l’orage, dans l’attente de jours meilleurs. Une stratégie qui lui a permis de perdurer à la tête d’un service qui a longtemps fait la pluie et le beau temps en Algérie, ce qui lui a valu des critiques des plus acerbes des militants et des ONGs qui le rendaient responsable de la corruption rongeant tous les secteurs et tous les aspects de la vie dans le pays.

Héritant d’un quatrième mandat de cinq ans, Abdelaziz Bouteflika va commencer par nommer le général Athmane Tartag, alias Bachir, au poste de conseiller à la présidence. La dernière phase du démantèlement du DRS était bel et bien enclenchée, d’autant cet ancien spécialiste de la lutte antiterroriste aurait quitté le DRS en mauvais termes avec le général Toufik, qui aurait aussi demandé son départ.

Désormais, le clan présidentiel peut négocier dans la sérénité l’après-Bouteflika, avec la présence du général Bachir à la tête du DRS et du général Gaid Salah aux commandes de l’armée.

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