Libye: pour l’envoyé de l’ONU, la clé est dans les institutions

Cinq mois après avoir pris ses fonctions d’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, le Libanais Ghassan Salamé, 66 ans, juge dans un entretien vendredi à l’AFP que l’avenir de ce pays passe par ses institutions.

"Le mot-clé de mon approche, c’est des institutions. En un an ou deux, si vous arrivez à un peu réunifier, raviver et libérer les institutions, vous mettez le pays sur un autre parcours", affirme-t-il.

La Libye (6 millions d’habitants) a sombré dans le chaos après la chute en 2011 de Mouammar Kadhafi. Des autorités rivales, à Tripoli et à Tobrouk, et de nombreuses milices s’y disputent le pouvoir.

"Pour suturer toutes les blessures du pays, il serait bête de penser qu’on peut le faire en un, deux ou trois ans, il faut sans doute une génération", ajoute Ghassan Salamé.

"Mais le défi n’est pas de tout réaliser maintenant, c’est d’ouvrir l’avenue que le pays doit prendre" afin qu’il puisse "vraiment intégrer les principes institutionnels dans sa culture politique".

"La question institutionnelle me paraît capitale. Sinon c’est une simple compétition entre des individus. Qui vous disent qu’ils représentent des tribus énormes jusqu’à ce que vous découvrez qu’ils représentent très peu de choses".

Dans son plan d’action, le représentant de l’ONU espère débuter en décembre un recensement des électeurs. En février, l’objectif est d’organiser une conférence nationale réunissant tous les acteurs libyens autour d’un projet commun d’élections, a-t-il dit jeudi au Conseil de sécurité, sans donner d’échéances ni préciser les scrutins.

"Législatives, et présidentielle et peut-être même municipales", indique-t-il à l’AFP. En même temps ? "Je n’ai pas encore décidé. Le pays n’est pas prêt pour aucune élection. Pour qu’on puisse faire des élections, il y a des conditions techniques, politiques et sécuritaires. Ni les unes ni les autres ne sont aujourd’hui disponibles".

Un référendum sur une nouvelle Constitution est aussi en préparation et l’idée est de "tout faire en même temps", précise l’ex-ministre libanais.

"La chose qui me panique, c’est d’organiser demain des élections pour produire un troisième Parlement et la même chose avec les gouvernements", indique-t-il. "Il faut dans le cas libyen et personne ne se rend compte de la gravité de cela, faire admettre que les élections servent à remplacer Monsieur X par Monsieur Y. et ne pas additionner Monsieur Y à Monsieur X".

Lors des derniers scrutins en 2014, "il n’y a pas eu alternance, il y a eu accumulation". "Le Parlement qui a été élu n’a pas remplacé le Parlement qui le précédait mais s’est ajouté". En Libye, il y a "encore deux gouvernements qui traînent de périodes antérieures" à l’accord politique de Skhirat (2015). Plus celui issu de cet accord, "moi je ne veux pas un quatrième gouvernement".

Pour tenir des élections, souligne le responsable de l’ONU, "la principale condition politique c’est d’obtenir des principaux acteurs sur la scène un engagement à considérer que tout ce qui est élu désormais vient remplacer ce qui existe, ne vient pas s’ajouter à ce qui existe".

La Libye "est un pays qui n’a pas intégré le terme même d’institutions dans sa culture politique. Du temps de Kadhafi, il n’y en avait pas beaucoup, il n’en voulait pas. Son pouvoir était basé sur la destruction systématique des institutions. Et après, les années de chaos qui ont suivi n’ont pas aidé à établir l’idée".

Le rôle de l’ONU n’est pas "de s’installer sur le long terme dans ce genre de pays". Il faut donc "réunifier des institutions divisées", "libérer" celles qui sont "captives", "accaparées par un homme ou un groupe d’hommes" et qui "ne fonctionnent pas pour l’intérêt général", et "réveiller" celles qui "sont dormantes", que personne n’utilise.

Interrogé sur la situation humanitaire et des migrants, parfois vendus comme esclaves, Ghassan Salamé répond que le "gouvernement libyen ne dispose pas d’une armée ou d’une police à sa disposition". "Il ne s’agit pas toujours d’une mauvaise volonté, parfois il s’agit d’une incapacité", insiste-t-il, en évoquant "un gouvernement qui n’a pas les instruments pour gouverner". (afp)

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