Libye: l’UE fait pression pour le plan de paix après deux attentats de l’EI

Les Européens ont exhorté vendredi les responsables libyens de tous bords à accélérer la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, au lendemain de deux attentats meurtriers revendiqués par le groupe Etat islamique (EI).

"L’Europe (…) est ici pour montrer qu’elle est unie pour soutenir les efforts" engagés pour trouver une solution politique, a déclaré la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini à Gammarth, près de Tunis.

Elle s’exprimait après avoir rencontré le Premier ministre désigné Fayez el-Sarraj et avant des entretiens avec d’autres hauts responsables libyens présents dans la capitale tunisienne.

Les Occidentaux s’inquiètent de plus en plus de la persistance du vide politique en Libye, un pays divisé entre deux pouvoirs rivaux et une multitude de factions et de milices.

Malgré le danger que représente l’EI, "les différents groupes politiques restent focalisés sur la lutte pour le pouvoir", relève l’expert Mohamed Eljarh, du Centre Rafic Hariri pour le Moyen-Orient basé à Washington.

Un accord prévoyant un gouvernement d’union a bien été signé sous l’égide de l’ONU le 17 décembre par des membres des deux Parlements. Il doit être entériné avant le 17 janvier, mais les obstacles demeurent nombreux, en particulier pour convaincre ceux qui s’y opposent dans chaque camp.

Son urgence apparaît d’autant plus grande au lendemain de l’attentat le plus meurtrier depuis la révolte qui a mis fin au régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

Plus de 50 personnes ont été tuées dans un attentat suicide au camion piégé dans le centre de formation de la police à Zliten (170 km à l’est de Tripoli).

Cette attaque a été revendiquée vendredi par l’EI qui a aussi endossé la responsabilité d’un autre attentat suicide qui a tué jeudi six personnes à l’entrée de la ville pétrolière de Ras Lanouf (est).

L’ONU, les Etats-Unis et l’UE ont insisté sur la nécessité pour les Libyens de "s’unir de manière urgente pour combattre le terrorisme", selon les termes de l’émissaire spécial de l’ONU pour la Libye, Martin Kobler.

"Avec l’accord politique (…), le gouvernement d’unité que nous mettrons en place prochainement, il y a enfin une possibilité de renforcer l’unité entre Libyens et essayer de combattre le terrorisme avec les forces libyennes", a renchéri vendredi Mme Mogherini.

– Fortes divisions –

Les Occidentaux redoutent que l’EI, qui contrôle une bande territoriale autour de Syrte (450 km à l’est de Tripoli), ne renforce son influence et ses ressources financières en prenant le contrôle des hydrocarbures, qu’il déstabilise l’Afrique, et qu’il exporte depuis la Libye des jihadistes vers l’Europe.

L’EI a lancé en début de semaine des attaques visant le "croissant pétrolier", à Ras Lanouf, qui héberge la plus grande raffinerie du pays, et à al-Sedra. Les attaques ont été repoussées par les gardes des installations mais plusieurs réservoirs de brut ont pris feu, selon la Compagnie nationale du pétrole (NOC).

"La situation en Libye devient très préoccupante puisqu’on voit les tragiques scénarios irakien et syrien se reproduire avec l’EI profitant énormément du chaos, de l’effondrement des autorités centrales et des guerres par procuration", souligne Karim Bitar, directeur de recherches à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

"Un gouvernement d’union nationale devient urgent mais la situation a atteint un tel état de dégradation et les méfiances réciproques sont tellement nombreuses que rien ne garantit le succès du plan de transition, malgré les pressions internationales", prévient-il.

La médiation de M. Kobler se heurte aux fortes divisions au sein même des deux pouvoirs rivaux, celui exilé dans l’Est, reconnu par la communauté internationale, et l’autre implanté à Tripoli.

Ainsi, les attaques de l’EI dans le "croissant pétrolier" ont "exacerbé l’animosité et la méfiance" entre les deux hommes fort de l’Est: le chef des gardes des installations pétrolières, Ibrahim Jodhran, et le commandant des forces loyales au pouvoir de l’Est, le général Khalifa Haftar, souligne M. Eljarh.

M. Jadhran a décrit "Haftar et l’EI comme étant +les deux faces d’une même monnaie+", pour critiquer l’inaction du premier face à l’offensive des jihadistes.

La mise en place d’un gouvernement d’union est jugé indispensable pour fournir un cadre juridique à une éventuelle intervention militaire internationale contre les jihadistes. Plusieurs pays européens, dont l’Italie ont indiqué être prêts à participer à une campagne qui pourrait prendre la forme de bombardements aériens, comme cela est déjà le cas en Irak et en Syrie.

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