Les islamistes libyens, bêtes noires du président Al-Sissi

Le Caire aide discrètement le général Haftar dans sa lutte contre les jihadistes et les brigades de Misrata, soutenues, elles, par le Qatar.

Si l’Egypte espérait peser sur la guerre que se livrent les milices en Libye en aidant à les bombarder, c’est raté. Trois semaines après les frappes aériennes de chasseurs des Emirats arabes unis, qui avaient bénéficié de la mise à disposition de bases égyptiennes, l’aéroport de Tripoli est désormais contrôlé par les miliciens islamistes qui étaient visés. Originaires de la capitale et du port de Misrata, un ancien fief révolutionnaire, ils affrontaient depuis juillet des brigades de Zintan, jugées plus libérales. Alors qu’un certain calme est revenu à Tripoli, les combats se poursuivent toujours à Benghazi et à l’ouest de la capitale.

Le chaos libyen, tant militaire et politique qu’humanitaire, n’en finit plus d’inquiéter Le Caire. Qui craint avant tout les infiltrations de jihadistes, notamment ceux d’Ansar al-Charia, actifs dans l’est et le sud de la Libye. «Le désert libyen est devenu un incubateur de jihadistes. Depuis la prise récente de villes symboliques comme Benghazi, il s’est imposé comme une zone de transit évidente», explique Khaled Hanafi, analyste politique au centre Al-Arham du Caire.

Trafiquants. Le passage d’un pays à l’autre est d’autant plus aisé que l’armée égyptienne ne contrôle que très partiellement les mille kilomètres de frontière avec la Libye. Lors du soulèvement de 2011 contre Kadhafi, l’ONU avait identifié les circuits des trafiquants qui faisaient transiter les armes de l’arsenal libyen depuis Benghazi et Tobrouk jusqu’à la ville côtière de Marsa Matruh, dans le nord de l’Egypte. Elles étaient ensuite disséminées à travers le pays, certaines étant même acheminées jusqu’à la bande de Gaza.

Le pire des scénarios pour l’Egypte est désormais qu’armes et combattants affluent dans le Sinaï, où les attaques jihadistes se multiplient depuis la destitution par l’armée de Mohamed Morsi, lié aux Frères musulmans, en juillet 2013. Le 2 septembre, 11 policiers ont été tués lors d’un attentat revendiqué par Ansar Beït al-Maqdess, le principal groupe armé de la péninsule.

Les interventions égyptiennes en Libye visent également à attaquer indirectement le Qatar, soutien des Frères musulmans à travers le monde. Depuis son accession au pouvoir, le président Abdel Fatah al-Sissi les cible sans relâche. Près de 200 d’entre eux, dont leur ancien chef en Egypte, Mohamed Badie, ont vu leur condamnation à mort confirmée, et des milliers d’autres sont en prison.

Ennemis. En Libye, pour contrer le Qatar qui soutient les brigades de Misrata et leurs alliés islamistes, l’Egypte mise sur l’un de ses ennemis, le général à la retraite Khalifa Haftar. Ancien opposant à Kadhafi, longtemps exilé aux Etats-Unis, il a lancé en mai l’opération «Dignité» pour chasser les jihadistes de l’est du pays et de Tripoli. S’il a reçu le soutien d’unités de l’armée de l’air et de brigades de Zintan, il n’a pas pour autant obtenu de résultat tangible en plus de six mois. Au contraire, les combattants de Zintan ont dû se retirer de la capitale.

Si elle soutient toujours le général Haftar, l’Egypte ne devrait plus participer, même indirectement, à des bombardements sur le territoire libyen. Le Caire, qui continue de nier toute implication, avait visiblement sous-estimé la réaction de Washington, allié stratégique. Visiblement agacés, les Etats-Unis ont condamné les frappes de la mi-août comme étant «des interférences extérieures […] qui exacerbent les divisions en Libye».

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