Les hôtels de luxe prennent d’assaut Marrakech (le Monde)

Avec ses 25 mètres carrés, son salon, ses deux chambres, ses deux salles de bains et sa terrasse de 60 mètres carrés, la suite royale du Naoura Barrière est, disons, plutôt spacieuse. Si l’on rajoute le « butler » (on ne dit plus « maître d’hôtel » en 2010) à disposition 24 heures sur 24 et un intérieur personnalisé, les riches clients qui y descendent sont particulièrement choyés.

« Une cliente souhaite qu’il y ait toujours cent ros es, raconte David Sierra, le directeur adjoint de cet hôtel 5 étoiles composé de 85 chambres, dont 6 suites et 26 riads au coeur de la médina, la partie la plus ancienne de Marrakech. Grâce à notre système Cardex, nous savons qu’il faut mettre les chaussons de monsieur à droite du lit et pas à gauche ou que madame préfère l’eau gazeuse quand monsieur ne boit que de l’eau plate. » Cardex, c’est le fichier qui consigne toutes les petites manies des clients du Groupe Lucien Barrière. Des habitués fortunés, français, américains ou russes, qui descendent au Normandie pour un week-end à Deauville, séjournent au Majestic pendant le Festival de Cannes, déjeunent au Fouquet’s à Paris quand il s’agit de passer des gros contrats, et peuvent désormais aller au Naoura pour « se détendre en famille », comme le note M. Sierra.

Le Naoura, qui a ouvert ses portes il y a un peu plus d’un an, est le premier hôtel du groupe implanté à l’étranger. Et ce n’est pas un hasard s’il a choisi Marrakech. Les hôtels de luxe poussent en effet comme des champignons dans la ville marocaine. En juillet, c’est le groupe asiatique Mandarin Oriental qui inaugurera son premier établissement : un hôtel de 140 chambres, 45 villas et 4 riads au pied de l’Atlas, au coeur de la Palmeraie.

L’enseigne américaine Four Seasons ne devrait pas tarder non plus à ouvrir son premier complexe dans la Ville ocre : un hôtel de 140 chambres, 20 riads et autant de villas répartis sur un peu plus de 15 hectares. D’ici à la fin de l’année, le Royal Mansour, un palace composé de 53 riads et trois restaurants, doit aussi ouvrir ses portes. Les groupes Park Hyatt, Beachcomber et Banyan Tree ont également prévu de s’implanter dans la ville. Quant au groupe koweïtien Taameer, il a annoncé, au mois de mars, son intention d’ouvrir dans les cinq ans, entre huit et douze hôtels de luxe au Maroc, sous l’enseigne Ramada, dont un, bien sûr, à Marrakech.

Outre le Naoura Barrière, l’année 2009 aura été marquée par les inaugurations du Palais Namaskar, des Jardins d’Inès et, surtout, par la réouverture, en septembre, de la mythique Mamounia. Conçu en 1922, le plus célèbre palace marrakchi avait été fermé pendant trois ans pour faire peau neuve. Toujours aussi prisée des « people », La Mamounia, où aimait séjourner Winston Churchill, a été élue « meilleur hôtel », en mars 2010, par le magazine américain Travel & Leisure.

Mais tous ces hôtels de luxe vont-ils pouvoir faire le plein ? « Ces nouveaux hôtels ne vont pas induire de surcapacité car ce sont tous des grandes marques qui fonctionnent avec leurs réseaux, estime Salima Haddour, la directrice de l’office national marocain du tourisme. Chaque marque va drainer son réseau de clients fidèles : Four Seasons les Anglo-Saxons, Mandarin Oriental les populations asiatiques et extrême-orientales. Autant de populations que nous n’accueillons pas aujourd’hui. »

Les Français constituent le gros du bataillon des 1,6 million de touristes étrangers qui visitent chaque année Marrakech. Mais, depuis quelques années, le nombre global de nuitées régresse : entre 2007 et 2009, elles sont passées de 5 950 317 à 5 533 834, selon les statistiques du ministère marocain du tourisme. Quant au taux d’occupation des hôtels, il est en recul constant depuis dix ans : seulement 47 % en 2009, contre 69 % en 2000.

« Dans trois ans, nous verrons qui tire son épingle du jeu, commente David Sierra. Aujourd’hui, c’est difficile de faire venir des Russes, par exemple, parce qu’il n’y a pas de vol direct depuis Moscou. » Car si Marrakech est bien desservie par les vols low cost et les charters, elle devra convaincre les grandes compagnies d’ouvrir des lignes régulières directes pour remplir ses nouveaux hôtels haut de gamme avec une clientèle plus habituée à voyager en classe affaires.

Stéphane Mandard

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