Les « Arabes de France » et la présidentielle

Jamais encore un scrutin électoral en France n’aura été autant suivi, autant scruté, autant craint. La présidentielle 2017 avec ses inconnues, ses surprises, ses révélations est de celle là. Deux raisons l’expliquent. Parce que le résultat est incertain. Et parce que l’Elysée est pour la première fois à portée de la main de l’extrême droite.

Par Tossa Mustapha

Les optimistes forcenés ont beau répété à longueur d’articles et de salives que jamais Marine Le Pen ne pourra casser ce plafond de verre qui anesthésie ses ambitions présidentielles, le danger est. Le Brexit britannique, Donald Trump et le référendum italien, autant d’indicateurs qui ont cassé des digues et rendu envisageables les fantasmes impossibles d’hier. Les élucubrations identitaires des autres ont fini par plomber le débat et préparer les esprits au pire.

Cette réalité nouvelle française donne des frissons et secoue les certitudes établies. Les différentes composantes de la société sont ouvertement interpellées pas cette possible évolution. "Les arabes de France" ou "les Français d’origine étrangère" sont en première ligne et subissent de plein fouet les conséquences d’une telle accélération de l’histoire qui verrait les forces les plus hostiles, les plus avides de ruptures, accéder au sommet de l’Etat. D’où cet intérêt inédit pour cette présidentielle qui a de fortes chances de faire flamber son taux de participation.

De nombreuses études ont démontré par le passé l’inexistence de ce qu’on appelle traditionnellement "le vote arabe" ou "musulman". Non pas que ces Français d’origine ne s’intéressent pas à la politique, une partie de leurs élites avait envahi avec plus au moins de succès l’ensemble du spectre politique français. On les trouve actifs et souvent au sommet de la responsabilité, aussi bien à gauche qu’à droite. La vraie raison de cette absence est que ces élites n’on jamais réussi à mobiliser ce riche potentiel de voix qui, une fois lancé vers les urnes, peut changer les équations électorales et peser sur les destins. Le grand taux d’abstention est assez fort d’où une incapacité à mobiliser un réservoir de voix aussi précieux que déterminant.

Aujourd’hui, alors que le spectre de l’extrême droite se rapproche de l’Elysée, il est à parier que la prise de conscience de ce danger modifiera les comportements. L’opération est d’autant plus délicate que son icône, Marine Le Pen, s’est livrée à un grand transformisme visuel et sonore susceptible de tromper les électeurs sur le vrai visage de l’extrême droite. L’opinion française se trouve en douceur loin de la réalité inquiétante du Front National qui avait fait la fortune médiatique du paternel fondateur Jean-Marie Le Pen. Aujourd’hui son héritière, Marine Le Pen, tente d’intégrer une normalité apparente, trompeuse et illusoire.

Sur le plan politique, Marine Le Pen profite des scandales de corruption politique qui émaillent la vie de la droite traditionnelle et dont la mésaventure de François Fillon vient couronner le long cycle. Elle profite aussi des divisions fratricides qui entaillent la gauche et qui ont vu pour leapremière fois un président de la république, François Hollande, en exercice renoncer à un second mandat et vu trois personnalités de gauche, Benoit Hamon, Emmanuel Macron et Jean Luc Mélenchon, partir divisés à l’assaut de l’Elysée au risque de ne pas accéder au second tour.

Dans son programme politique, Marine Le Pen excitera les communautarismes pour mieux mettre en musique sa philosophie sur la fameuse préférence nationale. Une politique d’exclusion volontairement assumée. Cette démarche est de nature à réveiller les consciences et mobiliser les volontés. Pour cette rupture politique française, certains comptent sur la renaissance de ce qui est connu comme le "Front Républicain", un sorte de barrage sanitaire censé empêcher l’extrême droite d’accéder aux responsabilités nationales, d’autres misent justement sur ce réveil électoral des communautés dont le destin et le vécu sont gravement mis en danger, pour ériger des ceintures de sécurité et faire en sorte de maintenir l’extrême droite dans une situation minoritaire qui éloignerait l’hypothèse de son arrivée au pouvoir.

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