Le pouvoir algérien est-il arrivé au stade de la déliquescence ?

« Aujourd’hui, l’Etat algérien répond à tous les critères scientifiques de défaillance. Il est bien installé dans la dérive vers la déliquescence », prédisait, il y a quelques mois, Ahmed Benbitour, un ancien Premier ministre algérien respecté par tous dans son pays.

Aujourd’hui, l’éviction brutale de toutes les fonctions officielles d’Abdelaziz Belkhadem, pourtant un homme du sérail, confirme la prophétie de celui qui avait tout bonnement présenté sa démission, en l’an 2000, au président Abdelaziz Bouteflika, parce qu’il ne croyait pas en le dessein réservé au peuple algérien, qui ne profite que partiellement des énormes ressources générées par ses terres.

Le limogeage de l’ancien chef de diplomatie est révélateur d’une lutte larvée au sommet de l’Etat, dont l’émanation est la crise au sein du parti présidentiel, le Front de libération nationale. Mais, tout porte à penser que celle-ci n’est que la partie visible de l’iceberg, puisque le malaise est plus profond qu’une anecdotique affaire partisane.

De l’avis des observateurs les plus aguerris, il s’agit d’une crise multidimensionnelle qui menace les fondements de la nation.

En plus de l’impasse institutionnelle, l’économie algérienne fait face à des perspectives sombres, qui ne peuvent être éludées par de simples effets d’annonce destinés à dissimuler la réalité que le pays est entré en période de vaches maigres à cause d’une folie dépensière, d’une gestion chaotique du secteur des hydrocarbures, dont les recettes faramineuses avaient permis, un certain temps, des largesses financières rongées par une politique subventionnelles à tout-va.

La finalité était de s’assurer une paix sociale, devenue plus qu’hypothétique et dont l’effet ne peut durer éternellement, avec une prise de conscience du gâchis commis au cours des dernières années, où l’espoir d’un renouveau économique a été tué par la destruction des secteurs productifs et l’émergence d’une caste de profiteurs inféodés au régime.

La situation politique et sociale en Algérie est aussi confuse qu’explosive, au point de pousser un démocrate comme Mouloud Hamrouche, chef de gouvernement instigateur de l’ouverture de la fin des années 1980, à demander l’intervention de l’armée pour sauver le pays de l’abîme. Un appel qu’on ne lance normalement que dans les moments de grande détresse.

D’ailleurs, Mouloud Hamrouche n’est plus le seul à évoquer un tel scénario. Beaucoup de personnalités ne se voilent plus la face pour demander l’intervention de l’institution militaire afin de mettre le pays à l’abri d’une implosion catastrophique du régime.

La désespérance de la classe politique et le nihilisme d’une grande partie de la population, qui a cessé de croire en tout, ne font que conforter l’idée que l’étau se resserre autour du pouvoir, dont les calmants faits à base de subventions ne produisent plus le même effet face à l’immensité des déficits dans tous les domaines.

Nombreuses sont les personnalités nationales qui sont de plus en plus convaincues que le changement du régime est devenue "un impératif de survie" de l’Etat algérien, car son seul souci est de "se pérenniser au pouvoir", comme l’a dit un autre ancien chef de gouvernement Ahmed Ghozali.

"Le pouvoir a cessé d’être présent, fonctionnel et performant. Sa gouvernance n’est plus désormais qu’une série d’approximations et d’improvisations pour dissiper les pressions et parer à l’urgence", dirait Ali Benflis, qui a bien connu les arcanes du régime en tant que chef de cabinet à la présidence et de Premier ministre.

En homme averti, M. Benflis s’interroge: "Qui est véritablement aux commandes de l’Etat ? Où est-il ? Que fait-il ?". En réponse à l’absence de toute clarté dans la gestion des affaires de l’Etat, il appelle à changer le régime qu’il qualifie "d’hégémonique, dominateur et exclusif".

La stratégie de la fuite en avant et d’exportation des problèmes internes chez les voisins pourra-t-il encore sauver le régime algérien ? Au regard de l’unanimité sur la gravité de la situation, le pouvoir d’Alger ne dispose plus que d’une infirme marge de diversion.

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