Le défi social-libéral de Manuel Valls bouleverse le paysage politique

Le Parti socialiste au pouvoir en France règle ses comptes ce week-end après le virage social-libéral affiché par le Premier ministre, Manuel Valls, qui bouleverse aussi la stratégie d’une opposition de droite plus divisée que jamais.

Rarement au cours des dernières décennies la France aura connu une telle conjonction de facteurs propres à susciter une crise politique majeure: impopularité abyssale de l’exécutif, majorité parlementaire effritée, impréparation de l’opposition à assurer une éventuelle alternance et montée de l’extrême droite, sur fond de marasme économique persistant.

La traditionnelle université d’été du PS, qui se terminera dimanche par un discours de Manuel Valls, s’est ouverte vendredi à La Rochelle (ouest) dans une ambiance électrique, sous la pression de son aile gauche.

Celle-ci, parmi laquelle un groupe de députés "frondeurs", a vécu comme une "provocation" l’arrivée mardi de l’ex-banquier Emmanuel Macron à la tête du ministère de l’Economie.

Ce n’est pas la standing-ovation reçue par Manuel Valls par le patronat mercredi qui a pu calmer les esprits: dans un discours aux tonalités libérales inhabituelles chez un dirigeant socialiste français, le Premier ministre a proclamé son "amour" pour l’entreprise.

Il a jugé "absurde" de qualifier de "cadeaux aux patrons" les allègements de charges accordés aux entreprises, dont l’exécutif espère une relance de l’activité alors que la croissance est au point mort et que le chômage continue d’augmenter.

Un "copié-collé" des discours de l’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, s’est étranglé le député socialiste Laurent Baumel, y voyant une rupture "idéologique" avec "tout ce que à quoi nous avons cru à gauche depuis des décennies".

Réduit à la portion congrue, sans les écologistes et sans les contestataires de cette ligne économique, vilipendé par ses ex-alliés d’extrême gauche, le gouvernement est "esseulé", a reconnu vendredi le chef du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Mais il a averti ses troupes: "Je me porte garant des débats, mais je ne saurais accepter qu’ils aient pour but de renverser le gouvernement".

‘Prise de risque calculée’

L’hypothèse que les députés "frondeurs" (une quarantaine) refusent de voter la confiance à Manuel Valls en septembre ou octobre semble de fait improbable.

Si le gouvernement est mis en minorité, une dissolution de l’Assemblée est "inévitable", relève le politologue Philippe Braud. Et des élections à un moment où l’impopularité de l’exécutif est au plus bas et où le Front national de Marine Le Pen (extrême droite) engrange une bonne part du mécontentement des classes populaires "seraient une déroute cataclysmique pour les socialistes".

"La prise de risque de Manuel Valls est finalement assez calculée", estime M. Braud. "Il a brûlé ses vaisseaux, mais si à terme ses réformes portent leurs fruits, il aura fait faire à la gauche une révolution culturelle".

Du temps: c’est aussi ce que souhaite l’Union pour un mouvement populaire (UMP), le principal parti de droite encore empêtré par l’héritage encombrant laissé par l’ancien président Nicolas Sarkozy, et maintenant pris de court par le virage libéral de l’exécutif qui lui retire une bonne partie de ses arguments.

Plusieurs poids lourds du parti, dont l’ancien Premier ministre François Fillon et l’ex-chef de sa diplomatie Alain Juppé ont déjà manifesté leur intention de se présenter à la future primaire qui désignera le candidat à la présidentielle de 2017.

Les deux rivaux se sont démarqués de l’orientation très droitière de la campagne 2012 qui a conduit à la défaite de M. Sarkozy face à François Hollande mais qui garde cependant des partisans à l’UMP.

M. Sarkozy ne cache d’ailleurs plus son intention de prendre sa revanche en 2017. Il a laissé entendre qu’il briguerait fin novembre la présidence de l’UMP. Et vu sa popularité parmi les militants, "ses chances sont extrêmement fortes sauf accident judiciaire", souligne Philippe Braud.

Nicolas Sarkozy est impliqué dans plusieurs dossiers judiciaires. Les comptes de sa campagne 2012, révélant une double facturation, avaient provoqué en juin la démission de l’ancien président du parti Jean-François Copé.

Des élections anticipées feraient en revanche les affaires du FN. Marine Le Pen, qui a dénoncé le "spectacle affligeant" donné par le pouvoir en place et par l’UMP, a récemment appelé à la dissolution de l’Assemblée.

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