Le chaudron algérois en ébullition (JDD)

Samedi, à Alger, une manifestation « pour la démocratie » a dégénéré en affrontements. L’exemple tunisien fait remonter la tension.

Le chaudron algérois en ébullition (JDD)
Au lieu d’une démonstration de force du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition), c’est le pouvoir algérien qui a montré ses muscles samedi. La formation de Saïd Sadi avait appelé à une marche "pour la démocratie". Une manifestation interdite par les autorités, alors que l’Algérie a connu début janvier de violentes émeutes contre la vie chère (5 morts, plus de 800 blessés). Le face-à-face a débouché sur des affrontements. Bilan: 42 blessés selon le RCD, 19 selon la police, qui en annonçait huit dans ses rangs, dont deux grièvement.

Massées devant le siège du parti, dans le centre d’Alger, près de 500 personnes ont tenté à maintes reprises de percer le dispositif de sécurité impressionnant installé aux alentours dès les premières heures de la matinée. Sans succès. Des groupes de jeunes ont tenté de rejoindre la place du 1er-Mai, d’où la marche devait commencer. En vain. Sans ménagement, les forces anti-émeutes les ont contenus à l’intérieur du siège du parti. La capitale était bouclée, et dix barrages fixes bloquaient l’autoroute menant vers la Kabylie, bastion du RCD. La marche n’était pas soutenue par les autres partis de l’opposition. Des slogans hostiles au pouvoir ont été scandés. Certains manifestants brandissaient des drapeaux algériens, mais aussi les couleurs de la Tunisie voisine. Car le renversement du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, de l’autre côté de la frontière, a relancé l’agitation que le gouvernement algérien s’était efforcé de contenir en faisant baisser les prix des produits de première nécessité.

"Avant, on se moquait des Tunisiens, maintenant, on les respecte"
L’ébullition est perceptible à Bab el-Oued, quartier populaire d’Alger qui a toujours été au coeur des poussées de fièvre dans le pays, comme cela a encore été le cas au début du mois. Adossé à la clôture de l’esplanade de la mosquée, Saïd scrute les lieux. "Nous sommes assis sur une bombe qui risque d’exploser à tout moment", avertit ce retraité. "Ça bouillonne. Il y a trop d’injustices et de corruption dans ce pays", renchérit Yacine, 40 ans, gérant d’un kiosque à tabac d’où il peut observer ceux que les Algérois appellent les "dénudés": les jeunes désoeuvrés qui descendent de Climat de France et de la Carrière, deux hauts lieux du trafic de drogue.

L’exemple de la Tunisie est dans tous les esprits. "Avant, on se moquait des Tunisiens interdits de parole dans leur pays, maintenant on les respecte. Ils ont chassé leur dictateur", poursuit Yacine en évoquant la multiplication ces dernières années des scandales impliquant de hauts responsables algériens. "Ils ont volé l’argent du pétrole et laissé le peuple souffrir. Il n’y a plus rien pour nous." Lui dit ne réclamer qu’"une petite part du pétrole": "De quoi loger ma famille, c’est tout. J’ai fait une demande pour un logement social en 2001. D’autres venus après moi ont été servis. Ils sont pistonnés." Des syndicats et des organisations de droits de l’homme préparent une autre marche populaire, le 9 février à Alger.

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