Le boson de Higgs, la particule qui donne la migraine au comité Nobel

Le 4 juillet dernier, le Cern annonçait la découverte d’une nouvelle particule élémentaire, vraisemblablement le fameux boson de Higgs: la fin de décennies de traque effrénée mais le début de la migraine pour le comité chargé de décerner le prix Nobel de physique.

Pour les scientifiques de tout poil, il ne fait aucun doute qu’avoir débusqué le chaînon manquant dans la théorie des particules élémentaires est un exploit historique qui doit un jour ou l’autre être couronné par un Nobel.

Le boson de Higgs, qui explique notamment pourquoi certaines particules ont une masse et pas d’autres –et par conséquent pourquoi l’Univers existe tel que nous le connaissons–, est "à la physique ce que la découverte de l’ADN est à la biologie", tranche Peter Knight, président de l’Institut de Physique britannique.

"Je ne vois pas ce qui pourrait faire concurrence au boson de Higgs" pour recevoir le prix Nobel, déclare de son cô té à l’AFP le physicien français Etienne Klein (Commissariat à l’énergie atomique).

Si le comité Nobel en décide ainsi mardi prochain à Stockholm, à qui peut-il attribuer le prix ? Le dilemme est de taille.

Certes, le boson est associé pour le grand public au Britannique Peter Higgs, 83 ans, mais celui-ci reconnaît volontiers qu’il n’a pas la paternité exclusive de la théorie qui a formulé l’existence de la fameuse particule.

Six physiciens au total, chacun s’inspirant des travaux des autres, ont publié des "papiers" pour échafauder cette théorie en 1964, en l’espace de seulement quatre mois.

Les premiers furent les Belges Robert Brout, décédé l’an dernier, et François Englert.

Ils ont été suivis de peu par Peter Higgs, qui fut le premier à écrire que seule une nouvelle particule pouvait expliquer ces anomalies constatées sur la masse des particules. Le trio européen coiffa au poteau celui formé par les Américains Dick Hagen et Gerry Guralnik et le Britannique Tom Kibble.

Et comme en physique, rien n’est jamais simple, il aura fallu mobiliser des milliers de physiciens du monde entier, réunis dans deux expériences distinctes hébergées à Genève par le LHC, le Grand collisionneur de hadrons du Cern, pour parvenir l’été dernier à la découverte du boson prédit par les théoriciens presque cinquante ans plus tô t.

Sachant que trois noms au plus, individus ou organisations, peuvent se partager un seul Nobel, et que le prix ne peut être décerné à titre posthume, la solution de l’équation pourrait être de primer Peter Higgs, François Englert et le Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire).

Pas si simple.

"Le problème, c’est que beaucoup de gens qui ont participé à la découverte ne sont pas du Cern. Le Cern est la structure qui accueille les équipes qui, elles, sont dispersées dans le monde entier", souligne Etienne Klein, qui aimerait malgré tout qu’on trouve "une formule permettant d’associer tout ce petit monde".

"Ca ne s’est jamais produit en physique mais ce serait une première qui deviendrait sans doute obligatoire" étant donné les moyens colossaux nécessaires à la recherche expérimentale moderne, juge M. Klein.

"La physique a changé depuis l’attribution du premier prix Nobel en 1901. Il s’agissait alors d’individus qui faisaient de grandes découvertes. Aujourd’hui, ce sont de grandes collaborations et de grandes équipes. Cela nous pose un problème", reconnaît Lars Brink, membre du comité Nobel de physique.

"Il n’y a rien qui nous empêche de le donner à une organisation mais ce serait un gros changement (…) C’est un peu psychologique. Les lauréats ont toujours été comme canonisés, mis sur un piédestal. On ne peut pas conférer le même statut à 6.000 personnes", explique-t-il à l’AFP.

Pour corser le tout, si une nouvelle particule a bien été découverte et qu’elle ressemble fort au boson de Higgs, il faut encore procéder à des mesures complémentaires pour confirmer qu’il s’agit bien de la "fichue particule".

Le comité Nobel pourrait donc choisir d’attendre 2013. "Mais il ne faut pas oublier que Peter Higgs n’est pas tout jeune, donc il y a peut-être une forme de pression liée à l’âge", relève Etienne Klein.

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