Le Parlement de Catalogne lance la rupture avec l’Espagne

72 députés indépendantistes ont adopté un texte sans précédent qui doit aboutir à la création d’une république au plus tard en 2017.

Le Parlement de Catalogne a adopté lundi une résolution sans précédent déclarant le début de la rupture avec l’Espagne et le lancement d’un processus qui doit aboutir à la création d’une république indépendante au plus tard en 2017. Soixante-douze députés indépendantistes (sur 135) ont adopté le texte qui lance ce processus visant à créer « un État catalan indépendant prenant la forme d’une République ». Les partisans d’un maintien en Espagne ont accueilli le résultat du vote debout, déployant des drapeaux de l’Espagne et la Catalogne.

« J’ai l’honneur et la responsabilité de défendre la proposition de résolution par laquelle nous lançons solennellement la construction d’un nouvel État, un État catalan, une République catalane », avait plaidé auparavant Raul Romeva, tête de liste de la coalition indépendantiste Junts pel Si (Ensemble pour le oui). « Après des années pendant lesquelles nous avons demandé le droit de décider, nous avons décidé de l’exercer », a lancé l’élu lors de cette session très spéciale retransmise in extenso sur la chaîne publique d’informations TVE 24 horas.

Le chef du gouvernement conservateur espagnol Mariano Rajoy a annoncé lundi qu’il présenterait un recours en urgence devant la Cour constitutionnelle pour invalider la résolution indépendantiste adoptée lundi par le Parlement catalan. « Je solliciterai la suspension immédiate de cette initiative (parlementaire) et de tous ses effets », a dit Mariano Rajoy lors d’une allocution télévisée, précisant avoir convoqué à cet effet un conseil des ministres extraordinaire, prévu mercredi.

Une « rupture »

Le Parlement régional de cette région au coeur de l’Europe méditerranéenne de 7,5 millions d’habitants, représentant 20 % du PIB de l’Espagne, est issu d’un scrutin organisé le 27 septembre centré sur la question de la sécession. Ces élections ont été emportées par les indépendantistes, qui ont gagné une majorité des sièges (72 sur 135) sans pour autant obtenir la majorité absolue des voix (47,8 %). Les séparatistes estiment disposer d’un soutien suffisant pour lancer le processus d’indépendance, et ont défendu cette résolution en ce sens lundi, soit le « défi le plus important à la démocratie de ces 30 dernières années », a résumé l’élue du parti Ciudadanos, opposée à la sécession, Inès Arrimadas.

Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a d’ailleurs promis de le contester au plus vite devant la Cour constitutionnelle. Le texte, une « rupture », selon Anna Gabriel du parti indépendantiste CUP (Candidature d’unité populaire, extrême gauche), lance une « feuille de route » vers la séparation. Le Parlement régional, « détenteur de la souveraineté », ne s’estime désormais plus « tributaire des décisions des institutions espagnoles, et en particulier de celles de la Cour constitutionnelle ». La résolution prévoit aussi le lancement de travaux parlementaires pour mettre en place une administration fiscale indépendante et une sécurité sociale.

Tensions croissantes

Le vote intervient après des années de tensions croissantes entre l’exécutif du président catalan sortant Artur Mas et le gouvernement central. Le premier réclamait sans succès un référendum d’autodétermination, poussé par une fièvre indépendantiste alimentée par la crise économique et un premier arrêt de la Cour constitutionnelle ayant raboté les compétences propres de la région. Le 9 novembre 2014, Artur Mas, nationaliste devenu séparatiste, avait déjà passé outre un interdit de la cour, organisant une consultation symbolique mais interdite où 1,9 million de personnes s’étaient prononcées pour l’indépendance. Le vote de lundi a également lieu à moins de deux mois des législatives du 20 décembre en Espagne, où la « question catalane » domine le débat. Mariano Rajoy, dont le Parti populaire (PP, droite) est en perte de vitesse, talonné par Ciudadanos (centre droit) et le Parti socialiste, a obtenu leur soutien sur le terrain de la défense de l’unité de l’Espagne.

À six semaines des élections, chacun de ces partis avance cependant sa solution : Ciudadanos, une réforme des institutions ; le Parti socialiste, un dialogue et davantage de fédéralisme ; et Podemos, antilibéral, l’organisation d’un référendum. Lundi matin, leurs élus ont plaidé avec fougue pour le maintien de la Catalogne en Espagne, évoquant pour certains un anniversaire européen : celui de la chute du mur de Berlin, un 9 novembre 1989, il y a 26 ans. « Nous n’allons pas vous permettre de construire un nouveau mur », autour de la Catalogne, a prévenu le député du PP Xabier Garcia Albiol. Les indépendantistes ont un point faible qui pourrait bloquer leurs desseins : l’absence d’accord sur le futur président de la région, l’extrême gauche refusant le candidat de Junts pel Si, Artur Mas, un conservateur. Ils ont jusqu’au 9 janvier pour s’accorder, faute de quoi ils seraient contraints d’organiser de nouvelles élections.

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