Le Maroc, où comment passer sans encombres les soubresauts arabes…

Vendredi 30 juillet, Frédéric Encel a consacré sa Chronique géopolitique sur France Inter au Maroc, un pays qui a échappé aux soubresauts du Printemps arabe…

PIERRE WEILL
Aujourd’hui, le Maroc, un pays qui a échappé aux soubresauts du printemps arabe.

FREDERIC ENCEL:
C’est vrai ! Cette chronique, on le sait, n’est pas réputée pour sa complaisance vis-à-vis des régimes politiques quels qu’ils soient ! Et pourtant, lorsqu’un système fonctionne, pourquoi ne pas le dire ! Aujourd’hui, le Maroc célèbre la fête traditionnelle du trône, qui marque l’intronisation du Roi Mohammed VI. Et forcé de reconnaître que ce souverain au pouvoir, depuis maintenant 13 ans, s’en sort plutôt bien. Certes de graves problèmes économiques que subsistent, à commencer par l’intégration d’une jeunesse nombreuse sur le marché de l’emploi, entre parenthèses, l’Europe du Sud, n’est pas un modèle de réussite en la matière. On pourra aussi pointer des poches de pauvreté, aux abords des grandes villes ou encore les foyers d’analphabétismes dans les campagnes reculées. Cela dit, aucun bilan n’a de sens dans l’absolu. Et il faut toujours comparer avec avant et ailleurs. Et en l’occurrence parmi les voisins arabes, sans une goutte de pétrole et avec une population abondante, le Maroc se présente comme un bon élève, et c’est le PNUD, le programme des Nations Unies pour le développement qui le dit. Une dynamique de grands chantiers et d’investissements et pas seulement à Tanger. Une croissance de 4,6 % en 2011, malgré une conjoncture mondiale défavorable, un taux d’investissement global de 35 % du PIB. Un pouvoir d’achat, moyen en hausse de 4 %, etc. par ailleurs aux confins du social, de l’économique et de l’identitaire, on notera la volonté farouche du souverain de défendre le droit des femmes en réformant en leur faveur la Moudawwana, autrement dit le Code de la famille et cela dès 2003 et en les incitant à intégrer le monde du travail. Politique courageuse, si l’on sait l’exécration des islamistes radicaux pour ce type de mesure salutaire. Et précisément, sur ce front-là, aussi, Rabat a su rester ferme et efficace vis-à-vis des terroristes qui, on le sait, ont frappé durant les années 2000, tout en menant une politique extérieure pondérée et proche de l’Occident.

Sur le plan politique, Frédéric ENCEL, comment expliquez que la contestation du printemps arabe, n’ait que marginalement touché le Maroc ?

FREDERIC ENCEL:
Alors toujours difficile de donner une réponse univoque Pierre. Mais deux pistes, tout de même ! L’une conjoncturelle, l’autre structurelle. D’abord Mohammed VI a immédiatement pris la mesure du phénomène contestataire en annonçant une série de réformes notamment sur le plan social de nature à apaiser certaines frustrations. En cela, il fut bien inspirer, d’autant qu’une vraie conciliation a eu lieu avec les formations parlementaires d’opposition, les syndicats et le monde associatif. Une politique assez unique, parmi les 22 Etats de la Ligue Arabe exceptée, peut-être à l’autre bout du monde arabe, celle d’Abdallah II de Jordanie. Voilà pour l’immédiat. Mais plus structurellement, il ne faut jamais oublier que la dynastie chérifienne bénéficie de deux atouts fondamentaux. Un, elle est descendante du prophète, ce qui incite les islamistes à la jouer profil bas. Deux, elle n’a jamais été dominée par l’Empire ottoman, ni réellement colonisée par une puissance européenne, le court intermède français ayant été jusqu’à Lyautey respectueux du sultanat. Or il s’agit là d’une exception absolue, au sein du vaste monde arabe, en particulier si on observe l’histoire des voisins algériens et mauritaniens. Et cela, ce double prestige historique était logique, le peuple marocain, le tient pour tout à fait essentiel. Alors résumons-nous, terrorisme et sécessionnisme en Irak, faillite totale de l’Etat au Yémen et en Somalie, guerre civile en Syrie, incertitude islamiste en Tunisie, en Egypte et bientôt en Libye. Un peu tout cela à la fois au Mali, et recul ou stagnation économique partout, décidément le Maroc de Mohammed VI tient bon, le cap sur une mer plutôt déchaînée.

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