Le Maroc à la conquête économique de l’Afrique

Le roi ohaed VI acève vendredi une tournée africaine qui l’a mené au GHANA, en ZAMBIE, en GUINÉE ET en CÔTE D’IVOIRE

Prés car­rés Après avoir ré­in­té­gré l’Union afri­caine en jan­vier lors du som­met des chefs d’Etat, le roi du Maroc re­pris ses dé­pla­ce­ments sur le conti­nent. Il est ac­tuel­le­ment en Côte d’Ivoire où il dé­ploie une in­tense di­plo­ma­tie éco­no­mique. Une étude ré­cente de Bea­ring­Point sou­ligne le dy­na­misme des opé­ra­teurs Marocains en Afrique, qui ri­va­lisent de plus en plus avec les en­tre­pre­neurs fran­çais.

Fran­çois Hol­lande se fai­sait pho­to­gra­phier en chapka et pe­lisse en four­rure au Ka­za­khs­tan en 2014 ; Mo­ham­med VI a pris la pose en début de se­maine en veste aux sym­boles afri­cains, avec le créa­teur de mode Path Oué­draogo. C’était à Abid­jan où il ter­mi­nait une nou­velle tour­née afri­caine qui l’a mené au Ghana, en Zam­bie, au Kenya, en Gui­née et en Côte d’Ivoire. Le roi du Maroc a mul­ti­plié les dé­pla­ce­ments sur le conti­nent de­puis un an. Il se dé­place avec une ca­ra­vane d’hommes d’af­faires et de grands pa­trons.

D’ici quelques an­nées, le pre­mier concur­rent des Fran­çais dans le pré carré fran­co­phone afri­cain de­vrait être le royaume Marocain. Le Pa­lais porte la di­plo­ma­tie éco­no­mique et le roi s’est en­gagé per­son­nel­le­ment, en mul­ti­pliant les dé­pla­ce­ments en terre afri­caine. Les pre­mières an­nées, après son ac­ces­sion au trône en 1999, il a com­mencé par les pays al­liés de l’Afrique fran­co­phone. Au­jour­d’hui, ses ef­forts portent aussi sur l’Afrique an­glo­phone. Il est allé ré­cem­ment au Rwanda, en Tan­za­nie, en Ethio­pie, au Ni­ge­ria…

Le roi se veut le chantre du co­dé­ve­loppe-ment, de la co­opé­ra­tion sud-sud, n’hé­si­tant pas, dans ses dis­cours, à at­tri­buer les dif­fi­cul­tés de l’Afrique à son passé co­lo­nial. « Mo­ham­med VI a fait plus de 80 voyages sur le conti­nent de­puis son in­tro­ni­sa­tion, in­dique Etienne Gi-ros, di­rec­teur dé­lé­gué du Conseil fran­çais des in­ves­tis­seurs en Afrique (Cian). Le royaume a fait du conti­nent une cible stra­té­gique pour le dé­ve­lop­pe­ment de ses en­tre­prises. Les opé­ra­teurs éco­no­miques adhèrent to­ta­le­ment à la stra­té­gie royale et se sentent obli­ger de la réa­li­ser. » Pour les en­tre­prises, il est aussi plus fa­cile de s’im­plan­ter en Afrique qu’en Scan­di­na­vie ou en An­gle­terre, où les bar­rières tech­niques ou ta­ri­faires sont plus éle­vées.

Lundi der­nier, Mo­ham­med VI et Alas­sane Ouat­tara, le pré­sident ivoi­rien, ont pré­sidé à Abid­jan la si­gna­ture de 14 conven­tions bi-la­té­rales, à l’oc­ca­sion de la réunion du groupe d’im­pul­sion éco­no­mique entre les deux pays. Parmi les en­ga­ge­ments, la construc­tion d’une unité phar­ma­ceu­tique en Côte d’Ivoire, la créa­tion de joint-ven­tures et d’un techno-centre dans le nu­mé­rique, le fi­nan­ce­ment de routes et de lo­ge­ments… L’an­née der­nière, le groupe Marocain Mar­chica Med a lancé l’amé­na­ge­ment de la baie de Co­cody à Abid­jan.

« Les en­tre­prises Marocaines ont consi­dé­ra­ble­ment dé­ve­loppé leur im­plan­ta­tion en Côte d’Ivoire, mar­ché qui concentre le quart de leurs in­ves­tis­se­ments di­rects à l’étran­ger »

« Les en­tre­prises Marocaines ont consi­dé­ra­ble­ment dé­ve­loppé leur im­plan­ta­tion en Côte d’Ivoire, mar­ché qui concentre le quart de leurs in­ves­tis­se­ments di­rects à l’étran­ger. Le Maroc a même dé­cro­ché le titre de pre­mier in­ves­tis­seur étran­ger en Côte d’Ivoire en 2015, avec au total 22 % des agré­ments dé­li­vrés par le Centre de pro­mo­tion des in­ves­tis­se­ments de Côte d’Ivoire, contre 16 % pour la France », in­dique le der­nier rap­port de l’As­sem­blée na­tio­nale fran­çaise sur la Côte d’Ivoire. Dans ce rap­port, les dé­pu­tés sou­lignent la concur­rence entre les en­tre­prises fran­çaises et Marocaines. « Contrai­re­ment à ce l’on dit dans les col­loques, je ne vois pas la sy­ner­gie entre les en­tre­prises de nos pays, in­dique un pa­tron fran­çais. Les en­tre­pre­neurs Marocains sont dé­ter­mi­nés, dy­na­miques et chassent sur nos terres ». Si le royaume n’a pas en­core tous les dis­po­si­tifs d’ap­pui fi­nan­cier comme la Co­face (as­su­rance), Pro­parco (éner­gies re­nou­ve­lables, fi­lière agroa­li­men­taire…) et la BPI (in­ves­tis­se­ment), il bé­né­fi­cie d’une place fi­nan­cière, la Ca­sa­blanca fi­nance city, et d’une com­pa­gnie aé­rienne, la Royal air Maroc, qui couvre presque tout le conti­nent avec l’ou­ver­ture de nou­velles lignes (Nai­robi, AddisAbeba, Ki­gali…). Le roi vend aussi à ses par­te­naires afri­cains ses liens pri­vi­lé­giés avec les pays du Golfe, no­tam­ment pour ob­te­nir des lignes de cré­dit.

« Parmi les concur­rents des in­té­rêts fran­çais en Afrique, il y a les Etats-Unis, la Chine, la Tur­quie, le Bré­sil… et de plus en plus le Maroc comme en té­moignent les suc­cess sto­ries des banques Marocaines, des groupes du bâ­ti­ment et des tra­vaux pu­blics », ex­plique Jean-Mi­chel Huet, di­rec­teur as­so­cié de la so­ciété de conseil Bea­ring­Point. L’ex­pan­sion Marocaine est ac­com­pa­gnée par l’of­fen­sive des trois grandes banques du pays, At­ti­ja­ri­wafa Bank, BMCE-Bank of Africa et Banque po­pu­laire. Pro­fi­tant du re­trait des banques fran­çaises, elles ont ra­cheté des fi­liales lo­cales et des éta­blis­se­ments pan­afri­cains. At­ti­ja­ri­wafabank a no­tam­ment ac­quis la SIB, fi­liale du Cré­dit agri­cole, en 2009. « Elles ont lar­ge­ment dé­trôné les banques fran­çaises en nombre d’agences et sont au coude à coude avec ces der­nières en va­leur d’ac­tifs ban­caires », sou­ligne le rap­port par­le­men­taire fran­çais.

A un an d’in­ter­valle, Bea­ring­Point a ef­fec­tué une même en­quête au­près d’un panel de chefs d’en­tre­prises fran­çais puis Marocains sur leur per­cep­tion de l’évo­lu­tion du mar­ché afri­cain. S’ils sont concur­rents, les pa­trons Marocains et fran­çais par­tagent le même op­ti­misme pour les an­nées à venir. Preuve de ce tro­pisme, la ma­jo­rité des en­tre­prises Marocaines es­timent que l’Afrique re­pré­sen­tera plus de 20 % de leur ac­ti­vité dans les cinq pro­chaines an­nées, contre 5 % il y a cinq ans. Cet op­ti­misme se confirme en France éga­le­ment. Il y a cinq ans, l’Afrique re­pré­sen­tait moins de 5 % du chiffre d’af­faires pour 49 % des en­tre­prises in­ter­ro­gées. Elles ne se­ront que 14 % dans ce cas en 2020.

En dix ans, la part de l’Afrique dans le chiffre d’af­faires glo­bal du panel va aug­men­ter de 75 %. Selon l’étude, 64 % des en­tre­prises Marocaines di­rigent leurs ac­ti­vi­tés afri­caines de­puis leur siège, contre 44 % pour leurs ho­mo­logues fran­çaises, pour la plu­part do­mi­ci­liées phy­si­que­ment sur le conti­nent via no­tam­ment leurs fi­liales et di­rec­tions ré­gio­nales. « Ces chiffres confirment une ten­dance lourde, le risque afri­cain lié aux si­tua­tions po­li­tiques et à l’en­vi­ron­ne­ment des af­faires ne consti­tue plus un obs­tacle rédhi­bi­toire, conclut Jean-Mi­chel Huet. Le po­ten­tiel et les op­por­tu­ni­tés du conti­nent, avec ses 2 mil­liards d’ha­bi­tants en 2050, dont plus de 900 mil­lions ap­par­te­nant à la classe moyenne, sont pris en compte dans la dé­fi­ni­tion des stra­té­gies de dé­ve­lop­pe­ment in­ter­na­tio­nal des en­tre­prises ».

par Pas­cal Ai­rault (L’Opinion du 3 mars 2017)

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