Le Hajj à La Mecque, un incroyable défi aérien face à 3,5 millions de pèlerins

Le Hajj à La Mecque, un incroyable défi aérien face à 3,5 millions de pèlerins
La régulation de ces voyageurs est un enjeu de taille qui passe essentiellement par la gestion de l’aérien et débute dès l’inscription au Hajj, où des quotas sont attribués aux 88 pays dans le monde d’où des croyants partent vers La Mecque. Puis le ministère saoudien du Hajj accrédite un nombre limité d’agences de voyages habilitées à commercialiser des billets d’avion et des séjours. Autant de mesures qui visent à prévenir les arnaques, monnaie courante.

Le voyage d’une vie et 5.000 euros d’économies

Au cours du pèlerinage 2007/2008, 11.500 des 40 000 pèlerins français ont ainsi déclaré avoir été "victimes d’arnaques" et les deux tiers des voyageurs se sont dits "très insatisfaits" de leur séjour. Les victimes ont souvent été abusées par de faux spécialistes d’organisation de pèlerinage. Un groupe interministériel a même été formé en mars 2005, après que des milliers de Français sont restés coincés à La Mecque. Des dysfonctionnements d’autant plus graves que, pour le pèlerin, souvent peu fortuné, cet acte de foi peut exiger des dizaines d’années d’économies pour arriver à payer un voyage coûtant 4.000 à 5.000 euros.

En plus des agences de voyages, les compagnies aériennes sont sélectionnées avec soin une à une. Une rigueur nécessaire quand on sait que l’un des accidents les plus meurtriers de l’histoire de l’aviation civile s’est produit en 1991 quand un DC-8 transportant des pèlerins nigérians vers La Mecque s’est écrasé sur l’aéroport de Djeddah, faisant 261 morts. Et il n’était pas rare, par le passé, que les pilotes des compagnies européennes qui desservaient l’Afrique croisent des avions sur des axes ouest-est volant feux éteints.

Ces appareils, sans plan de vol, ne répondaient pas à la radio pour ne pas payer de redevances de navigation aérienne. Pour mettre fin aux agissements de ces véritables pirates de l’air, venus des pays de l’Union soviétique, qui offraient leurs services aux États africains musulmans, l’Arabie saoudite a mis en place une réglementation stricte et exemplaire du charter.

Les compagnies aériennes négligentes à l’amende

Pour voler vers Djeddah ou Médine, la compagnie aérienne doit d’abord verser une caution se montant entre 100.000 riyals saoudiens (20.000 euros) et 200.000 riyals saoudiens, selon le nombre de vols prévus. Puis des fonctionnaires de l’aviation civile saoudienne se déplacent, aux frais de la compagnie, pour effectuer un audit de celle-ci et inspecter le ou les avions susceptibles d’être utilisés.

"La compagnie et les avions doivent être certifiés par l’Arabie saoudite pour pouvoir y atterrir", explique Mourad Majoul, président d’Avico, le premier courtier français et spécialiste de ce secteur qui affrète dix gros-porteurs cette année. Le cahier des charges impose que les appareils soient équipés des dernières technologies et, pour prévenir toute déviance, un véritable barème des amendes et pénalités a été établi, qui va de 15.000 riyals saoudiens pour un vol en retard à l’interdiction de revenir l’année suivante en cas de fautes répétées.

Pour les compagnies aériennes occidentales, le Hajj reste une opportunité financière intéressante de voler en période creuse. Les dates du pèlerinage sont actuellement favorables, mais ne le seront pas toujours, car il est fixé par le calendrier lunaire. Octobre et novembre correspondent à une intersaison pour les transporteurs à vocation touristique. Le programme d’été est terminé alors que celui de l’hiver attend les fêtes de Noël pour vraiment démarrer.

Avico s’est fait une spécialité de mettre en contact compagnies aériennes et affréteurs. Ces derniers sont souvent des gouvernements, les États musulmans se devant de proposer une offre publique de pèlerinage. Au total, Avico affrète cette année dix gros-porteurs français, espagnols, italiens et portugais, deux fois plus que l’an dernier, qui vont effectuer ces séries de vols. C’est un budget de 30 millions d’euros et 6.500 heures de vol pour une entreprise qui offre une alternative aux intermédiaires britanniques, traditionnellement très présents sur ce secteur.

Excédents de bagages au retour

Les passagers, qui prennent souvent l’avion pour la première fois, reçoivent un carnet de voyage qui les aide à se préparer spirituellement mais aussi pratiquement au Hajj. Le seul sac – standard – qu’ils peuvent embarquer en cabine leur est offert. Si un pèlerin part généralement avec dix kilos de bagages, il peut parfois revenir avec cinquante kilos. Parfums, appareils photo et matériel électronique sont, en effet, vendus hors taxes à Djeddah et séduisent souvent au point que le transporteur doit prévoir un avion-cargo pour les excédents de bagages.

"C’est la voiture-balai avec 80 tonnes de bagages. Toute cette logistique est très lourde et nous demande de dédier sur place une équipe d’une cinquantaine de collaborateurs pendant trois mois", souligne Gilles Gompertz, directeur général d’Avico.

Au départ de la France, les pèlerins empruntent peu des vols affrétés, car l’offre régulière des compagnies aériennes est abondante, ce qui n’est pas le cas de pays d’Afrique ou d’Asie au faible trafic en temps normal. De Paris mais aussi de Lyon, Marseille, Toulouse, etc., les pèlerins volent avec Turkish Airlines jusqu’à Istanbul, Royal Air Maroc vers Casablanca, Tunisair vers Tunis, etc., d’où des vols en correspondance les acheminent vers les lieux saints.

Les compagnies du Golfe (Emirates, Etihad, Oman Air, Qatar) sont bien sûr des alternatives et il est même possible de voyager en Airbus A380, Emirates affectant ponctuellement le très gros porteur à la desserte de Djeddah.

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